Wout Van Aert, en vert et contre tous: voici 10 caractéristiques des ex-gagnants qui peuvent l’aider
Si Wout van Aert veut remporter le classement par points, il devrait lire ceci. En regroupant les caractéristiques de dix multiples lauréats du passé, on obtient le portrait-robot d’un vainqueur du maillot vert invincible.
Quelles qualités faut-il posséder pour remporter le classement par points? Être capable de bien sprinter semble être une nécessité. Certains affirment d’ailleurs que le maillot vert devrait récompenser le meilleur sprinteur. Mais est-ce vraiment le cas? Il arrive parfois que le vainqueur du classement par points ne remporte pas une seule étape. Et si on observe la liste des vainqueurs depuis 1953, on y trouve des coureurs de toutes sortes, y compris certains qui ne comptaient pas uniquement sur leur sprint ravageur. Tom Boonen, par exemple, a certes gagné des sprints massifs, mais il était aussi un très bon coureur de classiques.
D’autre part, il y a des phénomènes comme MarioCipollini, qui a remporté douze étapes du Tour de France entre 1992 et 1999, mais n’a jamais rallié Paris. MarioIlMagnifico était sans aucun doute l’un des meilleurs sprinteurs du XXe siècle (42 victoires d’étape dans le Giro! ), mais en montagne, il préférait ne pas fournir trop d’efforts. Soit il abandonnait, soit il terminait hors délai. Impossible de gagner le maillot vert comme ça.
Les dix champions suivants ont chacun remporté le classement par points à plusieurs reprises, on les a donc pris en exemple. Ça nous oblige à « oublier » un champion qu’on aimerait tout de même mentionner: RikVanLooy. Lors du Tour de France 1963, de loin son meilleur, l’ Empereur d’Herentals a remporté quatre étapes et son seul maillot vert. Il était très rapide, mais préférait terminer seul plutôt que compter sur son sprint. Peut-être à raison, comme l’a démontré le tristement célèbre championnat du Monde de Renaix, où il a été battu au sprint par Benoni Beheyt, quelques semaines après son fameux Tour de France.
Van Looy pouvait toujours compter sur ses coéquipiers, comme la « garde rouge » de Faema, qui courait à ses côtés, il fut l’un des premiers à s’entourer de la sorte. On pourrait donc dire que la méthode de WoutvanAert est très différente de celle de son idole Rik II. Mais il y a aussi une similitude frappante: tous les deux sont originaires de Herentals et ça a créé un lien spécial entre eux. Mais être originaire de Herentals n’est évidemment pas, en soi, une qualité suffisante…
LE DÉMON DE LA VITESSE MARK CAVENDISH (2011, 2021)
La plupart des points pour le maillot vert se gagnent dans des étapes plates, qui se terminent souvent par un sprint massif. Ceux qui franchissent la ligne en tête ont de très bonnes chances de remporter le classement par points. Qui de mieux comme exemple que MarkCavendish? Son deuxième maillot vert l’an dernier a été remporté dix ans après le précédent. Ce faisant, TheManxMissile a égalé le record d’ EddyMerckx avec 34 victoires d’étape sur le Tour. Cavendish représente la vitesse pure, l’explosivité, l’audace et l’accélération finale. Un sprinteur pur sang.
La seule chose que Van Aert ne devrait pas prendre en exemple, c’est l’agressivité du coureur de Quick-Step. Le Britannique s’est déjà vu retirer de nombreux points et victoires par le jury de la course suite à ses écarts de conduite.
LE GRIMPEUR OCCASIONNEL LAURENT JALABERT (1992, 1995)
Seuls trois coureurs ont remporté à la fois le maillot vert et le maillot à pois du Tour de France dans leur carrière. LaurentJalabert est le seul non-vainqueur du Tour à l’avoir fait, les deux autres sont Eddy Merckx et BernardHinault. À l’entame de sa carrière, au début des années nonante, Jaja était surtout un bon finisseur. Par la suite, il a commencé à se découvrir des qualités de grimpeur, et en 2001 et 2002, il a remporté le classement de la montagne du Tour de France. Lors de la Vuelta 1995, qu’il a remportée, il a même combiné le classement par points et le prix de la montagne.
Être capable de grimper peut aider à collecter des points sur tous les terrains. Avec son épopée sur le Ventoux l’année dernière, Van Aert a montré qu’il en était capable. Autre bon présage: Jalabert pouvait, comme Van Aert, se débrouiller en contre-la-montre, il est même devenu champion du monde de la discipline en 1997.
LE COUREUR DE CLASSIQUES FREDDY MAERTENS (1976, 1978, 1981)
En tant que vrai Flandrien, FreddyMaertens roulait toujours aux avant-postes. Il a participé 24 fois à l’un des cinq monuments et a terminé 19 fois dans les dix premiers. Malheureusement, il n’a réussi à en gagner aucun. Il n’a triomphé que dans des classiques comme le Circuit Het Volk, l’Amstel Gold Race ou Gand-Wevelgem. Ça ne l’a pas empêché de battre des records dans les grands tours. En 1976, Lippe a remporté huit étapes dans le seul Tour de France, un record qu’il partage avec son illustre contemporain Eddy Merckx. En 1977, il a remporté sept victoires dans le Giro et la même année, il a gagné treize (! ) étapes d’une Vuelta relativement plate. Au douzième jour du Tour d’Espagne, il avait déjà reçu dix fois le bouquet de vainqueur et son avance au classement général était déjà insurmontable pour ses rivaux. Sa puissance et ses qualité de sprinteur lui ont également valu deux maillots arc-en-ciel, en 1976 et 1981.
Van Aert a remporté Milan-Sanremo en 2020 et c’est donc déjà mieux que Maertens, mais au Tour des Flandres, à Paris-Roubaix et à Liège-Bastogne-Liège, la chance ne lui a pas encore souri jusqu’à présent. Lippe démontre que ça n’a aucun impact sur les succès dans les victoires d’étape.
L’ABONNÉ AUX PODIUMS PETER SAGAN (2012, 2013, 2014, 2015, 2016, 2018, 2019)
Au Tour de France, le Slovaque doit son nombre record de maillots verts non pas tant à ses victoires d’étapes (douze en dix ans, aucune en 2014 et 2015), mais surtout à son incroyable pourcentage de podiums: lors d’une étape sur quatre (47 sur 183), il est monté sur le podium, et si on ne compte pas les contre-la-montre, c’est même 28%. Peut-être encore plus impressionnant: dans la moitié des étapes en ligne, il a terminé dans le top 10! C’est ainsi que l’on accumule des points pour le maillot vert.
Conseil à Van Aert donc: continuer à pousser sur les pédales, même si le sprint est perdu, et qu’il prenne aussi des points dans les étapes de moyenne montagne. Dans ces conditions, il remportera plus d’un maillot vert.
LE PARFAIT ÉQUIPIER ANDRÉ DARRIGADE (1959, 1961)
AndréDarrigade était l’un des meilleurs sprinteurs des années cinquante et probablement le sprinteur français le plus rapide de tous les temps. Il a remporté la première étape du Tour à cinq reprises, un record. Au total, il a remporté 22 victoires d’étape, ce qui le positionne à la cinquième place de tous les temps. Ses qualités de sprinteur lui ont aussi valu un titre mondial, en 1959 à Zandvoort. Mais Darrigade était tout sauf un égocen-trique. Lorsqu’il passait sous la flamme rouge, le fidèle lieutenant de JacquesAnquetil avait souvent déjà une dure journée de labeur derrière lui et avait déjà produit beaucoup de sueur. « S’il n’avait roulé que pour lui, il aurait gagné dix étapes de plus », a déclaré MarcelBidot, son directeur sportif au sein de l’équipe de France à l’époque (on roulait encore par équipes nationales).
La ressemblance avec Wout van Aert, qui travaille beaucoup pour PrimozRoglic, est frappante. Mais on peut donc également remporter le maillot vert de cette façon.
LE TACTICIEN SEAN KELLY (1982, 1983, 1985, 1989)
SeanKelly n’était pas très bavard, il était parfois insondable, toujours sur ses gardes. Une conséquence, selon certains, de ses origines modestes de fils de fermier irlandais. Mais il s’est constitué un palmarès impressionnant: c’était peut-être le coureur le plus polyvalent des années 1980. Il a remporté plusieurs fois quatre des cinq monuments. Il n’y a qu’au Tour des Flandres qu’il a dû se contenter de trois deuxièmes places. Et puis il y avait les courses à étapes: il a remporté Paris-Nice sept fois d’affilée (1982-1988), le classement par points du Tour de France et de la Vuelta quatre fois, et il a également gagné une fois le classement final du Tour d’Espagne. Peut-être que son caractère méfiant l’a aidé: il observait et lisait incroyablement bien la course. Les courses tactiques et imprévisibles comme le Tour de Lombardie (trois victoires) étaient celles qui lui convenaient le mieux, disait-il lui-même.
Pas besoin d’expliquer à Van Aert que la perspicacité tactique est indispensable pour obtenir des résultats. Ce sera nécessaire, car il sera sans doute la cible de la concurrence.
LE COUREUR COMPLET EDDY MERCKX (1969, 1971, 1972)
Bien sûr, on peut aussi envisager le maillot vert comme sous-produit du jaune. Si Eddy Merckx était surnommé Le Cannibale, c’est parce qu’il voulait tout gagner. Il a remporté deux de ses trois maillots verts avec une avance considérable. Et lors des Tours de 1970 et 1974, qu’il a également remportés, il a également terminé deuxième au classement par points, à seulement cinq et treize points de WalterGodefroot et PatrickSercu. Rien d’étonnant quand on sait que dans chaque Tour qu’il a remporté (cinq sur sept participations), Merckx a gagné entre quatre et huit étapes. Il détient d’ailleurs toujours le record du nombre de victoires d’étapes (34, avec Mark Cavendish) et de podiums (63) sur le Tour.
Comparer Wout van Aert à Eddy Merckx serait exagéré, mais en ayant remporté une étape de montagne, un contre-la-montre et un sprint massif, il a démontré l’an dernier qu’il disposait de nombreuses flèches à son arc. Elles seront certainement très utiles.
LE SURVIVANT ERIK ZABEL (1996, 1997,1998, 1999, 2000, 2001)
ErikZabel possède un record: il a remporté le maillot vert six années de suite. Il a principalement gagné des points dans les sprints massifs, mais parfois aussi en solitaire, car il était infatigable. Avec la ténacité propre à l’ancienne Allemagne de l’Est, il s’est toujours accroché, comme dans le Poggio à Milan-Sanremo. Là où d’autres pur sprinteurs étaient lâchés, Zabel tenait bon. Il a survécu et a donc remporté la Primavera à quatre reprises, tout en se classant deux fois deuxième. Dans le Tour, il ne craquait pas non plus lorsque les montagnes arrivaient. Il a participé à un grand tour à 24 reprises et n’a abandonné que lors de son tout premier Tour de France, en 1994. Zabel devait son intransigeance à son régime d’entraînement poussé à l’extrême. Pour lui, souffrir était un plaisir.
Quand on lit ça, on ne peut s’empêcher d’y voir le reflet de Wout van Aert. C’est donc bon signe.
L’ACROBATE ROBBIE MCEWEN (2002, 2004, 2006)
En tant que cyclocrossman, Van Aert n’a pas besoin de leçons de pilotage et il a déjà remporté des sprints massifs. Pourtant, ce n’est pas une mauvaise idée de jeter un oeil aux derniers hectomètres de RobbieMcEwen. Le petit Australien, surnommé ThePocketRocket, savait mieux que quiconque se faufiler sans prendre de risques dans un groupe compact, passant d’une roue arrière à l’autre et remportant la victoire d’une soudaine accélération. McEwen pouvait rarement compter sur l’aide précieuse d’un équipier et il était donc important qu’il puisse se débrouiller seul.
Jumbo-Visma, qui compte dans ses rangs un candidat à la victoire finale, ne mettra pas de train à la disposition de Van Aert, qui devra donc jouer à l’acrobate. Ça lui convient.
L’INCONTRÔLABLE DJAMOLIDINE ABDOUJAPAROV (1991, 1993, 1994)
« Je ne m’arrête plus quand je vois la folie », chantait Léo Ferré. C’était le cas aussi de l’Ouzbek DjamolidineAbdoujaparov. Il mettait souvent en danger non seulement sa propre sécurité, mais aussi celle de ses adversaires: il n’était par conséquent pas très populaire. Sa façon de courir lui a même fait gagner le surnom de Cowboy de Tashkent quand il courrait encore chez les amateurs. Et ça lui a bien évidemment valu de nombreuses chutes. En 1991, Abdu a failli trouver la mort sur les Champs-Élysées: alors qu’il sprintait tête baissée, comme il le faisait souvent, sur l’avenue la plus célèbre du monde, il n’a tout simplement pas vu un obstacle à côté des barrières. Après être resté allongé pendant de longues minutes sur le pavé, la tête en sang, il s’est relevé pour parcourir les cent derniers mètres du Tour et conserver son maillot vert.
On ne recommanderait pas plus qu’un grain de folie à Van Aert, mais après sa chute dans le Tour 2019 et la naissance de son fils, il semble parfois éviter les sprints dangereux. Ceux qui visent le maillot vert doivent parfois éviter de réfléchir.
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