Des audiences au beau fixe pour le Mondial de foot féminin: « Il y a un marché à prendre »
Malgré l’absence des Red Flames et le décalage horaire, la Coupe du Monde féminine de football a suscité un véritable engouement en Belgique. Plusieurs rencontres diffusées par la RTBF ont attiré environ 25% des parts de marché.
Des stades combles et une ambiance à faire pâlir les plus populaires des compétitions sportives. Le Mondial féminin 2023, coorganisé par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, semble avoir fait basculer le football féminin dans une nouvelle dimension.
Pour sa onzième édition, la Coupe du Monde féminine, dont la finale est prévue ce dimanche, a vu sa dotation tripler par rapport à 2019, passant de 50 à 152 millions de dollars. Elle est même dix fois plus élevée que lorsqu’elle était organisée en 2015, au Canada. Signe également de sa popularité grandissante, la discipline attire de plus en plus de sponsors, notamment dans les pays qui comptent les plus grandes stars du ballon rond, tels que les Etats-Unis ou l’Angleterre. En Australie, le potentiel marketing de l’équipe féminine, les Matildas, est même devenu plus important que celui de l’équipe masculine, selon Ashley Reade, CEO de Nike Pacific.
La crainte de l’écran noir
Malgré cet engouement croissant, de nombreux diffuseurs européens restaient réticents à acquérir les droits de la compétition, craignant notamment les horaires de matchs décalés, peu propices aux records d’audience. Un accord avait finalement été scellé in extremis, mi-juin, avec les pays du Big 5 – la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume-Uni – permettant ainsi à la FIFA de maximiser l’exposition de l’évènement.
En Belgique, la RTBF a opté pour la diffusion de la quasi-totalité des rencontres. Un véritable défi en l’absence des Red Flames de la compétition. « En 2019, nous avions seulement diffusé 11 matchs en direct commenté, rappelle Benoît Delhauteur, directeur des sports à la RTBF. Ici, on est passé à 41, avec une émission thématique quotidienne. » Si l’événement n’est pas encore terminé, le bilan est déjà positif.
La compétition, jusqu’à la première demi-finale, a attiré 43.200 téléspectateurs en moyenne, soit 11,8% des parts de marché. Les deux plus belles audiences sont le quart de finale qui a opposé l’Australie à la France, ainsi que la demi-finale qui a vu l’Espagne se défaire de la Suède, alors que ces deux rencontres étaient diffusées tôt en matinée (respectivement à 9 et 10h). Australie-France a rassemblé 79.000 spectateurs (29,8% des parts de marché) et Espagne-Suède, 74.600 spectateurs (24,1% des parts de marché).
Un pic de 7 millions de téléspectacteurs en Australie
« On est très satisfait. Un quart de l’audience, ce n’est pas rien ! se réjouit Benoît Delhauteur. Evidemment, on ne peut pas comparer avec l’Euro 2021 car, à l’époque, les matchs se déroulaient en soirée. Cela étant, on voit que la compétition attire de plus en plus. Il y a certes les habitués, toujours fidèles au poste, mais on voit aussi énormément de gens qui découvrent le football féminin à travers cette Coupe du monde et qui apprennent à l’apprécier. »
Outre les bons résultats en Belgique, des records d’audience ont été battus en France et en Australie, notamment. Dans le pays hôte, un pic de 7 millions de téléspectateurs a été enregistré lors du quart de finale, ce qui en fait l’une des meilleurs audiences télévisuelles, tout sujet confondu, depuis 20 ans. « Cela montre qu’il y a un engouement très marqué du public à l’échelle globale », commente Caroline Azad, chercheuse en sociologie du sport féminin.
Pour elle, la manière dont ce Mondial a été mis en avant sur les antennes belges est inédit. « On assiste à un véritable investissement de la part du service public, qui semble prendre conscience de l’intérêt des téléspectateurs pour le football féminin et le sport féminin en général, commente la chercheuse. Les médias audiovisuels ont compris qu’il y avait un vrai marché à prendre. »
La qualité des émissions proposées sur les chaînes belges concourt à la popularisation du football féminin dans notre pays, estime Caroline Azad. « Outre l’aspect technique et la pertinence des commentaires en direct, les matchs étaient très bien contextualisés. Les enjeux du football féminin ainsi que son histoire sont moins connus du grand public, donc cette mise en perspective est extrêmement instructive. C’est très prometteur pour l’avenir. »
Une fête populaire en 2027?
Alors que la Belgique est candidate pour coorganiser le Mondial féminin en 2027, aux côtés de l’Allemagne et des Pays-Bas, cette médiatisation est encore amenée à progresser dans le futur, prédit Caroline Azad. « La promotion du football féminin suit une tendance qui ne va faire que s’accroître et pourrait bien connaître un pic dans les années à venir. » Un constat partagé par Benoît Delhauteur. « Si l’organisation de la prochaine compétition est attribuée à la Belgique, ou simplement si les Red Flames y participent, nous pourrons franchir un nouveau cap. A la fois pour le football féminin, mais surtout pour l’exposition de la discipline. On assisterait à une formidable fête populaire. »
De manière générale, le sport féminin connaît un véritable cercle vertueux en Belgique ces derniers mois, se réjouit le chef des sports de la RTBF. « La victoire des Belgian Cats à l’Euro de basket, ou encore le titre de Lotte Kopecky aux Mondiaux de cyclisme ainsi que son formidable Tour de France, sont des adjuvants, des accélérateurs dans la visibilité du sport féminin. Ces succès contribuent à l’exposition que ces sportives méritent. »
Si Caroline Azad se réjouit de cette médiatisation « extrêmement positive », elle rappelle qu’elle ne reste aujourd’hui que le lot du sport féminin de haut niveau. « Hors des compétitions internationales, on est encore très loin de l’égalité de genres dans le traitement médiatique du sport, déplore la chercheuse. Il reste encore énormément de travail à fournir. »
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