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Entretien avec Loïs Openda: « Il y a sûrement des gens qui me sous-estiment »

Son début de saison canon aux Pays-Bas avec Vitesse Arnhem rappelle qu’à vingt ans, Loïs Openda est ce qui ressemble le plus à un numéro 9 dans la génération du futur des Diables. Rencontre avec un attaquant lancé par Ivan Leko et qui rêve d’un retour par la grande porte dans le Bruges de Phillippe Clement.

Pas plus que Kaveh Rezaei, Jelle Vossen ou Cyril Ngonge, Loïs Openda n’a trouvé grâce aux yeux de Philippe Clement. Alors, pour lancer définitivement sa carrière, le jeune Liégeois, en partie formé à Bruges, a choisi l’exil. À trois heures du Jan Breydel, vous trouverez le Gelredome. C’est là, à l’est des Pays-Bas voisins, que Loïs Openda a lancé son opération séduction. Celle censée faire taire les mauvaises langues et prouver à ceux qui en doutent encore qu’il n’est pas juste cet attaquant de rupture qu’on lance en fin de match pour faire la différence quand on arrive à court d’idées. Trop souvent réduit à un rôle de supersub à Bruges, Openda revit aux Pays-Bas. Pour preuve, ses cinq buts lors des huit dernières rencontres, qui permettent aujourd’hui à Vitesse Arnhem de jouer les invités surprises au sommet de l’Eredivisie.

Loïs, est-ce que le début de saison canon de Vitesse, ce n’est pas la meilleure revanche possible à offrir à ceux qui n’ont pas cru en toi?

LOÏS OPENDA : Dès que je suis arrivé dans cette équipe, je me suis rendu compte qu’il y avait de la qualité. Et un entraîneur ambitieux ( Thomas Letsch, ndlr) qui découvrait en même temps que moi le championnat. J’ai vu qu’il avait de bonnes idées, une envie de jouer la possession, ça m’a tout de suite motivé. Clairement, cela ne pouvait que marcher. D’autant que j’arrivais avec la mentalité du Club Bruges. Celle de vouloir tout gagner. Vous savez, quand j’ai parlé pour la première fois avec mes équipiers, je leur ai dit que je venais pour être champion. Cela les a fait rire, mais c’est à peu près ça. J’essaie de leur apporter ce petit truc en plus parce que pour moi, et on l’a montré depuis le début de saison, on n’a pas grand-chose à envier aux plus grandes équipes du championnat.

Dans le championnat néerlandais, il y a cette volonté de toujours aller de l’avant. De jouer au foot.

Loïs Openda

Votre première défaite de la saison, vous l’avez concédée contre l’Ajax. Une équipe à laquelle tout le monde aime se comparer ces dernières années en Belgique, et dont on dit que le Club Bruges de Bart Verhaeghe se rapprocherait d’année en année. Pour toi, qu’est-ce qui sépare encore le Club de l’Ajax?

OPENDA : Bruges s’en rapproche, c’est vrai. Mais pour moi, l’Ajax, c’est le top mondial. Ils ont des joueurs d’une qualité exceptionnelle, mais surtout, ils savent jouer au foot dans n’importe quelle situation, face à n’importe quel système. J’ai regardé récemment le match de Bruges contre Mouscron (0-0, le 28 novembre dernier). Pendant nonante minutes, le Club a cherché à contourner le bloc bas d’une équipe qui ne proposait pas grand-chose. Gagner ce genre de matches, cela demande plus d’efforts. Plus d’imagination, aussi. Ce dont l’Ajax donne toujours l’impression d’être capable aux Pays-Bas. En équipe, c’est d’ailleurs très difficile de les battre. Contre eux, tu dois jouer le un contre un parce que si tu les affrontes en bloc, tu n’as aucune chance. Ils auront toujours cette qualité de passe qui peut tout changer ou créer un décalage en un instant.

« Aux Pays-Bas, tout le monde attaque »

Est-ce qu’il n’y a pas aussi le fait que dans le championnat néerlandais, les grandes équipes se retrouvent moins souvent obligées de faire le jeu?

OPENDA : C’est l’une des grandes différences avec le championnat belge. Ici, tout le monde attaque. Quand Emmen, qui est dernier, reçoit l’Ajax, le club a quand même l’ambition d’attaquer. Coûte que coûte et quoi qu’il en coûte, au moins ils essayent. À la limite, ils peuvent mener 1-0, 2-0, mais ils vont continuer d’attaquer. Au risque de perdre 2-5. En Belgique, tout le monde sait que Bruges a la meilleure équipe du championnat et comment le Club joue. Ce qui justifie pour beaucoup de les attendre très bas pour contrecarrer leurs plans. Cela n’arriverait pas aux Pays-Bas. Il y a une grande différence dans l’approche. Dans le championnat néerlandais, il y a cette volonté de toujours aller de l’avant. De jouer au foot, tout le temps, quasi systématiquement au sol. Contre Emmen, encore eux, il y a quelques semaines, on menait 3-0 à la mi-temps, mais on s’est rapidement retrouvés à dix. Résultat des courses, on a passé la deuxième mi-temps à courir derrière le ballon, les mecs n’ont jamais lâché. On a gagné, mais on a sué. En Belgique, j’ai l’impression qu’une autre équipe dans la même situation aurait rendu les armes plus vite.

Quand, en juillet dernier, tu as opté pour un prêt d’une saison aux Pays-Bas, il s’agissait plus de ton choix ou de celui de la direction?

OPENDA : Cela s’est fait dans un bon état d’esprit. Quand j’étais encore à Bruges, pendant la préparation, on a fait de bons matches, mais Bruges, ça reste Bruges. Il y a de la concurrence partout et moi je voulais jouer. Ma première saison avec Leko, j’ai eu beaucoup de minutes ( 724 en tout sur la saison 2018-2019 pour 28 apparitions en tout, ndlr), l’an dernier, avec Clement, j’en ai eu progressivement de moins en moins ( 797 en tout pour 25 apparitions en tout, ndlr). À vingt ans, je voulais que ma troisième année en pro puisse être celle de l’accomplissement comme titulaire à part entière. Et je ne pense pas qu’à Bruges, j’aurais pu prétendre à ce statut-là dès cette saison.

Loïs Openda:
Loïs Openda: « Je crois que tout le monde a besoin d’un attaquant rapide. »© BELGAIMAGE-PIROSCHKA VAN DE WOUW

Philippe Clement regrettait récemment, après une victoire poussive contre Courtrai, de ne pas pouvoir compter sur un attaquant de la trempe de Romelu Lukaku ou Erling Haaland. Une réaction parfois jugée osée quand on sait que le Club a investi ces 18 derniers mois huit millions d’euros pour Okereke, six pour Krmencik et trois et demi pour le prêt de Diagne. Tu en penses quoi?

OPENDA : ( Il sourit.) Moi, qui suis un vrai numéro 9, ils m’ont laissé partir, donc qu’est-ce que je peux dire? Personnellement, je crois que tout le monde a besoin d’un attaquant rapide, mais à Bruges, Clement préfère utiliser Okereke sur un flanc. Je ne pense pas qu’il pourra un jour compter sur un Lukaku ou un Haaland, mais Krmencik, pour parler de lui, est un très bon joueur. Je me suis entraîné avec lui, il sait bien garder le ballon, il sait marquer. Ce qui lui manque, c’est juste de la confiance. Sincèrement, je crois que c’est un joueur qui peut te marquer des dizaines de buts si tu lui montres que tu crois en lui. Après, je sais mieux qu’un autre que c’est difficile de s’imposer à Bruges comme attaquant. Il ne faut pas juste avoir le mental, il faut presque avoir la rage.

« Laissons grandir les Diablotins à leur rythme »

Qu’est-ce que Philippe Clement demande précisément à ses attaquants?

OPENDA : Comme dans toutes les équipes qui jouent en 3-5-2, comme nous actuellement à Vitesse, il y a deux types d’attaquants. Clement, comme les autres, demandait toujours à l’un des deux de prendre la profondeur et à l’autre de garder le ballon, d’être toujours connecté. C’est ça qu’il recherche. Mais la chose sur laquelle il insiste le plus, c’est de mettre le ballon dans les coins! Ça, il le répète tout le temps ( rires). Je crois qu’il a dû avoir des étoiles dans les yeux après le but de Charles (De Ketelaere, ndlr) contre le Zenit, lors du match retour.

Le jeu, en cas d’échec, en Belgique comme ailleurs, consiste à nous descendre. À nous critiquer, à nous dire qu’on n’en a pas fait assez.

Loïs Openda

Malgré l’élimination récente des Espoirs dans la course à la qualification pour l’EURO, tu fais partie de ceux qui pensent que la relève est assurée avec la génération qui arrive?

OPENDA : Je ne pense pas qu’il faille déjà penser à ça maintenant. Je crois qu’on en parle trop. Laissons-nous grandir à notre rythme. C’est en pensant dès maintenant à ce genre de choses qu’on se met parfois trop de pression et qu’on passe à côté de l’essentiel. Là, actuellement, on est encore en train d’apprendre notre métier. Jouons tous comme on sait jouer, faisons-nous plaisir et le reste viendra peut-être un jour. Eden Hazard et Romelu Lukaku, c’est le top mondial. Ce sont les meilleurs joueurs d’une équipe classée numéro un au classement FIFA. Il faudra donc être patient. Mais oui, concrètement, avec des gars comme Doku, De Ketelaere, Albert ( Sambi Lokonga, ndlr), Alexis ( Saelemaekers, ndlr), Orel ( Mangala, ndlr), Zinho ( Vanheusden, ndlr), je crois qu’il y a des raisons d’être optimiste. Moi, je trouve que c’est un défi excitant de se dire qu’un jour, ce sera à nous de relever ce challenge.

La pression dont tu parles, c’est celle que vous vous êtes peut-être trop mise avec les Espoirs en fin de campagne, et qui expliquerait ce zéro sur six final contre la Moldavie et la Bosnie?

OPENDA: Tout le monde peut rater un contrôle, une passe, un match, un objectif. Moi, contre la Moldavie, j’ai raté un penalty. Le jeu, dans ces cas-là, en Belgique comme ailleurs, consiste à nous descendre. À nous critiquer, à nous dire qu’on n’en a pas fait assez. Comme après le match de Bornauw en équipe nationale contre la Suisse ( 2-1, le 11 novembre dernier, ndlr). Mais moi, je ne veux pas rester focalisé là-dessus, je veux avancer. On a manqué de rage contre la Moldavie, on s’est trop vite relâchés en Bosnie, c’est notre erreur, OK, il faut l’accepter. Mais moi, je préfère voir le bon côté des choses. Et je crois que cette génération a parfois voulu trop bien faire. Mais voilà, c’est derrière nous maintenant, donc on avance.

« Je me suis beaucoup amélioré dans mon jeu dos au but »

Tu as terminé la campagne de qualifications des Diablotins avec la bagatelle de six buts en huit matches, ce qui fait de toi le meilleur buteur de l’équipe. Ça t’ennuie quand tu entends qu’on dit que la Belgique de demain ne compte pas de véritable attaquant. Tu as parfois l’impression d’être sous-estimé?

OPENDA: Bien sûr que je constate que ce n’est pas souvent mon nom qui revient le plus quand on évoque l’avenir. Sûrement qu’il y a des gens qui me sous-estiment. Des coaches, des journalistes, des supporters. Si les gens ne croient pas en moi, c’est à moi de faire en sorte de les faire changer d’opinion. Je suis prêt à saisir chaque occasion qui me sera présentée pour cela.

On te réduit aussi souvent à un joueur seulement taillé pour opérer en contre. Certains disent que c’est pour ça que tu avais été si bon lors de la double confrontation contre l’Allemagne avec les Diablotins. Tu penses que tu as les qualités pour t’imposer dans une équipe dominante?

OPENDA : Si la question, c’est de savoir si j’ai d’autres atouts que ma vitesse, la réponse est oui. Aux Pays-Bas, on est considéré comme une équipe dominante et je m’éclate. On joue en 3-5-2 et ça me permet de beaucoup travailler mes points faibles. En plus d’avoir la vitesse et la puissance, j’ai développé d’autres qualités ces derniers mois. Je crois que je me suis surtout beaucoup amélioré dans mon jeu dos au but. Aujourd’hui, je peux garder un ballon, le faire tourner, bouger, donner, je suis plus à l’aise dans le jeu en déviation aussi. À Bruges, il ne faut pas oublier que c’était mes tout débuts. Je venais des U21 où c’était facile. Je mangeais tout le monde. À la limite, à l’époque, je n’avais même pas besoin de travailler sur les aspects moins forts de mon jeu. Maintenant que je suis en contact chaque semaine avec des joueurs d’expérience, j’apprends beaucoup.

« Leko pourrait lutter pour le titre n’importe où »

Ce week-end, c’est un peu le « Loïs Opendaico » puisque l’Antwerp d’Ivan Leko reçoit le Club Bruges de Philippe Clement. À qui va l’avantage tactique selon toi?

LOÏS OPENDA: Vu que le match est à Anvers, je donne l’avantage à Leko, même si ça risque évidemment de se jouer sur des détails. Mais c’est tellement dur d’aller jouer là-bas que je pense que l’avantage du terrain peut faire une différence. Pour moi, c’était le déplacement le plus difficile en tout cas. Et puis Leko connaît bien le système de Clement, il connaît surtout encore très bien la majorité des joueurs du Club. Je crois que ça va être difficile pour Bruges. Et puis, Ivan Leko, c’est un coach très intelligent, avec un gros caractère. J’ai l’impression que tu pourrais lui donner n’importe quelle équipe dans n’importe quel championnat, il serait capable de la faire lutter pour le titre. Je suis vraiment content pour lui et son staff pour tout ce qu’ils font de bien avec l’Antwerp. Mais je reste bien sûr, le premier supporter du Club Bruges.

Tu as eu un retour du Club depuis le début de saison?

OPENDA : Oui, je suis régulièrement en contact avec les coaches. Avec Maarten Martens, à qui on a plus spécifiquement demandé de me suivre, et Roel Vaeyens. Avec eux, j’ai des débriefs réguliers de mes matches, mais Philippe Clement m’a félicité une fois aussi après l’un de mes buts. C’est la preuve qu’on me suit, que je compte encore pour le Club, même si actuellement, je suis focalisé à 150% sur ma saison ici, aux Pays-Bas. Pour le reste, on a décidé de faire le bilan en fin de saison.

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