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Les secrets d’Alexander Blessin, passé d’inconnu à coach de Serie A en une année belge

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Le meilleur coach de la saison écoulée rejoint l’Italie. Coulisses d’une méthode qui a fait chavirer les pelouses de Pro League.

« Pour tout vous dire, au début, c’était beaucoup d’appréhension. D’ordinaire, quand tu as un nouveau coach qui débarque, tu sais que les règles vont changer. Et là, vu qu’on savait que c’était un coach allemand qui arrivait, on s’était fait tous les clichés. Moi, typiquement, je pensais qu’on allait courir comme des fous. »Kevin Vandendriessche, encore à Ostende quand Alexander Blessin débarque sur le banc de touche de la Côte à l’été 2020, réalise vite qu’il se trompe. À quelques kilomètres de la plage, dans un complexe sportif qui abrite le centre d’entraînement du KVO, l’effet de surprise est presque général. « Tout le monde l’a vu comme la surprise de la saison, et je pense que c’était le cas mais si j’ai été le recruter, c’est forcément que j’y croyais « , se marre Gauthier Ganaye, le CEO des Ostendais qui doit désormais se mettre en quête d’un successeur pour son coach, parti découvrir la Serie A depuis Gênes.

S’il a fallu quelques mois pour que Blessin fasse l’unanimité nationale, récoltant les compliments d’un Vincent Kompany qui souligne avant leur premier duel qu’Ostende « amène une chouette philosophie et du spectacle dans notre championnat », l’Allemand séduit plus rapidement ses joueurs. « Quand il est arrivé, il nous a tout de suite montré des images de Leipzig », se remémore Guillaume Hubert, dernier rempart des Côtiers. « On n’a pas seulement découvert un coach, mais carrément une méthode. Il savait très clairement ce qu’il voulait. »

Juste avant le coup d’envoi du championnat, face à la presse rassemblée sous un soleil estival, Alexander Blessin pose sa double condition d’une saison réussie : le maintien et une philosophie de jeu identifiable. Quelques mois plus tard, Ostende s’invite dans le top 8 après avoir longtemps convoité les play-offs 1, et l’inconnu venu des jeunes de Leipzig est élu entraîneur de l’année. Les Ostendais ont mis un coup d’accélérateur sur la Pro League, avec un pressing étouffant qui surprend, voire effraie les adversaires. « Les entraînements ne sont pas toujours amusants mais la récompense, on l’a chaque semaine au moment du match en voyant la tête de nos défenseurs apeurés au moment où on arrive pour les presser », sourit Makhtar Gueye, l’une des figures de proue offensives du 3-5-2 de Blessin.

Alexander Blessin avait été élu coach de l'année la saison dernière.
Alexander Blessin avait été élu coach de l’année la saison dernière.© iStock

JORDAN ET RANGNICK

Le coach est obsédé par la récupération du ballon. Il envisage l’acquisition d’un compte à rebours géant, qui bippe bruyamment à chaque seconde pour encourager un contre-pressing supersonique. Il instaure d’emblée la règle des trois secondes et développe le concept de défense contre le ballon, là où le pressing se fait habituellement homme contre homme sur les pelouses belges. « En gros, on m’a demandé de changer la façon que j’avais de jouer au football depuis quinze ans », résume François Marquet.

Amoureux de NBA et surtout de Michael Jordan, Alexander Blessin a dévoré The Last Dance, et parsème son discours de citations de MJ. Un jour, il a répondu à un journaliste, qui lui demandait comment il était devenu si fort défensivement, qu’il voulait simplement récupérer le ballon le plus vite possible, pour pouvoir à nouveau être créatif. Modeste attaquant de l’Hoffenheim avant-gardiste de Ralf Rangnick au milieu des années 2000, Blessin a continué à faire grandir ses idées dans la philosophie RedBull avant de les implanter chez les professionnels, avec la Diaz Arena comme laboratoire et l’esprit de meute comme mantra : « Les loups, les lionnes… S’ils chassent seuls, ils meurent. Avoir ça à l’esprit, c’est un bon point de comparaison pour la structure qu’on veut avoir sur le terrain « , justifie celui qui surprend parfois ses joueurs avec des images de documentaires animaliers, ou en leur demandant de s’entraîner le matin d’un match programmé en soirée.

Au début de cette saison, même ses propres joueurs étaient étonnés d’encore le voir au rendez-vous de la reprise des entraînements, à la tête d’un noyau décimé par le mercato et incapable de reproduire ses exploits de l’année précédente. Seul le club de Sheffield United s’était montré concret, mais Alexander Blessin avait finalement signé un nouveau contrat, assorti d’une clause libératoire qu’on disait comprise entre un et deux millions d’euros. Fort élevé pour un Standard qui l’avait sondé au moment de remplacer Mbaye Leye, ce à quoi Blessin avait répondu : « C’est un club fantastique, avec des supporters enthousiastes et une bonne école des jeunes, mais encore faut-il que le timing convienne. J’ai besoin de la préparation pour façonner mon équipe, je ne suis pas un pompier. « 

Ces dernières semaines, on l’a pourtant dit en contact avec Bruges, où sa vision ne faisait cependant pas l’unanimité, avant de le voir prendre les rênes du Genoa, dix-neuvième de Serie A avec une seule victoire au compteur. La mission ressemble clairement à celles qui se mènent au pied d’un camion rouge, avec un incendie à éteindre. La présence au volant du directeur général Johannes Spors, ancien de Leipzig, n’est probablement pas étrangère à son changement de discours.

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