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Fin cruelle pour Lionel Messi: l’enfer au paradis

Steve Van Herpe Steve Van Herpe est rédacteur de Sport/Voetbalmagazine.

La Liga tremble sur ses bases. Alors que Lionel Messi n’a pas encore bouclé sa valise, ses grands patrons se disputent comme des chiffonniers. L’enjeu ? L’avenir du football, tout simplement.

Vendredi 6 août 2021, Ciutat Esportiva. Antoine Griezmann arrive au centre d’entraînement du FC Barcelone à bord de sa grosse bagnole. À l’entrée, des supporters hurlent : « C’est ta faute s’il s’en va. »

Moins de 24 heures plus tôt, le Barça a envoyé un communiqué expliquant que Lionel Messi devait quitter le club. L’émotion est palpable et l’incompréhension règne. Deux heures plus tôt, le Barça a publié une vidéo de sept minutes rappelant les plus beaux buts et les plus belles actions de l’Argentin sous le maillot blaugrana. Le fait qu’à 34 ans, le virtuose fera bientôt de même sous d’autres couleurs secoue le monde du football. Car même si, un an plus tôt, Messi avait voulu partir, son amour pour le Barça reste intact. Et l’inverse est tout aussi vrai. Les larmes qu’il a versées lors de sa conférence de presse de ce dimanche ne mentent pas. Il était prêt à laisser tomber la moitié de son salaire astronomique. Et comme cela n’était pas suffisant, il voulait même aller plus loin pour pouvoir rester dans le club de sa vie. Mais ce n’était pas assez. Celui qui est peut-être le plus grand joueur de tous les temps doit faire ses valises et aller voir ailleurs. Pourquoi ? À cause de qui ? D’Antoine Griezmann ?

Faire prendre la sauce

Joan Laporta, qui avait promis lors de sa campagne électorale qu’il ferait tout pour conserver Messi, estime n’avoir rien à se reprocher. Élu en mars dernier, le président a publié la semaine dernière les résultats d’un audit financier dont il ressort que la situation du club est bien pire que ce qu’il avait craint. La masse salariale représente 110% des revenus. Sans le salaire de Messi, elle est encore de 95%. Pas besoin d’être diplômé en économie pour comprendre que tout ça n’est pas sain. C’est pourquoi, au cours des dernières semaines, Barcelone a tenté de se défaire de quelques joueurs trop bien payés. Le club a envisagé en vain d’échanger Antoine Griezmann (et son salaire annuel de 36 millions d’euros brut) contre Saúl Ñíguez (Atlético de Madrid). Il a également mis Martin Braithwaite, Philippe Coutinho et Samuel Umtiti en vitrine, mais personne ne s’est montré intéressé. Le géant catalan négocie également avec des tauliers du vestiaire (Gerard Piqué, Sergio Busquets, Jordi Alba, Sergi Roberto) afin qu’il diminue leur salaire, mais pour l’instant, ces discussions n’ont abouti à rien. De plus, Laporta a admis la semaine dernière qu’il pouvait remercier les nouveaux (Sergio Agüero, Memphis Depay, Emerson et Eric García) d’avoir accepté « certaines conditions salariales ».

Entre Lionel Messi et le Barça, c’est toujours le grand amour.

Le président a cité un autre chiffre : la saison dernière, le FC Barcelone a perdu 487 millions d’euros alors que Laporta s’attendait à un déficit de 200 millions « seulement ». La dette totale du Barça est de 1,173 milliard d’euros. Un montant colossal qui, au Tour de France, serait classé « hors catégorie ».

Selon Laporta, la faute incombe à l’ancienne direction. Netflix pourrait consacrer une série tragi-comique à la gestion de Josep Bartomeu, mais tout a commencé avec le départ de Neymar au PSG, en 2017. Le Barça a utilisé les 222 millions versés par le club français pour écumer le marché des transferts comme s’il avait gagné au Lotto. Il a transféré Ousmane Dembélé (135 millions d’euros), Philippe Coutinho (135 millions), Antoine Griezmann (120 millions), Miralem Pjanic (soixante millions), Malcom (41 millions), Paulinho (quarante millions), Nélson Semedo (35 millions),… L’entraîneur n’avait qu’à se débrouiller pour faire prendre la sauce et servir un plat savoureux. De plus, ces nouveaux venus ont été grassement payés et, quand l’un d’entre eux franchissait les limites – le biographe d’Ousmane Dembélé ne sait pas par où commencer pour raconter ses frasques – Bartomeu lui tapait gentiment sur l’épaule et lui disait : « Allez, va t’entraîner maintenant. »

Ne pas hypothéquer l’avenir

Il était clair depuis longtemps que ce type de management allait conduire l’institution au bord du gouffre. Et ça n’a d’ailleurs pas raté. Le départ de Messi était-il, dès lors, inévitable ? Non. Il restait une échappatoire, mais Laporta n’en a pas voulu. « La seule façon de garder Leo chez nous passait par un deal qui ne nous intéressait pas », dit-il. « Il aurait fallu hypothéquer nos droits de retransmission pour un demi-siècle. »

Laporta fait référence aux négociations entre le président de la Ligue professionnelle espagnole, Javier Tebas, et CVC Capital Partners. Cette firme, qui s’est vu refuser l’accès la Serie A, a promis 2,7 milliards d’euros pour 10% du chiffre d’affaires et 10% de parts dans une nouvelle société commerciale qui gérerait tous les droits de la Liga.

Les petits clubs approuvent ce plan d’investissement, appelé « Boost La Liga « , car il leur garantirait des revenus, eux qui sont également impactés par la crise sanitaire. Barcelone, lui, serait assuré de toucher 284 millions d’euros. La Liga exige cependant que cet argent soit réparti de la sorte : 70% dans les infrastructures, 15% dans le remboursement de la dette et 15 % en transferts de joueurs. Les 42 clubs professionnels espagnols ne voteront pas tout de suite, mais le Real Madrid a déjà annoncé qu’il allait intenter un procès contre La Liga. Florentino Pérez déclare ainsi la guerre à Javier Tebas. Le président du Real est furieux, car il n’a pas été invité à la table des négociations avec CVC. Il n’était même pas au courant. Dans un communiqué de presse, le Real parle de « structure frauduleuse » et « d’accord illégal ».

L’accord avec CVC Capital rapporterait 284 millions d’euros au FC Barcelone

Pas vite impressionné, Tebas a répondu que cette réaction était prévisible, vu qu’elle émane d’un club qui a l’habitude de s’opposer à tout projet stratégique visant à relever le niveau du championnat.

Trois naufragés

Le football espagnol tremble donc sur ses bases. Le départ de Messi constitue déjà un coup dur mais à présent, ce sont les gros bonnets qui se disputent comme des gamins. À l’instar de la Juventus, le Real Madrid et le FC Barcelone n’ont pas abandonné l’idée d’une Super League. Andrea Agnelli, Florentino Pérez et Joan Laporta se sont rencontrés lors du Trofeo Joan Gamper. Les trois hommes sont toujours convaincus que la Super League est la seule façon de sauver leurs clubs respectifs.

C’est un uppercut pour Tebas qui, fin juin, s’était montré sceptique sur ESPN : « Le concept d’une Super League est impensable. Neuf des douze clubs n’en veulent plus. Je pense que le modèle est mort. C’est un radeau avec trois naufragés et un drapeau. Ce drapeau, c’est le jugement d’un juge de Madrid. Laporta dit qu’ils sont dans leur droit, mais c’est faux. Il s’agit d’un juge qui a émis des réserves. J’ai essayé de les convaincre qu’ils avaient commis une erreur et qu’ils devaient explorer d’autres pistes. La plupart des clubs anglais veulent tourner la page. Ces trois clubs sont importants, certes, mais nous n’acceptons pas de leur laisser décider du fonctionnement du football et de la répartition des deniers. »

La situation financière précaire dans laquelle se trouve le FC Barcelone constitue en tout cas un sérieux avertissement pour les autres (grands) clubs européens. Maintenant, il faut mettre fin à l’apocalypse, mais les avis quant à la façon dont il faut s’y prendre divergent. Une chose est certaine : c’est sans Messi que les Catalans entameront le championnat face à la Real Sociedad.

On en oublierait presque que, dimanche, le Barça a battu la Juventus (3-0) lors du Trofeo Joan Gamper. Avec un très bon Griezmann. Visiblement, tout n’est donc pas de sa faute…

25 août 2020

Lionel Messi envoie un fax au club indiquant qu’il veut activer la clause de son contrat selon laquelle il peut partir gratuitement.

4 septembre 2020

Messi fait savoir qu’il est obligé de rester au FC Barcelone, car le club exige 700 millions d’euros et personne ne peut payer. La clause que Messi évoquait dans son fax expirait en effet le 30 juin. Pour éviter tout combat juridique, Messi se range à l’avis de la direction du club.

27 octobre 2020

Le président Josep Bartomeu démissionne.

28 décembre 2020

Messi affirme ne pas encore savoir ce qu’il fera le 30 juin 2021, date d’expiration de son contrat. Il espère jouer aux États-Unis.

31 janvier 2020

Le FC Barcelone engage une procédure judiciaire contre El Mundo Deportivo, qui a publié les chiffres du contrat de Messi. Depuis 2017, le joueur aurait gagné plus de 138 millions d’euros par an, soit 552 millions sur quatre ans.

7 mars 2021

Joan Laporta est élu à la présidence du FC Barcelone.

16 mai 2021

Le Barça perd son dernier match de championnat face au Celta Vigo (1-2). Pour la première fois depuis 2007-08, il ne termine pas parmi les deux premiers de la Liga. L’entraîneur, Ronald Koeman, espère que Messi n’a pas joué son dernier match au Camp Nou.

28 mai 2021

Laporta affirme que Messi n’a pas encore signé de nouveau contrat mais que c’est « en bonne voie. »

1 juillet 2021

Le contrat de Messi a expiré. Il est donc libre.

15 juillet 2021

Messi marque son accord pour rester à Barcelone. On évoque un contrat de cinq ans (jusqu’en 2026) avec une diminution de salaire.

5 août 2021

Le grand club catalan communique que Messi va s’en aller en raisons « d’obstacles financiers et structurels ».

8 août 2021

Très ému, Messi donne une conférence de presse affirmant qu’il n’aurait jamais songé à quitter le Barça.

Messi au Barça en chiffres

Statistiques collectives

Champions League X 4

Championnat d’Espagne X 10

Coupe d’Espagne X 7

Supercoupe d’Espagne X 8

Supercoupe d’Europe X 3

Championnats du monde des clubs X 3

Statistiques individuelles

Matches 778

Buts 672

Meilleur buteur 8

Ballon d’Or 6

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