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Paul Deman, l’espion de la première guerre mondiale qui a remporté le premier Tour de Flandres de l’histoire

Jacques Sys Jacques Sys, rédacteur en chef de Sport/Foot Magazine.

Avant de faire passer des messages codés aux Alliés qu’il dissimulait dans sa dent en or, Paul Deman avait remporté quelques mois plus tôt le premier Tour des Flandres de l’histoire, bien aidé par un étang.

C’est l’illustre Karel Van Wijnendaele qui, avec son journal Sportwereld, a organisé pour la première fois le Tour des Flandres. Ce n’était pas la première classique cycliste belge du calendrier. Liège-Bastogne-Liège n’est pas surnommée la Doyenne pour rien puisqu’elle fut lancée en 1892. Un an plus tard, c’était Paris-Bruxelles qui voyait le jour.

Mais le Tour des Flandres a permis le renouveau du cyclisme. Cyrille Van Hauwaert va en devenir l’une des pièces maîtresses en étant considéré comme le modèle de la lutte pour l’indépendance de la Flandre. Van Hauwaert est considéré comme le premier Flandrien, mais étrangement, il n’a jamais remporté le Tour des Flandres.

Un étang dans le vélodrome

La première édition du Ronde était longue de 370 km. Sur les 37 participants au départ, seuls 16 ont atteint la ligne d’arrivée. C’est Paul Deman, originaire de Flandre-Occidentale qui a brandi le bouquet du vainqueur après une finale mouvementée. Six coureurs sont entrés sur la piste de Mariakerke. Deux d’entre eux étaient tellement enthouasiastes à l’idée de l’emporter qu’ils ont raté le virage et sont tombés dans l’étang autour duquel était tracé le vélodroùe. Dans le chaos qui a suivi, Paul Deman, 25 ans, s’est imposé facilement. Il prolongera cette belle campagne auprès des supporters en s’imposant aussi sur Bruxelles-Liège et le Tour de Belgique. Une année plus tard, il remportera une autre course devenue légendaire, Bordeaux-Paris.

L’espion de Rekkem

Un an plus tard, la première guerre mondiale éclate. Deman y échappe à la mort deux fois. Il a décidé de mettre ses talents de cycliste au service de la paix. Sur sa bicyclette, il enfile son maillot d’espion transmet des messages secrets codés dans une dent en or aux Alliés qui se trouvent juste de l’autre côté de la frontière néerlandaise.

Lors de sa quinzième traversée, un mois et demi avant l’Armistice, il est arrêté par les troupes allemandes et enfermé dans la prison de Louvain. Une vie au pain sec et à l’eau avant une condamnation à mort. Il ne sera finalement pas fusillé car le camp où il était détenu a été libéré par les Alliés le jour de son exécution.

Paul Deman a cependant dû attendre encore un peu avant d’être libéré. Comme il se trouvait dans le couloir de la mort et qu’il parlait avec un fort accent de Flandre-Occidentale, les libérateurs le prennent d’abord pour un Allemand et veulent l’exécuter. Une lettre venue de Bruxelles a été envoyée pour disculper le malheureux qui sera finalement épargné.

Places d’honneur

Paul Deman a été décoré pour ses activités d’espionnage et a pu poursuivre sa carrière cycliste après cette pause de quatre ans. Il était censé remporter une deuxième victoire sur le Tour des Flandres en 1924, mais en entrant sur la piste de Gentbrugge, il a chuté et n’a terminé qu’à la quatrième position.

Sur le vélo, Deman se distinguait par son agilité et son style. Après sa carrière, il s’est installé à Outrijve où il a dirigé un commerce de vélos. À un moment donné, il employait douze personnes. C’est dans cette localité qu’il s’est éteint alors qu’il était le voisin d’un jeune cycliste qui allait aussi s’illustrer sur une autre grande course pavée. Il s’agit de Marc Demeyer qui allait remporter Paris-Roubaix en 1976.

Cent ans après cette première victoire de Paul Deman dans le Tour des Flandres, un hommage lui a été rendu puisque son village natal de Rekkem est devenu le Village du Ronde.

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