Jasper Philipsen dans les bras de Mathieu van der Poel, le grand artisan de sa victoire à Sanremo. © PRESSE SPORTS

Milan-Sanremo: comment sept coups d’oeil de Van der Poel ont fait gagner Philipsen (analyse)

Jasper Philipsen a remporté Milan-Sanremo grâce à ses super jambes, son instinct de tueur et un travail d’équipe magistral, avec Mathieu van der Poel en vedette. Comment les pièces du puzzle se sont parfaitement assemblées à cinq moments cruciaux : une reconstruction.

«Jasper a un rôle libre. Il doit essayer de survivre le mieux possible au Poggio. S’il y parvient, nous discuterons certainement après la descente pour déterminer quelle carte nous tirerons.» Ce que Mathieu van der Poel avait annoncé, lui et son coéquipier et ami l’ont exécuté de manière exemplaire dans la finale mouvementée de la Primavera. Cette communication, cette honnêteté et cette confiance mutuelle se sont avérées essentielles pour passer du plan A (Van der Poel attaquant sur le Poggio) au plan B (sprinter avec Philipsen). Un luxe qu’aucune autre équipe n’a eu.

Ainsi, après la victoire de Van der Poel l’année dernière, Alpecin-Deceuninck a remporté Milan-Sanremo pour la deuxième fois consécutive avec deux coureurs différents. Il faut remonter à 1970 et 1971, lorsque Molteni a triomphé avec Michele Dancelli et Eddy Merckx, pour trouver un tel doublé. Le résultat non seulement d’un duo entre Philipsen et Van der Poel, mais aussi d’un travail d’équipe exemplaire.

Une reconstitution en cinq actes.

1. L’approche et l’ascension de la Cipressa

Lorsqu’une échappée de 11 hommes s’est élancée au début de la course, Alpecin-Deceuninck a fait appel à Silvan Dillier pour garder le contrôle de l’avance pendant plus de 200 kilomètres. Aidé par Jacopo Mosca de Lidl-Trek et plus tard par son coéquipier Xandro Meurisse, le Suisse a fait du bon travail. Les autres coéquipiers maintiennent Van der Poel et Philipsen à l’avant lorsque le peloton s’approche des trois Capi dans le final. Bien que l’équipe UAE Team Emirates, sous la conduite de Tadej Pogacar, soit déjà en train de pousser la vitesse à cet endroit, Philipsen signale à ses coéquipiers, via son oreillette, qu’il a de superbes jambes.

Avant la Cipressa, il est maintenu à l’avant par son coéquipier Gianni Vermeersch. Dans la roue de Mathieu van der Poel, ils abordent la montée en treizième ou quatorzième position. Bien mieux que UAE Team Emirates qui, faute de rouleur dans la sélection, démarre la Cipressa en ordre de bataille dispersé. Une erreur prévue par Alpecin-Deceuninck, racontera Van der Poel après l’arrivée.

Il faut donc attendre une minute avant que Domen Novak et Isaac del Toro, âgé de 20 ans, ne parviennent à accélérer le rythme. Van der Poel se maintient à l’avant, Philipsen a un moment difficile et tombe en 20ème position. Il fait également savoir à Van der Poel qu’il ne faut surtout pas rouler à l’avant maintenant. Mais le jeune Del Toro s’éteint finalement et le peloton s’effondre comme un accordéon un kilomètre avant le sommet de la Cipressa. Cela permet à Philipsen de rejoindre la roue de Van der Poel.

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Avec une nouvelle accélération de l’équipe UAE Team Emirates, cette fois par Tim Wellens, le Limbourgeois disparaît à nouveau, tandis que Soren Kragh Andersen maintient le leader Van der Poel dans le top 5. Les deux hommes ont donc franchi le sommet de la Cipressa, Philipsen se retrouvant en 25e-30e position. Son coéquipier Axel Laurance a pu s’accrocher et suit un peu plus loin.

2) Replacer Philipsen en route vers le Poggio

Après la descente de la Cipressa, où Van der Poel a réagi attentivement à une accélération de Lidl-Trek, l’Italien Davide Bais attaque à un moment où le peloton est momentanément à l’arrêt. Lorsque Marc Hirshi rejoint Pogacar à l’avant, Laurance, Kragh Andersen, Van der Poel et Philipsen restent bien ensemble pendant des kilomètres.

Laurance a pour mission de rouler entre la Cipressa et le Poggio. L’objectif : maintenir ses deux leaders devant jusqu’au pied de la pente finale. «Pour moi, il est primordial de pouvoir arriver dans les cinq à dix premiers. Vingtième, c’est trop loin, alors je m’accroche au porte-bagages. Je ne suis pas Mathieu van der Poel qui peut encore remonter à ce moment-là», disait Jasper Philipsen avant la course.

Deux kilomètres avant le Poggio, Laurance reçoit un soutien supplémentaire de la part de Gianni Vermeersch, qui a été lâché sur la Cipressa mais qui est revenu avec un groupe. Vermeersch se donne à fond pendant encore quelques centaines de mètres, jusqu’à un demi-kilomètre du pied, puis se retire. Laurance lance alors un dernier sprint, jusqu’à 200 mètres avant le Poggio, avec Van der Poel et Philipsen dans sa roue. Cela leur permet de se présenter en huitième et neuvième position, parfaitement en place.

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3) La montée du Poggio

Dans les premières centaines de mètres du Poggio, Philipsen reste dans la roue de Van der Poel. A 2,5 kilomètres du sommet, Tim Wellens accélère, avec le leader Pogacar dans son sillage. Philipsen doit lâcher la roue de Van der Poel, mais tient bon en onzième position.

Un kilomètre avant le sommet, Tadej Pogacar lance l’attaque attendue. Van der Poel contre-attaque, avec Alberto Bettiol et Filippo Ganna dans sa roue. 600 mètres plus loin, Pogacar ralentit. Il fait signe au Néerlandais de prendre le relais. Mais le champion du monde ralentit et regarde en arrière: où est mon coéquipier?

Cela permet à Mads Pedersen, Michael Matthews, Tom Pidcock, Jasper Stuyven et Matteo Sobrero de revenir, et un peu plus tard à Julian Alaphilippe, Maxim Van Gils et Jasper Philipsen. Un moment crucial, où le sprinter belge peut souffler un peu.

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Jasper Stuyven passe en tête, mais Pogacar accélère à nouveau. Van der Poel réagit un peu trop tard, puis contre-attaque lui-même. A ce moment-là, Pogacar a déjà pris 20 mètres. Van der Poel doit encore doubler cinq coureurs, mais il parvient à se placer dans la roue du Slovène dans les 300 derniers mètres du Poggio. Il était à la limite, admet-il après coup. L’accélération magique de l’année dernière n’est pas dans ses jambes cette fois-ci.

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Le champion du monde se met donc dans le sillage de Pogacar au sommet du Poggio. Mais deux secondes plus tard, Ganna, Bettiol, Pedersen, Matthews, Pidcock et Philipsen suivent. Le Belge est en huitième position. Ce dernier a bien résisté dans le final, malgré le nouveau temps record établi sur le Poggio (5 minutes et 38 secondes, par Pogacar et Van der Poel).

4) Les coups d’oeil vers Philipsen dans la descente

Van der Poel reste dans la roue de Pogacar dans la descente, avec les mains continuellement en haut du guidon, sur les leviers de frein. Il ne va certainement pas à toute vitesse. Après 400 mètres déjà, il regarde une deuxième fois derrière lui: Philipsen est toujours en huitième position, juste un peu plus loin. Un peu plus tard, Filippo Ganna chute à cause d’un problème de chaîne. Celui qui représente un grand danger pour Van der Poel et Philipsen grâce à sa puissance sur une attaque proche de l’arrivée est ainsi éliminé.

Entre-temps, le Limbourgeois a demandé dans l’oreillette à Van der Poel de se calmer dans la descente. Le champion du monde obéit et se retourne encore quatre fois dans les kilomètres qui suivent, car Philipsen n’est pas encore complètement connecté au groupe.

Quelques centaines de mètres avant la fin de la descente, Van der Poel se porte donc à l’avant, pour temporiser. Matej Mohoric en profite pour attaquer. Le Néerlandais voit l’accélération du Slovène, regarde à nouveau derrière lui et lorsqu’il constate que Philipsen a comblé le dernier écart, il se lance à la poursuite de Mohoric.

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Van der Poel limite délibérément l’écart avec le Slovène à cinquante mètres, sans rouler directement sur lui pour décourager le risque de contre-attaques. À 1,6 kilomètre de l’arrivée, le Néerlandais arrête de pédaler et se retourne une septième fois: où est Jasper ? Idéalement placé, en sixième position.

Un peu plus loin, Mohoric est rattrapé. A ce moment-là, à 1,1 kilomètre de l’arrivée, Sobrero accélère. Pidcock s’élance à sa poursuite. Van der Poel n’hésite pas une seconde – ce qui est crucial dans un tel moment – et se faufile en tête du groupe. Pendant 51 secondes, jusqu’à 300 mètres de l’arrivée, il pédale jusqu’au bout de ses jambes.

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5) Le sprint de Philipsen sur la Via Roma

Jasper Stuyven, avec son coéquipier Mads Pedersen dans sa roue, a ensuite comblé le dernier petit écart sur Sobrero et Pidcock et a lancé le sprint sur la Via Roma. A 200 mètres de l’arrivée, Matthews s’élance sur le côté gauche de la route, avec Philipsen dans sa roue. Pedersen prend le côté droit, entourant Pidcock qui a calé.

Matthews dévie de sa ligne, mais laisse un petit espace entre lui et les barrières de la foule. Philipsen se faufile sans crainte entre les deux, comme il sait si bien le faire. Pendant ce temps, les lunettes de soleil de l’Australien tombent de son nez en plein sprint. Matthews manque un coup de pédale, ce qui permet au Belge de le remonter dans les 50 derniers mètres. «Ce n’est certainement pas mon meilleur sprint, c’est plutôt du niveau amateur si l’on en croit ma puissance», a déclaré Philipsen à l’issue de la course.

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Le meilleur, cependant, a été son jump final vers la ligne d’arrivée: jambes complètement tendues, la croupe derrière la selle pour catapulter le vélo vers l’avant autant que possible. Matthews le fait moins bien, avec les jambes pliées et moins loin derrière la selle.

Après l’arrivée, il y a un moment de doute, mais il est vite dissipé: Philipsen remporte son premier monument. Ses amis Matthews et Pogacar le félicitent immédiatement, son coéquipier Van der Poel le serre deux fois dans ses bras. Dès la première accélération de Pogacar sur le Poggio, il n’a eu d’yeux que pour Philipsen et a activé le plan B, s’assurant que Jasper puisse sprinter pour la victoire.

Le Limbourgeois a eu le mérite de ne pas perdre pied dans le Poggio et de terminer le travail au sprint, mais sans le travail exemplaire de Gianni Vermeersch et de ses coéquipiers ainsi que l’aide du champion du monde, il n’en aurait jamais eu l’occasion.

Si Visma – Lease a Bike a pour devise « Gagner ensemble », Alpecin-Deceuninck a également adopté cette philosophie. Grâce à deux leaders qui aiment donner et recevoir. Comme le dit Christof Roodhooft, directeur de l’équipe : «Mathieu et Jasper comprennent ce qu’est la vie. Ce qui est important dans la vie et ce qui ne l’est pas.» Reste à savoir s’ils seront également coéquipiers l’année prochaine, car Philipsen est en fin de contrat et peut compter sur beaucoup d’intérêt. En tout cas, Van der Poel lui a donné une raison supplémentaire de rester.

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Cela lui vaut beaucoup de sympathie, en tant que champion du monde altruiste. De son côté, la victoire de Philipsen lui permet d’entrer dans l’histoire du cyclisme belge, en tant que quatrième compatriote à remporter le maillot vert du Tour et Milan-Sanremo, après Rik Van Looy, Eddy Merckx et Wout van Aert. Elle est surtout la confirmation définitive qu’à 26 ans, il est bien plus qu’un simple sprinter.

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