Moumouni Dagano et Aristide Bancé, les deux meilleurs buteurs de l’histoire du Burkina Faso se sont révélés dans le championnat belge
Le premier fut l’un des partenaires de Wesley Sonck à Genk, le second l’une des trouvailles de la filière africaine de Willy Verhoost à Lokeren. Retour sur les périodes Pro League (et anversoises) des deux attaquants qui ont marqué l’histoire des Etalons.
La Belgique reçoit le Burkina Faso en match amical ce mardi. Ce sera le premier duel entre ces deux pays dont les liens sont étroits depuis de nombreuses années sur le plan du football. Les perches des Etalons seront d’ailleurs défendues par le gardien carolo Hervé Koffi. L’attaquant du StandardAbdoul Tapsoba figure aussi dans la sélection, même si ses chances de jouer sont moins grandes. D’autres éléments comme Issa Kaboré ou Hassane Bandé connaissent aussi très bien les pelouses de Pro League pour les avoir arpenté sous les couleurs sang et or du FC Malines.
Quand on se penche sur le classement des meilleurs buteurs de l’histoire du Burkina Faso, l’on retrouve aux deux premières places de vieilles connaissances de notre compétition : Moumouni Dagano et Aristide Bancé.Les deux hommes ont rangé leurs crampons depuis lors et le second a même intégré voici peu le staff du sélectionneur Oscar Barro dans un rôle de team manager. Retour sur les passages belges des deux joueurs.
Moumouni Dagano, le binôme parfait de Wesley Sonck
C’est en Côte d’Ivoire que Moumouni Dagano, né à Bobo-Dioulasso dans le sud-ouest du pays, tape ses premiers ballons chez les grands. Il a 17 ans et s’exile au Stella Club d’Adjamé qui se situe à Abdijan. Ses prestations lui permettent d’attirer l’attention du plus grand club de son pays natal, l’Etoile Filante de Ouagadougou. C’est là que le Germinal Beerschot le repère et l’attire en Belgique. Au Kiel, le jeune homme alors âgé de 19 ans va être encadré par deux vieux briscards de notre foot: Marc Degryse et Cisse Severeyns. Ce transfert lancera aussi sa carrière en équipe nationale. « C’est grâce à mes prestations avec le Germinal Beerschot que j’ai reçu ma chance en équipe nationale et que ma famille a été plus respectée au pays », racontait-il à Gazet van Antwerpen en mars 2001. Profitant des blessures à répétition d’un vieillissant Severeyns, le Burkinabé et son mètre 86 font merveille aux côté d’un virevoltant Degryse. Dagano marque à neuf reprises en 25 matches après avoir définitivement gagné ses galons de titulaire à partir de la 13e journée de championnat. En plus de cela, il s’illustre aussi en Coupe de Belgique en secouant les filets à trois reprises lors de ses quatre apparitions, ce qui permet au club du Kiel d’atteindre un dernier carré duquel il sera sorti par Westerlo, futur vainqueur de la compétition.
La protection de balle dos au but et l’efficacité dans les airs de Moumouni Dagano font merveille et les grands clubs du championnat lui font les yeux doux à la fin de la saison. Anderlecht, futur champion, se positionne alors que sa paire Jan Koller et Tomasz Radzinski est amenée à filer sous d’autres cieux. Ce sera finalement Genk qui lui mettra le grappin dessus. Un choix qui va changer radicalement la carrière de Moumou qui sera associé à une autre valeur montante de notre compétition : Wesley Sonck (lui aussi venu du Germinal Beerschot une saison auparavant). Les deux hommes forment à leur tour une paire gagnante à la Koller-Radzinski et Genk voit surtout un autre duo de feu se reformer après celui composé par Branko Strupar et Souleymane Oularé lors de son titre de 1998. Et c’est un coup dans le mille puisque l’histoire va repasser les plats…. L’entente entre Dagano et Sonck marche à la perfection. Le Burkinabé plante 21 buts et délivre 10 passes décisives eb championnat cette saison là, pendant que le ketde Ninove adresse le même nombre d’assists tout en secouant les filets à 30 reprises. Grâce à son couple diabolique et à la présence d’autres hommes forts comme Bernd Thijs, Josip Skoko, Didier Zokora ou Koen Daerden, Genk retrouve les lauriers nationaux, douze mois après avoir terminé à une décevante… onzième place
Moumouni Dagano était d’ailleurs sous le charme de son compère de l’époque comme il le déclarait en 2007 dans les colonnes de La DH. « Wesley m’a tout appris. Ses qualités ne s’exprimaient jamais aussi bien que lorsqu’il était devant le but. Il avait tout. J’étais impressionné par ses frappes, du gauche, du droit ou de la tête mais aussi, et surtout, par son déplacement. Il était incroyable. Aucun doute, c’était un vrai buteur », expliquait l’attaquant burkinabé. « Nous formions, à l’époque, le meilleur duo possible. Je n’ai jamais retrouvé pareille complicité avec un autre attaquant. J’ai eu besoin d’apprendre ce qui était naturel chez lui. J’ai, longtemps, essayé de le copier. Il m’a incroyablement fait progresser », ajoutait aussi Dagano qui, malgré cette belle complicité sur le terrain, n’a pas spécialement gardé de contacts avec son acolyte une fois que leurs chemins footballistiques se sont séparés.
Cette saison faste sous la houlette de l’entraîneur néerlandais Sef Vergoossen permettra aussi à Moumouni Dagano de décrocher le Soulier d’Ebène, récompensant le meilleur joueur africain de notre compétition.
L’été suivant, la participation de Genk aux poules de la lucrative compétition passe par une double confrontation contre le Sparta Prague, dont l’épilogue haletant dans la capitale tchèque a souvent été qualifié de « Miracle de Prague ». Une référence au « Miracle de Berne » et à la victoire surprise de la Mannschaft en finale de la Coupe du monde 1954 contre la prestigieuse équipe de Hongrie de la génération Puskas. Le contexte est évidemment différent puisqu’après avoir vaincu les Tchèques 2-0 dans le Limbourg, Genk mène 1-2 à Prague grâce à deux réalisations de son duo offensif. Le rush des joueurs locaux leur permet de renverser la vapeur et à six minutes de la fin, un but permettrait au Sparta de valider son billet pour la cour des grands d’Europe. Genk résistera finalement non sans faire perdre quelques années de vie à ses fervents supporters. La paire Dagano et Sonck a encore démontré son importance et espère briller dans des matches où les recruteurs des formations les plus prestigieuses de la planète auront les yeux rivés sur l’entité limbourgeoise.
Dans la phase de groupes de la Champions League, Dagano est présent sur la pelouse pour les deux partages obtenus contre l’AEK Athènes et l’AS Roma, mais aussi lors de la déroute au score tennistique encaissée dans l’antre du Real Madrid. Il loupe en revanche les deux derniers duels. Sa saison au niveau belge est moins aboutie que la précédente, même si elle reste de bonne facture avec 14 roses plantées en championnat. L’heure du départ viendra ensuite pour le Burkinabé qui rejoint Guingamp dans le championnat français.
« Je suis super-content de jouer en France car c’était déjà mon rêve quand j’étais en Afrique. Je viens à Guingamp dans l’espoir de progresser dans un club qui a la réputation d’être sérieux », déclarait-il lors de sa présentation en Bretagne. Le rêve hexagonal de Moumouni Dagano ne lui permettra pas d’aller plus haut. Après deux saisons et 24 buts en 74 matches, il file du côté de Sochaux où son rendement ne sera pas plus performant avec 13 réalisations en 3 saisons. Moumou prend ensuite la direction du Qatar où il enchaîne les clubs de 2008 à 2016 afin de garder sa place en équipe nationale où il est désormais devenu capitaine.
En 2013, les Etalons sont dirigés par un Belge à la réputation sulfureuse, Paul Put. L’homme a été banni en Belgique suite au scandale déclenché par l’affaire Zheyun Yé et s’offre le plus bel exploit de sa carrière à la tête de la sélection africaine qui atteint la finale de la CAN. Moumouni Dagano est réserviste ce jour-là puisque le sélectionneur lui préfère Aristide Bancé, un autre attaquant bien connu des pelouses belges. Ce dernier marquera aussi l’histoire de son pays en étant l’un de ses meilleurs buteurs, mais derrière Dagano et ses 34 pions en 83 sélections. Moumou referme le chapitre de la sélection nationale en 2014 à l’âge de 33 ans avant d’en faire de même avec celui de sa carrière en 2016 alors qu’il effectuait une dernière pige au Qatar SC.
Aristide Bancé, le Nicolas Frutos du Daknam
Au début des années 2000, la mode est au pivot dans le football. Les clubs raffolent de ces grands attaquants capables de garder des ballons dos au but pour permettre au reste de l’équipe de remonter et d’apporter son soutien offensif. Mais il faut aussi qu’ils ne soient pas trop maladroits de leurs pieds et disposent d’un certain sens du but. Willy Verhoost, l’homme de confiance de Roger Lambrecht à Lokeren, aime sillonner l’Afrique à la recherche de perles dont les montants de transfert sont faibles et qui possèdent un beau potentiel à la revente.Stephen Keshi, Adekamni Olufadé, Souleymane Youla, Nzolo Lembi, Sambegou Bangoura, Moussa Maazou et bien d’autres possèdent tous pour point commun d’avoir tapé dans l’oeil du directeur sportif du Daknam.
Tout comme Dagano, c’est en Côte d’Ivoire, où ses parents ont émigré, qu’Aristide effectue ses classes. Chez les Bancé, on est plutôt du genre à suivre des études qu’à jouer au football. Le septième enfant de la famille embrasse donc un autre choix de vie et évolue pour les clubs ivoiriens du Stade d’Abidjan, du REC Daoukro et du Football Club Athlétique avant d’être découvert par Verhoost à Santos, son seul club burkinabé. « Il m’a d’abord demandé de patienter au pays avant de me faire venir en Belgique pour passer un test. C’était contre Heusden que j’ai dû démontrer mes qualités. J’ai inscrit deux buts au cours de ce match. », raconte Aristide Bancé quelques mois après son arrivée chez nous.
Colosse d’1m93, le Burkinabé se distingue sur le terrain par ses mèches peroxydées, même s’il faudra un peu attendre pour qu’il commence à empiler les goals. Son adaptation est moins rapide que celle de Dagano. Bancé ne marque que cinq fois en championnat pour sa première saison et est barré par le duo Islando-brésilien Marel Baldvinsson et Tailson. Sa deuxième année est à peine meilleure avec seulement 6 buts en 28 matches. Il faut attendre la saison 2005-2006 pour que Bancé ne mette tout le monde d’accord au Daknam et dans le championnat de Belgique. Il plante 15 roses et sa stature physique proche d’un Nicolas Frutos, devenu la nouvelle hype à Anderlecht, lui vaut d’être comparé à l’Argentin. Il s’offre aussi deux triplés contre Lokeren et le Cercle Bruges.
Cet exercice accompli permet aux Waeslandiens de remplir leurs caisses puisque le géant burkinabé est vendu pour un peu moins de deux millions d’euros au Metalurg Donetsk. Le début d’une carrière de mercenaire qui verra Bancé porter les couleurs de 22 clubs au cours d’une carrière qu’il a terminée en 2020.
La vie en Ukraine semble compliquée pour Aristide Bancé qui reviendra rapidement dans notre pays via une location de six mois, d’août à décembre 2007, au Germinal Beerschot. Le club anversois était, petit clin d’oeil de l’histoire, le dernier qu’il avait affronté lors qu’il évoluait à Lokeren. Mais l’aventure au sein de l’équipe fusionnée ne se déroulera pas comme prévue et l’attaquant ne retrouvera pas la confiance et les statistiques de son dernier exercice en Jupiler League. Il ne marque aucun but et se retrouve complètement barré par le duo Tosin Dosunmu et Sanharib Malki. Il retourne donc en Ukraine au mois de janvier avant de poser ses valises, dans la foulée, chez les Kickers d’Offenbach, dans l’antichambre de l’élite allemande. En Allemagne, sa carrière prendra alors une autre dimension.
Ses belles prestations lui permettent de rejoindre Mayence en Bundesliga où il réalise un beau parcours (67 matches/28 buts). Il s’offre ensuite un transfert lucratif aux Emirats arabes unis, ponctué par des prêts au Qatar et en Turquie, avant de revenir à Augsbourg. Le scénario connu au Germinal Beerschot où Bancé n’avait pas confirmé ses bonnes dispositions de Lokeren se répète. Il se plante avant d’être prêté du côté du Fortuna Düsseldorf avec aussi peu de succès à la clé. La suite de sa carrière sera un petit tour du monde façon Marvin Ogunjimi: Finlande, Kazakhstan, Afrique du Sud, Lettonie, Côte d’Ivoire, Egypte avant de revenir au Burkina Faso et de s’offrir une dernière pige à Horoya en Guinée. C’est là qu’il clôt le chapitre de sa carrière quelques mois après en avoir fait de même avec des Etalons dont il a porté le maillot à 75 reprises avec 23 réalisations au compteur. « Prendre cette décision d’arrêter n’a pas été facile. Je pouvais encore jouer, je pouvais même encore faire une dernière CAN. Mais il fallait prendre une décision. J’ai réfléchi et je me suis dit que c’était le moment. Quand tu joues et que tu n’es plus qu’à 95%, il vaut mieux arrêter. C’est comme ça que j’ai pris ma décision », expliquait l’attaquant de 37 ans à RFI au moment de justifier sa retraite.
Comme Thomas Vermaelen chez les Diables rouges, Aristide Bancé a intégré le staff de sa sélection, dans un rôle de team manager, quelques mois après avoir rangé les crampons. Il est désormais le grand frère d’une génération qu’il va aider à de faire grandir d’une autre manière. Et la dernière CAN lui offre déjà un premier beau résultat, lui a connu les joies d’une finale en 2013 dans la peau d’un titulaire. « Ma carrière a été longue de presque 15 ans, ce n’est pas donné à n’importe qui. », raconte Bancé. Italique« Quand je suis avec les jeunes ou quand je suis sur le banc au bord du terrain, je me sens sur le terrain. Face à une action, je me dis « si c’était moi »… C’est le football, mais petit à petit, j’ai su passer au-dessus de ça et me considérer comme un grand frère pour eux (les joueurs du Faso) pour les guider et les mettre sur la bonne voie. »
« J’ai joué avec Hervé Koffi, Steeve Yago, Bertrand Traoré, Issoufou Dayo, Cyrille Bayala/Gras, j’ai aussi joué avec certains de la jeune génération… Ils me connaissent, je connais tout le monde. On échange beaucoup, on partage nos expériences. On se parle très facilement. On met l’ambiance ensemble comme si j’étais un joueur. Mais quand il faut être sérieux, quand il faut dire les vérités, je peux parler et tout le monde écoute », détaillait à RFI le nouveau membre du staff des Etalons. Bancé envisage aussi de devenir entraîneur et pourquoi pas en Belgique, le pays qui a au final lancé sa carrière. Nul doute qu’il aura sans doute une pensée pour Roger Lambrecht, le président de Lokeren, décédé récemment, au moment du coup d’envoi. « M. Lambrecht était un président fantastique. Il était le premier au club et travaillait jour et nuit. Si vous aviez un problème, il était là pour vous. C’est aussi ma façon d’être en tant que manager d’équipe », conclut Aristide Bancé.
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