Qui es-tu Tizanidine, produit controversé trouvé chez l’équipe Bahrain-Victorious ?
L’équipe avait été perquisitionné pendant le dernier Tour de France. Une substance a été retrouvée dans les analyses toxicologiques de trois membres de la formation. Si la Tizanidine ne figure pas dans la liste des produits interdits par l’agence mondiale antidopage, son utilisation pose néanmoins question.
Un doigt sur la bouche pour réclamer le silence. La célébration de Matej Mohoric lors de l’arrivée de la 19e étape du Tour de France, après sa deuxième victoire personnelle sur cette Grande Boucle 2021 et la troisième de sa formation a beaucoup fait jaser le monde du vélo. Beaucoup d’observateurs n’ont pas hésité (à tort ou à raison) à faire le rapprochement avec un geste effectué par Lance Armstrong jadis et qui rappellait les heures sombres du sport et l’omerta autour du dopage. En signant son succès de cette manière, le champion de Slovénie voulait surtout faire taire ceux qui avaient, selon lui, jeté à tort l’opprobre sur sa formation après qu’elle fût perquisitionné deux jours plus tôt.
Depuis lors, on n’avait plus entendu grand chose sur cette opération de la police française. Entre-temps, Bahrai-Victorious avait continué sa moisson de succès un peu partout en Europe et même en France avec le plus beau des pavés pour Sonny Colbrelli, vainqueur néophyte d’un Paris-Roubaix de légende.
Avec 30 victoires sur la saison 2021, dont 3 victoires d’étape (2 pour Mohoric et une pour Dylan Teuns) sur le Tour et le titre de meilleure formation de l’épreuve, les deuxième et troisième places de Damiano Caruso et Jack Haig sur le Giro et la Vuelta, Bahrain-Victorious a pour le moins bien porté son nom et a attiré les soupçons sur elle dès le Dauphiné Libéré et deux victoires d’étape en montagne aussi brillantes qu’inattendues de l’Ukrainien Mark Padun. Si l’équipe créée en 2017 possède dans ses rangs quelques bons coureurs, la plupart d’entre eux n’avaient jamais aussi bien tourné qu’en 2021 à l’image d’un Colbrelli raflant les victoires sur tous les terrains alors que son principal fait d’armes jusque là était le gain d’une Flèche Brabançonne et une kyrielle de petites places d’honneur sur de belles courses du calendrier.
MEDICAMENT POUR TRAITER LA SCLEROSE EN PLAQUES
Depuis ce jeudi, on en sait un peu plus sur les résultats de la fameuse perquisition du Tour puisque Ouest-France annonçait, en citant un rapport de chercheurs à l’université de Strasbourg, que de la Tizanidine avait été trouvée dans les cheveux de trois coureurs de la formation du Bahrein. Et donc là, le secret de la réussite foudroyante d’une équipe d’outsiders.
La Tiza quoi ? Rien à voir avec la tisane de grand-mère, même si cette substance est elle aussi connue pour ses propriétés « relaxantes » mais pas que… Et c’est bien là que ce situe le problème. Commercialisée sous l’appellation de Sirdalud ou Zanaflex, la Tizanidine n’est pas interdite par l’agence mondiale anti-dopage (AMA). Elle agit directement sur les muscles en permettant de les relaxer, mais son utilisation dans le milieu médical l’est surtout afin de soigner des patients atteints de maladies comme la sclérose en plaques. Donc, a priori pas pour favoriser la récupération de sportifs de haut-niveau en pleine santé.
En réduisant la tension musculaire et les crampes qu’il peut accumuler avec des étapes de 200 kilomètres, l’athlète qui en prend va voir son sommeil facilité et par conséquent sa récupération n’en sera que meilleure. Ce qui constitue évidemment un intérêt, surtout dans le cadre d’épreuves de trois semaines comme le Tour de France.
DOPAGE LEGAL ?
Selon le Dr. Pierre Sallet, physiologiste du sport, engagé depuis de nombreuses années dans la lutte-antidopage, et interrogé par la RTBF, ce produit peut être considéré comme du « dopage légal ». Le produit n’est pas interdit mais sert sans doute à améliorer les performances. La liste des produits interdits devrait d’ailleurs inclure 40 autres substances qui améliorent la performance et qui n’y figurent actuellement pas », explique le professeur à nos confrères.
Mais le spécialiste de la lutte anti-dopage estime aussi que les traces retrouvées dans les cheveux des coureurs n’impliquent pas un usage immédiat de la substance : « Les analyses capillaires permettent de facilement détecter la prise de produits exogènes (extérieurs à l’organisme). Les substances peuvent être détectées très longtemps après leur absorption, même si l’on peut difficilement dater la prise. »
Mais pour le Dr. Pierre Sallet, ce type de produits peut évidemment faire une différence, surtout dans le sport de haut-niveau. « Quand on est au top de son sport, la différence entre les meilleurs est de l’ordre de 1 à 3%. On a constaté qu’en prenant certains médicaments, on pouvait obtenir un gain de 1 à 5%…Et l’utilisation de ces produits est actuellement libre. C’est bien ça le problème. », explique-t-il à la RTBF avant de préciser que la notice du Sirdalud ou du Zanaflex mentionnent des pathologies handicapantes voire parfois létales. Du coup, pourquoi des sportifs de haut-niveau en arrivent à consommer de telles substances ? Une question éthique à laquelle il faudrait répondre d’urgence.
Mais limiter ce problème éthique à l’usage d’une substance et à une seule équipe ayant su jouer habilement avec les règles serait un mauvais procès. D’autres substances, d’autres équipes, d’autres sports sont accusés de flirter avec la frontière parfois ténue entre le dopage, les soins et la quête d’amélioration de la performance. Le Professeur Sallet espère d’ailleurs que les dirigeants du sport mondial se rendront rapidement compte des conséquences et agiront rapidement pour rectifier la situation.