Pourquoi Remco Evenepoel n’a pas simulé sa crevaison lors de la 16e étape de la Vuelta

Grâce à la règle des trois kilomètres, Remco Evenepoel a été en mesure de conserver son maillot de leader de la Vuelta, malgré le dégonflement de son pneu dont il dit avoir été victime. Après que les théories du complot aient inondé les réseaux sociaux, on répond à trois questions pour clarifier une situation qui ne fut pas toujours très claire au cours d’un final complètement débridé.

Qu’est-ce que la règle des trois kilomètres ?

Actuellement, la règle 2.6.067 de l’Union Cycliste Internationale UCI est la suivante : en cas de chute, de crevaison ou de problème mécanique dans les trois derniers kilomètres, les coureurs concernés se verront attribuer le temps du groupe auquel ils appartenaient au moment de l’incident. Leur classement d’étape sera déterminé sur la base de l’ordre dans lequel les coureurs auront effectivement franchi la ligne d’arrivée.

Veuillez noter que cette règle ne s’applique pas pour les arrivées en côte. Les étapes de cette Vuelta qui ne sont pas concernées par cette règles sont les 6, 8, 9, 12, 14, 15, 17, 18 et 20.

Pour les étapes 2, 3, 7, 11, 13 et 21, qui devaient se terminer par un sprint massif, cette règle des trois kilomètres et celle des trois secondes s’appliquent. Il doit donc y avoir un écart d’au moins autant de secondes avant que le premier coureur du deuxième groupe ne soit classé dans un temps différent de celui des coureurs du premier groupe.

Pour les autres étapes, comme celle de mardi vers Tomares (compte tenu des derniers kilomètres vallonnés), seule la règle des trois kilomètres s’applique, et non celle des trois secondes.

Dans le cas d’Evenepoel, le jury a appliqué la première règle, car il a été dépanné au panneau Asistell Teleasistencia comme on peut le voir sur ce screenshot.

Voici la photo du carnet de route de la Vuelta, avec l’emplacement du bureau d’Asistell à côté.

A gauche, le parcours des derniers kilomètres, à droite, l’endroit où Evenepoel a effectué son changement de vélo dans la zone des trois derniers kilomètres de course.

C’est à peu près là que se trouve la montée, entre les kilomètres trois et deux avant l’arrivée. Primoz Roglic avait lancé son attaque juste avant, à environ deux kilomètres et demi de la ligne d’arrivée, juste après la partie la plus raide et juste avant le virage à gauche.

Primoz Roglic au moment de son attaque juste après la partie la plus raide de la dernière ascension.

Evenepoel s’est arrêté dans les trois derniers kilomètres. Un membre du jury le lui aurait dit, selon Alejandro Valverde, dans une interview accordée à la télévision espagnole par ce dernier. Il aurait dit au Belge qu’il ne devait pas s’inquiéter, et qu’il serait classé dans le même temps que le groupe dans lequel il se trouvait au moment de sa crevaison.


Est-ce que Evenepoel a vraiment crevé ? Et à quel moment ?

Voici l’explication d’Evenepoel après l’arrivée : « Je n’étais pas bien positionné. Hier, nous avions reconnu la finale et nous avions constaté qu’elle n’était pas la plus facile. J’ai même eu un peu peur dans les quatre ou cinq derniers kilomètres. Je voulais passer dans le petit virage, mais ma roue arrière a glissé. Vous comprenez alors que votre pneu est en train de se dégonfler. Heureusement, la règle des trois kilomètres m’a sauvé. »

Il est vrai que le coureur de Quick-Step n’était pas bien positionné. Sur la vidéo de la course, on voit clairement qu’il a perdu la roue de ses coéquipiers entre les kilomètres sept et cinq avant l’arrivée. À cinq kilomètres de l’arrivée, on le voit prendre un virage à droite où il n’apparait plus qu’en 40e ou 50e position du peloton.

A 5 kilomètres de l’arrivée, Evenepoel n’est déjà plus qu’en 40e ou 50e position du peloton.

Même dans les prises de vue ultérieures prises depuis l’hélicoptère, jusqu’à la ligne des trois derniers kilomètres, on ne voit plus du tout Evenepoel.

C’est possible qu’en ayant eu « un peu peur », comme lors de l’étape de Laguardia, où Primoz Roglic s’était imposé, que le citoyen de Scheepdal n’ait pas pris tous les risques et ait perdu la roue de ses coéquipiers. Même s’il n’avait pas perdu autant de place lors de cette fameuse étape puisqu’il avait finalement terminé à la huitième place.

Evenepoel parle d’un pneu dégonflé dans son interview. Une explication plausible, car Quick-Step roule avec des pneus tubeless. Avec ceux-ci, un cycliste ne peut pas tomber complètement à plat car un produit d’étanchéité spécial bouche le trou dans le pneu. Par conséquent, le pneu perd très lentement sa pression, ce qui permet au coureur de continuer sa route pendant un certain nombre de kilomètres.

Est-il possible que cette crevaison ait commencé avant même le virage des trois derniers kilomètres (et qu’elle explique aussi le fait qu’il ait perdu sa place derrière ses équipiers) ? Ne l’a-t-il remarqué que lorsque la pente est remontée, comme il l’a dit ? C’est une explication qui tient la route, sans mauvais jeu de mots.

Mais il aurait aussi pu ressentir ce dégonflement avant la zone des trois kilomètres, et tenter de continuer jusque là. C’est ce que tout coureur intelligent ferait, ce qu’un directeur sportif intelligent lui dirait de faire. C’est ce qui s’est certainement produit. Evenepoel a même grimpé la partie la plus raide de la petite bosse avant de s’arrêter à deux kilomètres et demi de la ligne d’arrivée.

Est-il aussi possible qu’Evenepoel n’ait pas eu de pneu dégonflé et que, parce qu’il était mal placé et peut-être moins bien, il ait joué la comédie pour éviter de gaspiller des forces et de perdre plus de temps ? Cela aurait pu être le cas, même si cette théorie semble très tiré par les cheveux, malgré toutes les polémiques qui ont fleuries sur les réseaux sociaux.

La séquence vidéo enregistrée ci-dessous réfute en tout cas cette théorie. Elle confirme plutôt les propos d’Evenepoel sur son pneu dégonflé. On peut voir que son pneu arrière ne semble pas être complètement à plat, mais qu’il a manifestement perdu de la pression.

https://twitter.com/fconavser/status/1567178937683296260?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1567178937683296260%7Ctwgr%5E178c573c2a6d54d5644c8ecf7e773c78a7977f79%7Ctwcon%5Es1_&ref_url=https%3A%2F%2Fsportmagazine.knack.be%2Fwielrennen%2Fwaarom-remco-evenepoel-zijn-lekke-band-niet-heeft-gefaket%2F

Pourquoi toute cette polémique ?

Parce que nous vivons à l’ère des réseaux sociaux, où chaque incident est excessivement exposé, et où le « coupable » est immédiatement cloué au pilori. En l’occurrence ici, Evenepoel pour une prétendue fausse crevaison.

Malheureusement, la règle actuelle de l’UCI des trois kilomètres laisse aussi la porte ouverte à ce type de polémique. Et certainement, dans le cas où un coureur simulerait cet incident mécanique. Tout comme elle permet à un coureur qui aurait une vraie crevaison à 3,8 km de l’arrivée de continuer jusqu’après la ligne des trois derniers kilomètres et de s’en sortir ensuite à moindre frais.

Le jury de l’UCI pourrait contrôler le vélo incriminé par la suite, mais on pourrait aussi facilement contourner le problème. Par exemple, en demandant à un mécanicien de crever rapidement le pneu, à l’abri des regards des membres du jury.

La Solution la plus simple ? Faire en sorte que la règle des trois kilomètres ne s’applique qu’aux accidents, et non aux défaillances mécaniques. Ce serait malheureux pour les (vrais) malchanceux, mais une crevaison l’est tout autant pour un coureur contraint de mettre pied à terre à 3,5 km de l’arrivée (et qui dans ce cas perdra du temps). Cette règle laisse trop de place à l’interprétation et à d’éventuelle tricheries.

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