
Pourquoi Wout Van Aert est plus polyvalent que Tom Boonen
La victoire de Wout Van Aert à Milan-Sanremo n’est probablement pas son dernier exploit XXL. Parce que ce gars sait faire beaucoup de choses sur un vélo. Plus encore que Tom Boonen par exemple.
Ça fait un an qu’on compare Remco Evenepoel à Eddy Merckx. Et ce n’est pas près de s’arrêter, après sa nouvelle démonstration dans le Tour de Pologne. Autre comparaison : Wout Van Aert et Tom Boonen. Et ce n’est pas près de s’arrêter, après le coup double de Van Aert aux Strade Bianche et à Milan-Sanremo !
Il n’y a pas qu’en Belgique qu’on trouve des points communs entre ces deux champions. Par exemple, Fred Dreier, rédacteur en chef de Velonews.com (un des magazines / sites anglophones les plus connus), a tweeté : « Wout is the next Tom Boonen ». Il y a deux ans, il l’avait déjà surnommé « Wout Van Boonen », après sa troisième place aux Strade Bianche. Pourtant, Boonen n’a jamais remporté ces courses. Il ne s’est même imposé qu’une seule fois en Italie – une étape de Tirreno-Adriatico. Il n’a même jamais participé aux Strade Bianche parce que cette course n’est apparue que quand il allait terminer sa carrière. Et parce que le parcours était trop accidenté pour lui. Par contre, il a fini trois fois dans le top 5 de Milan-Sanremo – en 2006, 2007 et 2010.
Wout Van Aert a remporté cette course dès sa deuxième participation. L’année passée, pour ses débuts, il avait terminé sixième. Et il aurait même pu déjà monter sur le podium s’il avait davantage cru en ses chances. Avant lui, il n’y avait que trois hommes qui avaient remporté les deux courses la même année : Fabian Cancellara, Michal Kwiatkowski et Julian Alaphilippe.
Il a battu TOUS les meilleurs
Il y a un an et un mois, on avait craint pour une fin de carrière anticipée de Wout Van Aert après sa grosse chute au Tour de France. Au cours des semaines précédant cet accident, il s’était révélé à la fois comme sprinter et rouleur de contre-la-montre. Dans le premier exercice, au Dauphiné, il avait pris le meilleur sur Sam Bennett et déjà Alaphilippe. Dans le second, sur 26 bornes, il avait été plus rapide que des spécialistes comme Tejay van Garderen et Tom Dumoulin. Lors du championnat de Belgique CLM qui avait suivi, il avait fait mieux que Remco Evenepoel, Yves Lampaert et Victor Campenaerts. Et au Tour, il avait été un des patrons de l’équipe Jumbo – Visma qui avait gagné le chrono par équipe, à Bruxelles. Après ça, il y a eu des courses où il a battu Elia Viviani, Caleb Ewan, Michael Matthews et Peter Sagan !
En quinze mois, Van Aert – qui en a quand même passé cinq à se rééduquer – a remporté deux contre-la-montre et deux sprints massifs contre les cadors de l’exercice. Il a triomphé en solo sur un parcours accidenté en Toscane. Et il s’est adjugé Sanremo, « la classique la plus facile à rouler et la plus difficile à gagner », pour reprendre ses mots. Encore ceci : il a fini quatrième du championnat du monde de cyclo-cross et il s’est imposé dans les labourés à Lille, à peine revenu de sa rééducation.
Futur maillot vert au Tour ?
Cette polyvalence, il cherchera de nouveau à l’étaler au prochain Tour de France, s’il a lieu. Le head of performance de son équipe prévoit qu’il accompagnera longtemps les meilleurs dans les étapes de montagne.
Avec toutes ces qualités, Wout Van Aert pourrait envisager de priver enfin Peter Sagan du maillot vert à Paris – après sept succès consécutifs. Malheureusement, son directeur sportif ne lui donnera pas carte blanche et il devra rouler en fonction des leaders de l’équipe, Primoz Roglic, Tom Dumoulin et Steven Kruijswijk. Il ne pourra jouer ses chances que si ceux-là ne sont pas au rendez-vous.
Par contre, il sera privilégié dans les classiques après le Tour. Après les Strade Bianche, Boonen a lancé : « Van Aert peut gagner l’Amstel Gold Race et Liège-Bastogne-Liège. Il peut le faire parce qu’il pèse dix kilos de moins que moi à l’époque où je roulais » Bon, le Tom exagère juste un peu. Il culminait à 80 kilos, Van Aert navigue à 77.
Boonen ne s’est jamais aligné dans ces deux courses. Parce qu’il privilégiait les épreuves pavées et, comme pour les Strade Bianche, parce que les parcours étaient trop accidentés pour lui. Récemment, il a expliqué à Sporza que c’était aussi pour ça qu’il n’avait terminé que trois grands tours sur quatorze tentatives – avec quand même le maillot vert du Tour de France en 2007. Monter ses 80 kilos au sommet des cols, c’était trop pour lui, mentalement et physiquement. Ce n’est pas un hasard s’il estime que son maillot vert vaut autant que ses victoires dans des classiques, parce qu’il avait ramé pour passer les cols sans trop de casse. Des cols dans lesquels Van Aert peut faire beaucoup mieux.
Moins de victoires que Boonen mais des victoires plus belles ?
Boonen affirme aussi que Van Aert est un meilleur rouleur que lui. Il a raison. Il s’était imposé une fois dans un prologue (au Ster Elektro Toer, donc pas la course la plus prestigieuse), et pendant ses seize années de pro, il n’est arrivé que trois fois seul, en 122 victoires. Une fois au Tour des Flandres et deux fois à Paris-Roubaix, ça ne doit rien au hasard.
À côté de ça, Van Aert a déjà fait plus d’une fois sensation en contre-la-montre. Au Dauphiné et au championnat de Belgique. Et s’il n’y avait pas eu la crise, il détiendrait peut-être aujourd’hui la médaille d’or du CLM olympique. On l’imagine sur le podium des Jeux aux côté de Remco !
Conclusion… Tom Boonen brillait sur son terrain, les classiques pavées et les sprints massifs, c’est là qu’il a bâti son palmarès incroyable. En quantité (122 victoires) et en qualité (sept monuments, un titre mondial, beaucoup de succès sur des semi-classiques et des victoires au sprint).
À 26 ans, Van Aert n’égalera probablement pas ce palmarès. Parce qu’il s’est longtemps concentré sur le cyclo-cross, où il a collecté 63 bouquets, dont trois titres nationaux et trois titres mondiaux. Mais s’il ne gagnera pas autant de courses que Boonen, il peut faire aussi bien au niveau qualitatif. Alors qu’il ne renonce pas aux labourés. Le championnat du monde à Ostende, fin janvier 2021, est déjà dans un coin de sa tête. Sur la route, dans les cross… ça nous promet bien du plaisir, ces affrontements entre les couteaux suisses que sont Wout Van Aert et Mathieu Van der Poel.
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