Six Jours de Gand: les plaisirs d’hiver du cyclisme
Les Six Jours de Gand ont débuté mardi soir. Dans un monde qui a besoin de retrouver son souffle, cet événement continue à attirer malgré les mesures sanitaires contraignantes.
Les courses de six jours luttent depuis des années contre la noyade. Il y avait autrefois vingt épreuves de ce type en une saison, il n’en reste aujourd’hui plus que trois. Outre Gand, il s’agit de Rotterdam et de Berlin. Initialement, les Six Jours de Brême étaient également prévus, mais ils ont été reportés à janvier 2023 en raison de problèmes d’organisation, conséquence de la pandémie.
L’Allemagne était la Mecque absolue des Six Jours. Chacun d’entre eux a été un succès absolu. Que ce soit à Dortmund, Munich, Münster, Essen, Cologne, Brême, Hanovre, Stuttgart, Leipzig ou Berlin. Il y avait même deux événements de six jours au programme chaque hiver. Chez nos voisins, ces compétitions étaient synonymes de plaisir et de divertissement, avec des hectolitres de bière, des centaines de bouteilles de schnaps et de champagne, des milliers de kilos de saucisses et des femmes légèrement vêtues dans les rôles principaux. Les événements populaires de type forain prenaient de plus en plus d’importance. Il n’y avait pas beaucoup de connaisseurs autour de la piste ovale. Les favoris locaux pouvaient rouler à l’arrière plutôt qu’à l’avant, mais ça ne les empêchait pas d’être encouragés.
Mais au fil du temps, les Six Jours n’étaient plus économiquement viables en Allemagne. Les prix de location des salles ont atteint des proportions démesurées. C’est ainsi que les traditionnels Six Jours de Dortmund ont disparu du calendrier. Un soir, 20.000 personnes s’étaient pressées à la Westfalenhalle pour voir à l’oeuvre le nouveau héros populaire, DidiThurau. À l’époque, les sponsors étaient également intéressés. Mais ils ont abandonné lorsque le climat a été pourri par le dopage outre-Rhin. C’était le début de la fin pour Dortmund. Avant cela, d’autres Six Jours avaient été annulés, écrasés par des pertes gigantesques qui ont amené les organisateurs au bord de la faillite.
HOMARD ET CAVIAR
Les Six Jours de Gand, organisés pour la première fois en 1922, n’ont pas échappé à certaines évolutions de la société, mais ils ont gardé leur âme propre. Il y a trente ans, le directeur de l’époque, AndréDhondt, disait déjà que l’aspect sportif devait prévaloir. Il avait constaté que dans d’autres Six Jours, le parterre central était transformé en un restaurant où les plats les plus délicieux étaient servis. Le beau monde prenait l’endroit d’assaut pour se joindre au festin culinaire. Bien que Dhondt soit un gastronome, il a avoué qu’il se sentait mal à l’aise en voyant ces gens manger du homard et du caviar pendant que les cyclistes suaient sang et eau. Il a juré que ça ne se produirait jamais à Gand. Pourtant, là aussi, les activités VIP ont pris de l’importance au fil des ans et le restaurant est devenu un lieu de rencontre pour des personnes qui ne sont pas toutes également intéressées par le cyclisme. Même lorsque la finale a lieu le dimanche soir, le restaurant est encore bien rempli.
Si l’aspect sportif continue à prévaloir lors des Six Jours de Gand, c’est le mérite de PatrickSercu, directeur de course de longue date. L’ancien empereur des Six Jours, décédé il y a deux ans et demi, avait fait de la revalorisation de la piste l’oeuvre de sa vie. Sercu était frustré en voyant de plus en plus de coureurs sur route tourner le dos à la piste. Alors que c’est l’endroit idéal pour acquérir de la vitesse, qui reste la base du cyclisme.
En fait, les Six Jours n’ont jamais vraiment été appréciés à leur juste valeur. Alors qu’il s’agit d’une discipline très variée, une sorte de décathlon du cyclisme. Ils sont même sous-estimés, même s’ils ne sont plus aussi difficiles qu’autrefois, lorsqu’il fallait effectuer des tours de piste jour et nuit. À l’époque, on pouvait parler d’une bataille d’usure dans laquelle seuls les plus forts résistaient. C’était aussi souvent une épreuve monotone, où les temps morts étaient trop nombreux. Désormais, on court cinq heures tous les soirs, et les courses se succèdent à un rythme endiablé. Le programme, un véritable package, est plein de variété et de spectacle. Et on assiste à des performances athlétiques. Dans les compétitions par équipes, qui restent la discipline reine de chaque événement, la vitesse moyenne est d’environ 52 kilomètres à l’heure.
BEAU PLATEAU DE PARTICIPANTS
Il n’y a plus de véritables stars dans le monde des Six Jours. Gand peut heureusement compter sur la présence d’ IljoKeisse, qui s’est imposé sept fois au Kuipke. Keisse fait équipe avec MarkCavendish, et les chances de victoire finale du duo dépendront de la forme du Britannique. Keisse est réellement taillé pour la piste, le voir rouler est un régal pour les yeux. Le charismatique Gantois se vend aussi très bien. Dans les compétitions par équipes, il ne déçoit jamais, il semble planer au-dessus de la piste. Mais Iljo Keisse n’est pas un gage d’avenir: il aura 39 ans le 21 décembre.
KennyDeKetele est prêt pour ses derniers Six Jours à Gand. Il fait équipe avec RobbeGhys, avec qui il a gagné au Kuipke il y a deux ans. De Ketele quittera le peloton après les Six Jours de Rotterdam (du 7 au 12 décembre). ChristopheSercu, qui a suivi les traces de son père, a réuni un beau plateau de participants. Avec aussi les champions olympiques et mondiaux danois MichaelMørkøv et LasseNormanHansen, et JasperDeBuyst aux côtés du solide spécialiste allemand RogerKluge.
Tout cela devrait offrir six jours de spectacle à Gand. Comme le veut la tradition: le sport dans sa forme la plus pure.
Il pleut à Anvers
Outre les Six Jours de Gand, des événements similaires ont été organisés à Charleroi, Hasselt, Bruxelles et Anvers. À Charleroi et Hasselt, il y a eu jusqu’à quatre organisations, et à Bruxelles, on a roulé entre 1934 et 1965 sur une piste en bois de 235 mètres au Palais des Sports de Schaerbeek.
Mais le plus prestigieux des Six Jours reste celui d’Anvers, qui a connu 55 éditions entre 1934 et 1994. Pendant un certain temps, l’épreuve a été disputée par équipes de trois et la finale se courait généralement derrière derny. Mais même à cette époque, la piste était parfois négligée. À la fin des années 60, on a demandé au directeur du Sportpaleis d’Anvers ce qu’il fallait faire pour attirer le public. Il a répondu que les gens devraient déjà être heureux de pouvoir venir. Et lorsqu’il y a eu des fuites dans le toit et qu’il s’est mis à pleuvoir à l’intérieur, PatrickSercu s’est plaint auprès du même responsable. Le directeur a répondu qu’il fallait simplement rouler en contournant les flaques d’eau. Sercu a alors quitté les Six Jours.
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