Un départ de Remco Evenepoel chez INEOS-Grenadiers est-il possible ?
Après trois années sans victoire finale sur le Tour de France, la formation anglaise est prête à mettre la main à au portefeuille pour retrouver son rang. Et pour ce faire, elle lorgne ni plus ni moins que sur Remco Evenepoel. L’information, confirmée par Patrick Lefevere, a agité la toile ce mercredi.
Remco Evenepoel est à peine revenu au pays, tout auréolé de son beau maillot de champion du monde après le rouge remporté sur la Vuelta, que les rumeurs de transfert le concernant s’agitent en coulisses. Le Brabançon doit encore célébrer ses victoires récentes avec le public belge, d’abord sur la Grand-Place de Bruxelles et dans son fief de Schepdaal le 2 octobre prochain. Après cela, il arborera sa nouvelle tunique irisée en compétition sur les routes de Binche-Chimay-Binche. L’occasion de saluer une dernière fois son coéquipier Iljo Keisse, qui roulera les derniers tours de roues de sa carrière. Mais aussi de rendre hommage à son ancien mentor et ami Philippe Gilbert, auquel il a succédé au palmarès belge des champions du monde. Phil roulera ses derniers kilomètres en compétition sur le sol belge avec son jeune successeur avant de ranger définitivement le vélo au clou après Paris-Tours.
Ce mercredi, le site spécialisé Velonews lançait une petite bombe en annonçant que l’équipe INEOS-Grenadiers aimerait désormais s’offrir les services du prodige belge, malgré un contrat qui le lie à Quick-Step jusqu’en 2026. C’est Patrick Lefevere, le grand patron de la formation belge, qui a révélé une discussion par messages Whatsapp qu’il a eue avec son homologue d’INEOS, Dave Brailsford. « C’est simple. Brailsford m’a envoyé un texto, ce qu’il ne fait pas très souvent. Il a dit: ‘Félicitations, quel champion, et si vous voulez le vendre un jour, appelez-moi », raconte le directeur sportif et d’équipe le plus souvent titré sur la course mondiale. N’était-ce pas une boutade ? « On ne peut pas le voir sur Whatsapp, mais il n’y avait pas de smiley derrière », réplique Lefevere. Ce dernier conclut son témoignage à VeloNews en affirmant que « d’autres collègues viennent de me féliciter mais si Dave le veut, il aura probablement besoin de beaucoup d’argent.«
INEOS veut retrouver de sa superbe sur les grands tours
La formation britannique, longtemps dominatrice sur les grands tours, et celui de France en particulier, a encore dû s’incliner au cours du mois de juillet dernier malgré la superbe, mais étonnante, troisième place du vieillissant Geraint Thomas. En 2019, le Gallois était le dauphin d’un certain Egan Bernal, dernier vainqueur de la Grande Boucle sous la tunique de la structure de Dave Brailsford. Depuis lors, le maillot jaune est revenu deux fois à Tadej Pogacar et une fois à Jonas Vingegaard, qui appartiennent respectivement aux formations UAE Emirates Team et Jumbo-Visma.
Sur les autres grands tours, le bilan n’est pas plus réjouissant. Cette année, Richard Carapaz, grand favori au titre sur le Giro, a été devancé par Jai Hindley. Sur la Vuelta, les Anglais ont rapidement perdu tous leurs atouts et le jeune Carlos Rodriguez a été le meilleur des siens avec une modeste 7e place (même si c’est une belle performance pour lui et qu’il aurait pu figurer plus haut sans une chute qui l’a handicapé dans les derniers jours). Carapaz, pour sa part, sauvait les apparences avec le gain de trois bouquets d’étape et le classement du meilleur grimpeur. Mais c’est évidemment un bilan insuffisant pour une formation aussi riche et ambitieuse qu’INEOS. Les Anglais n’ont plus triomphé depuis 2017 sur le grand tour espagnol alors que leurs derniers succès en Italie sont plus récents puisqu’ils remontent au sacre de Bernal l’an dernier et à celui plus improbable de Tao Geoghegan Hart en 2020, juste après la pause sanitaire. Depuis, le Britannique est retourné dans l’ombre et y est bien resté.
Pour rivaliser à nouveau avec les deux nouveaux cadors des courses de trois semaines que sont Pogacar et Vingegaard, Jim Ratcliffe, Brailsford et sa bande cherchent donc l’homme en mesure de pouvoir le faire. Si le nom de Primoz Roglic a circulé à un moment, ses dernières années marquées par la poisse et son âge plus avancé (bientôt 33 ans) n’ont pas emballé plus que cela les décideurs d’INEOS. Un Remco Evenepoel, bien plus jeune de surcroît, a logiquement plus le profil recherché, surtout que la formation britannique n’a aucune certitude de revoir un jour Bernal à son meilleur niveau après son grave accident en début d’année.
Les autres coureurs engagés ces dernières années pour briller sur les grands tours n’ont pas spécialement répondu aux attentes. Carapaz a certes décroché trois podiums sur chacune des épreuves de trois semaines (2e de la Vuelta 2020, 3e du Tour 2021 et 2e du Giro 2022), mais rejoindra les rangs d’Education First la saison prochaine. Idem pour Adam Yates qui épaulera Pogacar sans avoir apporté de succès majeur à INEOS. Daniel Martinez n’a pas encore donné les garanties qu’il était un homme capable de s’imposer sur une course de trois semaines. Enfin, Carlos Rodriguez, l’étoile montante aurait, selon certaines sources, un accord pour rejoindre Movistar en 2024. Une équipe espagnole qui cherche un nouveau numéro 1 d’avenir issu de de son pays. Juan Ayuso, le troisième du dernier Tour d’Espagne et seulement âgé de 20 ans, est lié jusqu’en 2027 avec UAE. Autant dire que les chances de le débaucher sont minces.
« Il n’y a pas eu de réunion, mais nous avons eu une conversation téléphonique avec Ineos », a reconnu le père du vainqueur du Tour d’Espagne, Patrick Evenepoel. « Nous sommes en contact avec eux depuis des années puisqu’ils voulaient aussi engager Remco lors de son passage chez les professionnels. C’est normal qu’ils m’appellent pour me féliciter après des victoires sur la Vuelta et Liège-Bastogne-Liège », a tempéré le père du nouveau champion du monde. « Ce n’est pas à moi de parler. Nous voulons fêter la Vuelta et les championnats du monde. Et nous verrons ce qui se passera dans le futur. »
Un salaire revu à la hausse pour Evenepoel ?
Avant la prolongation de son contrat de cinq ans en avril de l’an dernier, Evenepoel était déjà courtisé par INEOS-Grenadiers et BORA-hansgrohe. Mais est-il pour autant l’un des coureurs les mieux rétribués du peloton actuel ?
L’an dernier, certains sites spécialisés avaient recensé les salaires de différents coureurs. Lors de la signature de son nouveau bail, à une époque où rappelons-le, il n’avait pas encore retrouvé l’entierté de ses moyens physiques après sa lourde chute au Tour de Lombardie, Patrick Lefevere avait déclaré qu’il était fier de proposer à son prodige « le contrat le plus long jamais proposé par l’équipe à un coureur ».
Malgré ce nouveau bail, le citoyen de Schepdaal ne se situait toujours pas dans le top 20 des cyclistes les mieux rémunérés au début de l’année 2022. Ce classement pourrait changer au vu de ses dernières prestations et des convoitises d’INEOS.
Le salaire annuel d’Evenepoel devrait se rapprocher de celui de Julian Alaphilippe, auquel il a repris le maillot arc-en-ciel. L’an passé, le Français était le coureur le mieux payé de la formation Quick-Step avec 2,3 millions d’euros bruts par an. Pourtant, selon Het Nieuwsblad, Alaphilippe était seulement le septième coureur le mieux rétribué au monde. Il devançait Wout van Aert – dont le salaire doit avoir été revu à la hausse suite à sa dernière prolongation de contrat avec Jumbo-Visma– mais figurait loin derrière Tadej Pogacar et ses 6 millions d’euros brut annuels.
A noter que le salaire qui sera accordé à Evenepoel risque fortement de dépendre de l’imposition pratiquée dans son pays de résidence. Le Slovène habite par exemple à Monaco et touche presque l’ensemble de son pactole tandis qu’Evenepoel perd la moitié de ses émoluments puisqu’il est toujours domicilié au pays. Il fut d’ailleurs un temps question de son déménagement à l’ombre du Rocher de la Principauté, mais le jeune homme avait préféré rester auprès des siens et notamment de sa fiancé Oumi, avec laquelle il se mariera prochainement. Un engagement qui pourrait l’aider plus facilement à s’envoler vers un paradis fiscal, à l’image d’un Alaphilippe qui vit à Andorre en compagnie de Marion Rousse. Cela pourrait sans doute aider Lefevere à lui donner plus sans devoir dépasser certaines limites que son budget ne lui permet pas. L’arrivée de Soudal comme co-sponsor lui offre certes plus de possibilités qu’avec le précédent engagement avec Deceuninck, mais la firme ne compte pas investir plus malgré le titre mondial d’Evenepoel.
Le Wolfpack plutôt qu’une superstructure pour l’aider à gagner le Tour ?
Patrick Lefevere, dont on connaît la passion pour le maillot arc-en-ciel, est plus du genre à les engager qu’à les céder : souvenez-vous des transferts d’Oscar Freire chez Mapei après son titre mondial de 1999 ou de Romans Vainsteins chez Domo-Farm frites douze mois plus tard. Grâce à Evenepoel, l’emblématique manager de Quick.Step a surtout comblé un manque dans son impressionnant palmarès, à savoir le gain d’un grand tour. Nul doute que pour asseoir définitivement sa légende, Lefevere aimerait un jour voir Evenepoel, avec le sponsor de son équipe et tout de jaune vêtu, chantant la Brabançonne avec l’Arc de Triomphe en arrière plan.
Evenepoel sait aussi ce qu’il doit à son grand patron qui ne l’a pas laissé tomber après sa lourde chute en Lombardie. Preuve de sa confiance absolue, il l’avait même prolongé jusqu’en 2026 alors que quelques doutes subsistaient quant à sa capacité à retrouver complètement son meilleur niveau. Le jeune homme de 22 ans est aussi sensible à l’atmosphère familiale du Wolfpack. On l’a vu lors de la dernière Vuelta, un vrai lien s’est tissé entre le vainqueur et ses coéquipiers, même si ces derniers ont parfois éprouvé des difficultés à l’épauler avec autant d’efficacité que ce que l’on peut voir au sein d’une formation comme Jumbo-Visma ou encore la Sky d’il y a quelques années.
La formation belge ne possède pas cette culture des grands tours présente dans le clan britannique depuis qu’il a décidé d’emmener Bradley Wiggins sur la plus haute marche du Tour de France en 2012. Quick.Step s’est surtout illustré sur le terrain des classiques et en particulier les Flandriennes où sa domination fut souvent sans partage au cours des deux dernières décennies.
Avec un diamant brut comme Evenepoel, Lefevere est contraint de s’adapter, même s’il ne veut pas renier son ADN. Mais contrairement à une Jumbo-Visma qui peut offrir des armadas à Wout van Aert sur les classiques et à Jonas Vingegaard/Primoz Roglic sur les grands tours, l’équipe belge est contrainte de choisir ses priorités. Les dernières performances d’Evenepoel, contrastants nettement avec les saisons de galère vécues par les leaders sur les classiques que sont Alaphilippe et Kasper Asgreen, inviteront sans doute Lefevere à mieux encadrer son nouveau fer de lance principal.
Car indéniablement, Ineos possède plus de coureurs capables d’encadrer un coureur visant un maillot jaune sur le Tour de France. Même si Richard Carapaz et Adam Yates vont partir, que Richie Porte a rangé son vélo au clou, il reste encore pas mal de grands coureurs performants en contre-la-montre ou en montagne chez INEOS: Geraint Thomas, Filippo Ganna, Michal Kwiatkowski, Tao Geoghegan Hart, Luke Plapp, Thomas Pidcock, Ben Tullett, Daniel Martinez ou encore Carlos Rodriguez (troisième du championnat d’Europe gagné chez les juniors par Evenepoel mais peut-être partant en 2024) pour n’en citer que quelques uns. Excusez du peu. Sans oublier un Thymen Arensman qui vient de rejoindre récemment l’écurie britannique et un Egan Bernal, même s’il reste forcément un point d’interrogation.
Evenepoel aurait forcément plus de main d’oeuvre à sa disposition qu’avec les Ilan van Wilder, Louis Vervaeke ou Fausto Masnada sur le dernier Tour d’Espagne. Ce n’est évidemment pas le recrutement de Jan Hirt, épatant sixième du dernier Giro, qui va conférer à Quick.Step des allures d’invicible armada sur les grands tours. Mais rien ne dit cependant que le nouveau champion du monde pourra recréer la même symbiose que celle qu’il vit aujourd’hui avec les loups de sa meute bleue. Cela c’est sur le papier, car le nom de Davide Bramati, l’un des directeurs sportifs de Quick.Step est cité aussi chez INEOS. Comme le dirait Patrick Lefevere, « la personne trompée est toujours la dernière à l’apprendre. »
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