Sonny Colbrelli, le néophyte qui gagne Paris-Roubaix (et depuis mai tout ce qui lui plaît)
Premier néophyte à remporter l' »Enfer du Nord » depuis 1955 et premier Italien à le faire depuis 1999, Sonny Colbrelli s’est offert en 2021 un incroyable triplé championnats d’Italie et d’Europe avec Paris-Roubaix. Jusque là le point d’orgue du palmarès du Lombard était… une Flèche Brabançonne.
Sonny Colbrelli a remporté, à 31 ans, la 118e édition de Paris-Roubaix, alors qu’il disputait la classique nordiste pour la première fois. Il est ainsi devenu le premier vainqueur néophyte depuis le Français Jean Forestier en 1955. Euphorique sur la pelouse du vélodrome roubaisien après sa victoire, le coureur lombard est le premier Italien à s’imposer dans l’Enfer du Nord depuis 1999 quand Andrea Tafi avait vaincu les pavés du Nord. Colbrelli a signé le 12e succès italien dans la classique française.
« Ma victoire à Roubaix est une des plus belles victoires sportives, car je rêve aussi de gagner le Tour des Flandres, qui est ma classique n°1 avant Paris-Roubaix. Ma plus grande victoire absolue, ce sont mes enfants », a expliqué Sonny Colbrelli.
L’Italien est revenu, avec Mathieu van der Poel et Florian Vermeersch, sur son compatriote Gianni Moscon qui, seul en tête et qui pouvait entrevoir un succès à Roubaix, a été retardé par une crevaison et une chute avant le secteur pavé du Carrefour de l’Arbre. Le vainqueur a précisé avoir calqué sa course sur Mathieu van der Poel. « Je regardais essentiellement Van der Poel aujourd’hui, je me focalisais sur sa roue, c’était ma tactique. Et je voulais veiller à ne pas chuter. J’avoue aussi que j’avais peur d’un retour du groupe van Aert. Mais j’ai fini par m’imposer, par gagner sur les pavés, même si ce fut très dur pour moi et si je suis souvent passé près de la chute. Dans la finale, connaissant Van der Poel, je me sus fixé sur lui pour le sprint mais c’est Vermeersch qui a lancé la manoeuvre, ce qui m’a surpris. Je sais qu’après une course de 250 kilomètres, même un grimpeur peut gagner le sprint. Je suis quand même parvenu à remonter le jeune Belge, in extremis. »
AVANT CETTE ANNEE, IL PRIVILEGIAIT L’AMSTEL GOLD RACE
Le coureur transalpin a expliqué la raison pourquoi il disputait, à 31 ans, Paris-Roubaix pour la premièle re fois. « Je n’y suis jamais venu car mon objectif a toujours été de privilégier l’Amstel Gold Race, qui est programmée, en temps normal, une semaine après Paris-Roubaix. Et je n’ai jamais voulu arriver fatigué par Roubaix à l’Amstel. Cette année a été différente. Mais j’avouerai que, dimanche matin, je ne pensais même pas arriver au vélodrome de Roubaix. J’ai donc couru sans pression et ça m’a aidé. J’ai 31 ans, je pense avoir atteint ma maturité de coureur à 30 ans, un peu comme Greg van Avermaet, qui a commencé à gagner des classiques à cet âge. J’espère que je resterai à mon niveau actuel pendant plusieurs années. Je sais que j’ai passé le cap des 30 ans mais quelque chose a changé en moi, dans ma mentalité. Je suis suivi pas un coach mental depuis quelque temps. Et tout cela fait que tout se passe bien pour moi. Je suis devenu un coureur très offensif. »
IL GAGNE CE QU’IL LUI PLAÎT DEPUIS MAI
Jusqu’à cette folle année 2021, le palmarès du natif de Casto, un village situé en Lombardie, n’était pourtant guère impressionnant. Et ce n’est pas dans un cyclisme qui a commencé à prendre la tendance à donner une date de péremption plus rapide à ses coureurs que l’on imaginait le coureur de 31 ans sortir la meilleure saison de sa carrière. Sprinteur plutôt à l’aise sur des parcours vallonnés, Colbrelli avait remporté jusqu’à cette année son plus beau succès professionnel à Overijse sur la Flèche Brabançonne en 2017. Pour le reste malgré une victoire d’étape sur Paris-Nice en 2017 et une sur le Tour de Suisse en 2018, le palmarès du Lombard reste surtout composé de places d’honneur à l’image d’un Greg Van Avermaet avec lequel il s’est d’ailleurs comparé à la fin de Paris-Roubaix. Trois top 10 sur la course de ses rêves, Milan San Remo, un podium et un top 10 sur l’Amstel Gold Race et un top 10 sur des courses comme le Tour des Flandres, le GP de l’E3, Kuurne-Bruxelles-Kuurne ou le Circuit Het Nieuwsblad.
Cette année, avant le mois de mai, Sonny Colbrelli n’avait pas non plus spécialement brillé malgré une 4e place à Gand-Wevelgem, une 6e place à Kuurne-Bruxelles-Kuurne et une 8e à Milan-San Remo. Il fut 57e au GP de l’E3, 55e du Tour des Flandres, 64e de la Flèche Brabançonne et 72e d’une Amstel Gold Race qu’il privilégiait par rapport à Paris-Roubaix.
Après ce printemps décevant, Colbrelli a mis le cap sur la Romandie où il a retrouvé quelques couleurs au début du mois de mai. Il y a remporté une étape et le classement par points. Rebelote au Dauphiné Libéré où il a ajouté en plus trois seconde places. Après cela, il a remporté son premier titre de champion d’Italie.
Au Tour de France, il n’a pas remporté de bouquet mais s’est découvert des qualités de grimpeurs en terminant notamment 3e à Tignes dans les Alpes et 2e à Saint-Gaudens dans les Pyrénées.
Il s’est ensuite adjugé le classement final du Tour du Bénélux en glanant notamment un bouquet dans la difficile étape vers Houffalize après une longue échappée. Fort de sa condition, il a ensuite écoeuré Remco Evenepoel au championnat d’Europe à Trente où il a résisté à toutes les accélérations du jeune Belge avant de le foudroyer au sprint. Lors des championnats du monde à Louvain, il faisait office de favori mais s’est retrouvé piégé, pas aidé par une équipe italienne pas vraiment vernie sur la course. Il a terminé 10e mais avait été le seul à pouvoir riposter à la belle attaque de Julian Alaphilippe sur les gros pourcentages du Smeysberg. Paris-Roubaix arrive donc comme le nouveau point d’orgue de la carrière d’un coureur qui a sû trouver le déclic nécessaire pour devenir une machine à gagner mais aussi susciter pas mal de questions quant à cette révélation soudaine.