Les coulisses du contrat XXS de Faïz Selemani à Courtrai
Faïz Selemani est pour beaucoup dans le bon départ pris par Courtrai en championnat. Il ne vit pourtant qu’avec 1.200 euros par mois.
À l’issue d’un entretien qui a porté sur ses bonnes prestations malgré des mois difficiles, Faïz Selemani nous demande de pouvoir ajouter quelque chose. « J’aimerais dire aux supporters de l’Union que je regrette la façon dont les choses se sont passées à l’époque. Je fais mon mea culpa. Ils m’ont donné de l’énergie que j’ai transformée en bons matches. Si je suis parti, c’est à cause de la direction du club et de l’entraîneur, pas à cause d’eux. Lorsque nous sommes allés à l’Union, le public m’a sifflé copieusement et ça m’a touché. »
En 2019, Selemani a été renvoyé de l’entraînement de l’Union suite à une divergence de vues avec le coach. Il a rompu son contrat et a trouvé refuge à Courtrai, qui a pensé (à tort) qu’il était libre. L’Union a introduit une plainte en justice et au printemps, le juge a condamné le joueur pour rupture de contrat abusive, lui infligeant une amende de 530.000 euros. Courtrai est donc obligé de verser son salaire sur un compte tiers, le joueur ne peut conserver que 1.200 euros par mois.
Il est pratiquement impossible de rembourser un tel montant quand on ne dispose pas d’un gros salaire et Courtrai refuse de payer l’amende. Selemani arrive en effet en fin de contrat et le club n’a pas envie de le voir partir gratuitement. MatthiasLeterme, le manager des Kerels, comprend qu’il est difficile de vivre avec 1.200 euros mensuels, mais estime que Courtrai n’est pas en tort. « Le tribunal a condamné le joueur, pas le club. Lorsque nous lui avons proposé un contrat, en 2019, nous nous étions basés sur des informations disant que la rupture de contrat unilatérale était légale. Il s’est avéré que ce n’était pas le cas. Si nous avions eu connaissance de tous les détails du dossier, nous ne l’aurions vraisemblablement pas engagé. »
Je me sens bien ici, mais la situation me pèse. »
Faïz Selemani
Pour Leterme, il y a une solution. « Nous pouvons payer cette amende, à condition qu’il prolonge. Il a eu une période d’adaptation difficile, avec de nombreuses blessures, mais il est important pour l’équipe. Et c’est un brave gars. C’est pour ça qu’on aimerait le garder, mais on a nos limites. Il ne faut pas oublier qu’il aura 28 ans en novembre et qu’on ne pourra sans doute pas le revendre. »
Rêve d’enfant
L’été dernier, les rumeurs de transfert les plus folles ont circulé, mais Selemani est resté. Détenteur d’un passeport français, il espère disputer la Coupe d’Afrique des Nations avec les Comores. « Son agent nous a dit qu’un club était prêt à verser un million d’euros pour lui, mais personne ne nous a contactés. Et de toute façon, nous ne l’aurions pas laissé partir à ce prix-là. » À quel prix, alors? « Nous n’avons pas fixé de somme, car nous ne voulons pas le vendre. »
Tant que les négociations ne sont pas terminées, c’est le joueur qui paye l’amende. Et ça fait quatre mois que ça dure. « Il est très difficile de vivre avec salaire aussi bas, mais j’essaye d’être au-dessus de ça, car je sais que la seule façon de m’en sortir, c’est de me mettre en évidence. Si je joue bien, une solution se présentera. Si je baisse les bras, il ne se passera rien. Je me suis promis d’être chaque jour, chaque semaine le meilleur homme sur le terrain. Je veux montrer que je peux fournir de bons états de service et faire face aux difficultés. J’ai déjà livré une bonne saison avec l’Union, l’année où on a atteint les demi-finales de la Coupe de Belgique: j’avais inscrit 17 buts, mais c’était en D1B. Maintenant, je veux montrer que je peux faire aussi bien au plus haut niveau. »
Selemani a éclos sur le tard. Lorsqu’il est arrivé à Courtrai, il n’avait encore joué que trois matches en Ligue 1, avec Lorient. Son rêve d’enfant était simplement de jouer au football. Il avait tenté sa chance à l’Olympique de Marseille, sans succès. Ça ne signifie pas qu’il regrette de ne jouer qu’à Courtrai. « Je me sens très bien ici, mais cette situation me pèse. C’est pourquoi j’aimerais être transféré dans un club qui règle cette amende. Je vieillis, je n’ai plus tellement de temps. »
À Courtrai, il a d’abord souffert d’une élongation aux abdominaux puis le Covid l’a écarté des terrains pendant un mois. Au début de l’année, quand il s’est mis à bien jouer, l’équipe était dans le creux. Ses prestations sont donc passées inaperçues, ce qui n’est plus le cas maintenant. Il le doit à l’entraîneur, LukaElsner, avec lequel il avait déjà été très bon à l’Union.
Pas un garçon difficile
L’affaire de la rupture de contrat l’a transformé. « Avant, quand quelque chose ne me plaisait pas, je réagissais au quart de tour. Ça m’a valu une étiquette de garçon difficile. J’en ai retenu les leçons, je suis plus calme et je reste plus concentré. Je ne m’exprime plus que sur le terrain. Quand je joue, je me donne à fond comme quand j’étais gamin. C’est encore quelque chose que j’ai appris. Pour moi, le football était un jeu, mais dans ce monde, c’est un business. Nos rêves et nos ambitions ne comptent plus. »
Après sa condamnation, Selemani s’est séparé de son ancien agent et a opté pour FouadBenKouider, qui tente de résoudre sa situation. « J’ai déjà discuté cinq fois avec Courtrai. On se reverra bientôt. Courtrai veut le conserver, mais les conditions ne nous agréent pas. Si notre dernier entretien ne donne rien, Faïz aura deux possibilités: signer un précontrat avec un autre club, qui payera l’amende en janvier, et terminer la saison à Courtrai avant de partir gratuitement, ou bien être transféré dès janvier dans un club qui payerait l’amende plus une somme de transfert. » À combien Ben Kouider estime-t-il les chances de voir Selemani prolonger à Courtrai? « Elles sont très faibles, mais ne présumons pas de ce qu’il va se passer lors du prochain entretien. » Matthias Leterme sait que le joueur pourrait quitter le club gratuitement, mais il croit qu’un arrangement est toujours possible. « Si je n’y croyais pas, je n’aurais pas programmé cet entretien. »
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