Tout savoir sur la 16e étape du Tour de France: le calme avant la tempête ou Pogacar tentera-t-il de faire le mur ?
Carcassonne a souvent inspiré les baroudeurs, qu’elle soit le décor d’une arrivée ou d’un départ. Le 11 juillet 1947, il y a 75 ans, AlbertBourlon s’est même imposé dans la région au terme du plus long solo de l’histoire du Tour. Initialement, il voulait encaisser le plus de primes possibles. Il s’était donc échappé dès le départ, malgré un soleil de plomb. Le peloton n’avait pas envie de se lancer à sa poursuite et le Français a donc foncé à une vitesse moyenne d’un peu moins de 31 km/h vers Luchon, le site d’arrivée, à 253 kilomètres de Carcassonne. Son temps? 8 heures, 10 minutes et 11 secondes. Il a touché 100.000 francs français (environ 160 euros) et a terminé avec seize minutes d’avance sur Norbert Callens.
En 2012, le dernier kilomètre du Mur de Péguère était jonché de clous et de nombreux coureurs avaient été victimes de crevaison.
Trois quarts de siècle plus tard, le tracé convient toujours aux coureurs offensifs. Il traverse les départements de l’Aude et de l’Ariège, avec un dénivelé de 3.400 mètres. Trois petits cols servent de plate-forme de lancement dans les 43 premiers kilomètres, où le peloton passe de 118 à 624 mètres d’altitude. Les obstacles décisifs se trouvent plus avant dans l’étape: le Port de Lers (11,4 km à 7%), son sommet se trouvant à 53 kilomètres de l’arrivée, puis le fameux Mur de Péguère, 27 kilomètres avant la ligne. La pente est de 5,5% dans les six premiers kilomètres puis c’est un mur: trois kilomètres à 13, 12,6 et 11%, avec un pic à 18%.
Le Mur est tellement raide qu’en 1973, le maillot jaune Luis Ocaña avait convaincu Jacques Goddet, le patron du Tour, de le rayer du programme: le peloton devait descendre le col et ils jugeaient l’entreprise trop dangereuse. Le Mur de Péguère n’est revenu au Tour qu’en 2012. Sandy Casar y avait démarré et était arrivé en tête, mais les ténors avaient été prudents, d’autant que le dernier kilomètre était jonché de clous. De nombreux coureurs, parmi lesquels Cadel Evans, avaient été victimes de crevaisons. Bradley Wiggins, le maillot jaune, avait arrêté le peloton jusqu’à ce que tous les coureurs reprennent leur place.
Pas de spectateurs dans le Mur de Péguère
Pour éviter pareils incidents, mais aussi limiter les risques de collision avec les motards sur ces étroits chemin, Christian Prudhomme a décidé de ne plus admettre de spectateurs dans le dernier tronçon lors du passage suivant en 2017. De fait, l’ascension s’est déroulée sans accroc. Warren Barguil a franchi le sommet silencieux en premier. En 2019, lors de la dernière ascension du Mur de Péguère, il n’y a pas eu davantage de problèmes. Simon Geschke est arrivé en tête, suivi par son compagnon d’échappée, Simon Yates.
La différence avec l’étape de ce jour? Yates avait finalement triomphé au Prat d’Albis, une nouvelle montée de première catégorie au-dessus de Foix. Cette fois, la ligne d’arrivée se trouve dans l’enceinte de la ville, comme en 2017, lors du cocorico de Barguil un 14 juillet. L’étape expérimentale ne comptait que 101 kilomètres alors qu’aujourd’hui, elle en fait 179. Est-ce suffisant pour inciter un coureur de classement à attaquer? On peut s’attendre à (presque) tout de TadejPogacar mais ça paraît quand même douteux car à partir du sommet du Mur de Péguère, le peloton entame une descente de 27 kilomètres jusqu’à Foix. En outre, c’est la deuxième étape pyrénéenne d’affilée.
Ces dernières années, les favoris ont conclu une trêve durant les étapes les plus ardues, comme celle de Quillan et de Saint-Gaudens en 2021. Les autres étapes, y compris celles de la première semaine, requièrent tant d’énergie qu’il faut parfois se ménager. Surtout si la canicule s’abat dans la région.
Stimuler le tourisme
Ce n’est pas un hasard si le Tour a planté ses tentes aussi fréquemment dans le département de l’Ariège depuis quelques années. Il est présidé depuis 2014 par Henri Nayrou, qui entretient d’excellentes relations avec Christian Prudhomme. Nayrou est, comme le patron un Tour, un ancien journaliste passionné de cyclisme. Il veut muer son département en une destination de vélo, pour que les cyclotouristes ne se cantonnent pas aux cols célèbres des Pyrénées. Il affirme avoir déjà atteint ses fins, compte tenu du taux d’occupation des hôtels de l’Ariège. Un nouveau passage de la caravane devrait stimuler encore plus le tourisme dans la région.
Les mêmes baroudeurs en action ?
Dans les 43 premiers kilomètres, on passera de 118 à 624 mètres d’altitude avec trois petites collines qui serviront de tremplin pour l’échappée du jour. Avec les habituels attaquants comme Lennard Kämna, Neilson Powless, Alberto Bettiol, Nick Schultz, Matteo Jörgensen, Carlos Verona, le porteur du maillot à pois Simon Geschke ou Bob Jungels, qui a déjà gagné à Châtel ?
Comme l’équipe Jumbo-Visma de Jonas Vingegaard ne compte plus que six coureurs, elle sera heureuse de laisser partir un groupe inoffensif.
Sauf si celui-ci comprend un coureur de l’équipe émiratie de Tadej Pogacar ou des coureurs comme Tom Pidcock, Enric Mas ou Alexandr Vlasov, qui se trouvent actuellement à 9 ou 10 minutes au classement général. Le Danois pourra compter sur Wout van Aert qui va se concentrer que sur la défense du maillot jaune.
Déjà un putsch de Pogacar ?
Le Mur de Péguère est suffisamment difficile pour qu’un coureur du classement général, notamment Tadej Pogacar, attaque le détenteur du maillot jaune Jonas Vingegaard. Compte tenu de la descente de 27 km vers Foix après le sommet du Mur de Péguère et des deux jours difficiles qui suivront ensuite dans les Pyrénées, on pourrait penser qu’un Pogacar se tiendra à carreau.
Mais pour le Slovène, les lois normales du cyclisme ne s’appliquent pas. Il testera peut-être Vingegaard et vérifiera si l’équipe Jumbo-Visma est désormais plus vulnérable, après les abandons de Primoz Roglic et Steven Kruijswijk. Si Pogacar parvenait à se débarrasser du Danois dans les pourcentages difficiles, et qu’un coéquipier envoyé en tête était en mesure de l’attendre après le sommet, alors il pourrait déjà combler une partie de son retard (2 minutes et 22 secondes).
Mais Vingegaard n’a pas encore montré de signes de faiblesses quand, assis sur sa selle, il a facilement tenu la roue du Slovène dans la montée finale très pentue vers Mende. La chaleur intense, avec des températures à nouveau bien supérieures à 30 degrés, joueront également en la faveur du Danois que l’on sait très résistant à ces conditions météorologiques. Il sera en tout cascrucial pour le Danois de franchir le sommet du Mur de Péguère avec au moins un coéquipier, à savoir Sepp Kuss. En prévision d’un éventuel retour de Wout van Aert dans la descente.
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