Jonas Creteur
« Wout van Aert prouve qu’un champion n’est pas forcément un salopard »
L’arme la plus puissante d’un champion est de toujours croire en ses moyens, au mépris de toute opinion du monde extérieur. Plus encore que ses jambes de fusée, c’est le moyen par lequel Wout van Aert s’envole vers des sommets toujours plus haut.
Lorsque Wout Van Aert a déployé ses bras comme des ailes juste avant de franchir la ligne d’arrivée de la quatrième étape du Tour à Calais, personne n’aurait été surpris de le voir s’envoler après. Voltigeant comme un oiseau et regardant d’en haut comment le reste du peloton arrivait en petits groupes derrière lui.
Il a déjoué les pronostics de sprint massif en s’envolant sur le sommet de la Côte du Cap Blanc-Nez après un travail d’équipe exemplaire de la part de la formation Jumbo-Visma. Il s’était également retourné juste avant et avait constaté que personne n’avait été capable de suivre son train d’enfer. Ni Adam Yates ni son coéquipier Jonas Vingegaard qui avaient pourtant résisté le plus longtemps. Ne parlons pas de Primoz Roglic, Mathieu van der Poel ou même Tadej Pogacar, lâchés bien avant.
Un impossible solo
C’était la tournure inattendue du plan initialement pensé par la Jumbo-Visma. Un plan que Van Aert, avec un visage impassible, avait rejeté avant le départ en disant « nous verrons bien ». Un plan qui avait un air de déjà vu puisque l’on a repensé à cette première étape de Paris-Nice, au mois de mars. Ce jour-là, le trio Van Aert, Roglic, Laporte était parti pour ne jamais être revu. Cette fois, le Campinois a volé si vite que personne n’a été capable de le suivre.
Malgré ses 78 kg théoriques alors que les grimpeurs dans son dos ne pèsent qu’entre 60 et 65 kg. Malgré les records de watts que certains favoris du Tour ont battu. Malgré le fait que certains concurrents imaginaient bien que la Jumbo-Visma et Van Aert allaient effectivement tenter quelque chose, comme dans cette étape de Paris-Nice…
C’est tout cela qui rend le numéro de Van Aert si génial : être capable de s’envoler à un moment où beaucoup s’y attendent, mais avec tant de puissance et de vitesse que personne ne peut vous couper les ailes.
Devenir plus implacable
C’était pourtant risqué de parcourir 10 kilomètres en solitaire du sommet de la Côte du Cap Blanc-Nez jusqu’à l’arrivée. Comme l’a expliqué Van Aert après coup : « Sur le papier, il semblait impossible de se lancer dans une attaque en solitaire. »
Le Campinois a pourtant pris ce risque. Parce qu’il ne voulait pas être à nouveau battu dans un sprint, a-t-il plaisanté après coup. Mais surtout parce qu’il avait cette conviction inébranlable, cette fierté et ce feu en lui pour réaliser « l’impossible ». Un numéro de panache pour l’éternité, en solo dans le maillot jaune.
Après toutes ses secondes places, certains observateurs faisaient preuve d’un certain scepticisme envers WVA. Pas seulement sur le Tour, mais aussi sur d’autres grandes épreuves. Dans un journal flamand, on a même suggéré qu’il devrait être davantage un salopard, un peu plus rusé et implacable. Qu’il ne devait pas trop être un gentleman. Parce qu’après un premier f*ck puis un second, il reste toujours amical et poli.
Les critiques négligent la nature exceptionnelle de ces deuxièmes places : dans un contre-la-montre contre les meilleurs spécialistes de l’exercice et dans deux sprints massifs contre les sprinteurs les plus rapides. Wout Van Aert était bien conscient de ces difficultés. Il était dès lors important de ne pas laisser la frustration affecter sa confiance en lui et dans ses jambes. Il savait que de meilleures opportunités suivraient pendant cette Grande Boucle.
Rester calme
C’est sans doute la plus grande force de Van Aert. L’ancien champion de Belgique est rapidement capable de tourner le bouton. Il regarde toujours devant lui et garder son calme, après chaque « défaite », après une lourde chute dans le Tour, une appendicite ou un infection au coronavirus avant le Tour des Flandres.
Il ne faut pas être un salopard pour cela, car ces derniers puisent trop dans la mauvaise source de motivation : la frustration. Alors que le Campinois, qui relativise toujours les choses, se concentre sur ce qu’il peut faire de mieux pour gagner.
Une leçon qu’il a apprise dans sa jeunesse cycliste et même quand il était plus âgé en devant souvent se contenter du statut de dauphin de Mathieu van der Poel. Ce n’est pas pour rien qu’il est souvent parvenu à prendre le dessus sur le Néerlandais lors championnats du monde de cyclo-cross. Il a toujours continué à se battre jusqu’à ce qu’il parvienne à ses fins. C’est ça aussi la combativité. Et Van Aert applique toujours ces principes, même après trois secondes places consécutives.
Le fait qu’il soit plus un gentleman qu’un type prétentieux fait de lui un champion très apprécié et qui s’envole vers des sommets toujours plus élevés.
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