Merlier contre Philipsen: le championnat de Belgique sera-t-il un championnat du monde du sprint?
Avec Tim Merlier et Jasper Philipsen, les deux rois du sprint cette saison sont des Belges. Leur duel annoncé à Zottegem sera un grand rendez-vous de l’année.
Les deux hommes ne sont pas du genre à dégainer face aux micros, mais l’entente est loin d’être cordiale pour autant. Alors que les championnats de Belgique 2022 se disputent à Middelkerke, sur un parcours taillé pour les hommes les plus rapides du peloton et en l’absence du tenant du titre Wout van Aert, les principaux favoris font partie de la même équipe. Les maillots bleu marine d’Alpecin peuvent effectivement compter sur Tim Merlier, champion national en 2019, vainqueur en 2021 d’un sprint massif sur le Giro et d’un autre sur le Tour de France. L’homme serait sans doute le favori incontesté s’il n’était pas en instance de départ vers le rival belge Quick-Step, ainsi qu’en recherche de sensations après trois mois sans victoire. Chez Alpecin, on semble donc avoir décidé de miser sur un autre sprinter: le plus jeune Jasper Philipsen, déjà trois étapes de la Vuelta sur le CV et désigné pour être le récolteur de bouquets sur les routes du Tour de France quelques jours après la course à la tunique tricolore.
L’Anversois débarque à la Côte avec la pancarte du favori. Il n’a pas caché ses ambitions quelques jours plus tôt, quand il a dominé la concurrence sur la désormais traditionnelle arrivée massive à Knokke dans le cadre du Tour de Belgique. Alors, quand il se cale dans la roue de Tim Merlier à l’approche de la ligne d’arrivée à Middelkerke, Philipsen semble prêt à régler une bonne fois pour toutes la hiérarchie du sprint national. Bien lancé, plus puissant, son aîné résiste, et s’offre son deuxième titre de champion de Belgique. Jasper n’est même que troisième, devant laisser la médaille d’argent à l’imprévisible Jordi Meeus dans un emballage final qui, avec le recul, a presque l’allure d’un championnat du monde des sprinters tant le niveau belge est reparti à la hausse ces dernières années.
Le maillot au bout de la dernière ligne droite est un témoin de la suprématie des sprinters à domicile.
Deux ans ont passé. Les maillots sont désormais différents, et la hiérarchie également. Avec 19 bouquets récoltés en 2023, dont quatre lors d’un Tour de France conclu avec le maillot vert sur les épaules, Jasper Philipsen s’est installé au sommet de la hiérarchie mondiale du sprint. Sur la ligne d’arrivée tracée à Zottegem, il a la faveur des pronostics pour se parer de noir-jaune-rouge pour les douze mois à venir. Pourtant, Tim Merlier est toujours là. En difficulté l’an dernier, il a déjà franchi la barre des dix victoires au terme du Tour d’Italie cette saison, levant notamment les bras à trois reprises sur le Giro. A Knokke, lors de ce fameux rendez-vous que se fixent les flèches du peloton sur le Tour de Belgique, c’est lui qui a pris le meilleur sur Jasper Philipsen et le Néerlandais Olav Kooij. De quoi rebattre les cartes après un début de printemps qui avait consacré son cadet, premier véritable sprinter à s’adjuger le premier monument de la saison, Milan-Sanremo, depuis Arnaud Démare en 2016.
Quel que soit le véritable favori, le duel annoncé à Zottegem concernera ceux qui sont unanimement considérés comme les deux meilleurs sprinters du monde cette saison.
Le temps de la cohabitation
Sur les routes bretonnes du Tour de France 2021, pourtant, lors d’une troisième étape qui reliait Lorient à Pontivy et alors que leur coéquipier Mathieu van der Poel portait le maillot jaune suite à sa démonstration de la veille sur les pourcentages de Mûr-de-Bretagne, les deux hommes avaient fait cause commune. Philipsen avait servi de poisson-pilote à Merlier, terminant même l’étape dans le sillage de son leader pour un doublé plutôt rare dans ce genre d’exercice. Lors des jours suivants, et pour que la cohabitation reste saine entre les deux rois de la vitesse, les consignes de l’équipe Alpecin étaient de rendre la pareille au plus jeune des deux sprinters, en vain. Un Mark Cavendish survolté, vainqueur de quatre étapes, condamnera les espoirs de Philipsen.
L’année suivante, il n’est déjà plus question de cohabitation. Les calendriers sont séparés, et les deux hommes ne partagent que trois jours de course, dont les championnats de Belgique remportés par Tim Merlier. L’avantage est clairement donné à Philipsen, aligné sur les routes du Tour de France où il lèvera les bras à deux reprises tandis que Merlier, en fin de contrat, devra se contenter du moins prestigieux Tour d’Espagne, qu’il quittera d’ailleurs sans la moindre étape gagnée.
2022 se conclut par le départ de Merlier, qui rejoint l’équipe d’un Patrick Lefevere en quête d’une nouvelle tête d’affiche du sprint. Une libération, après cette cohabitation qui avait fait grincer des dents lors des deux saisons communes chez Alpecin? Pas vraiment aux yeux de Philipsen. «Ce n’est pas comme si la présence de Tim Merlier avait changé quoi que ce soit à ma forme ou aux opportunités que j’ai eues au sein de l’équipe, commente l’Anversois au magazine Rouleur. Je pouvais faire à peu près toutes les courses que je voulais faire, donc ça ne fait pas une grande différence.»
Un duel très serré
Cela fait donc seulement une saison et demie que la cohabitation forcée a viré au duel. Sans qu’il se déroule sur les routes du Tour de France, où Patrick Lefevere avait opté pour le Batave Fabio Jakobsen l’an dernier avant de concentrer toutes les forces de l’équipe autour de Remco Evenepoel pour l’édition 2024.
Il faut d’ailleurs attendre la fin du mois d’août 2023 pour un premier duel réglé au sprint massif entre les deux ténors belges de la dernière ligne droite. Au Renewi Tour (anciennement Tour du Benelux) où se trouvent aussi Kooij, son compatriote Dylan Groenewegen ou le jeune wallon Arnaud De Lie, c’est Philipsen qui remporte le premier face-à-face entre anciens coéquipiers. Il devance encore Merlier deux jours plus tard, mais finit seulement troisième derrière Kooij et le véloce Australien Sam Welsford.
Le deuxième round attend l’année 2024, et la deuxième étape de Tirreno-Adriatico. Là encore, c’est Philipsen qui conclut en tête le doublé belge, créant le début d’une tendance qui va pourtant s’inverser dans les semaines suivantes. Si Jasper Philipsen est le vainqueur moral du printemps des sprinters grâce à sa victoire sur Milan-Sanremo et sa deuxième place sur le Vélodrome de Roubaix dans le sillage de son coéquipier Mathieu van der Poel, Merlier sort lauréat du duel sur les semi-classiques belges: battu par Philipsen dans un sprint houleux sur la classique Bruges-La Panne, Merlier avait devancé son ancien équipier en anticipant de loin dans le très spécifique sprint final de la Nokere Koerse (en légère montée et pavée). Surtout, il a pris le meilleur sur son cadet lors du Grand Prix de l’Escaut, rendez-vous belge des sprinters lors du printemps des classiques. Le nouveau succès de Merlier à Knokke, à l’approche des championnats de Belgique, a remis les compteurs à égalité dans le duel des deux dernières saisons. Certes, Philipsen a pris le dessus aux yeux de la planète en ajoutant un maillot vert et un monument à son palmarès, mais ces deux accomplissements ont eu lieu en l’absence de son ancien coéquipier.
Sprinter pour se distinguer
Les sprints les plus marquants sont ceux dont l’enjeu est majuscule. Il y a bien sûr les arrivées mythiques, comme les Champs-Elysées au bout du Tour de France ou la Via Roma qui clôt Milan-Sanremo. Et puis, il y a les victoires qui valent des maillots. Derniers sprinters à avoir porté l’arc-en-ciel de champion du monde au terme d’une arrivée massive, Mario Cipollini, Tom Boonen et Mark Cavendish ne sont pas par hasard considérés comme les trois sprinters les plus marquants du siècle. Sevrés de circuits à leur mesure depuis plusieurs saisons lors des Mondiaux, les sprinters peuvent souvent se rattraper sur leur championnat national, là où le maillot distinctif qui attend au bout de la dernière ligne droite est un témoin de leur suprématie à domicile.
Le pays du cyclisme compte à nouveau autant de bons finisseurs qu’à la grande époque.
En Belgique, bien plus que partout ailleurs, cette domination nationale doit aller se chercher à toute vitesse. Parce qu’en plus de Jasper Philipsen et Tim Merlier, et sans même évoquer un Wout van Aert poursuivi par la poisse cette saison, le pays du cyclisme compte à nouveau autant de bons finisseurs qu’à la grande époque. Arnaud De Lie, Jordi Meeus (vainqueur inattendu l’an dernier sur les Champs-Elysées) ou même Milan Menten et Gerben Thijssen peuvent aussi faire parler leur pointe de vitesse dans la dernière ligne droite à Zottegem.
Tous ceux-là sont toutefois prévenus: pour devenir champion de Belgique au bout d’un sprint massif ce dimanche, il faudra battre les deux meilleurs sprinters du monde.
- Wout van Aert
- Alpecin
- Tim Merlier
- Tour de France
- Quick-Step
- Jasper Philipsen
- Tour de Belgique
- Jordi Meeus
- Tour d’Italie
- Olav Kooij
- Milan-Sanremo
- Arnaud Démare
- Mathieu van der Poel
- Mark Cavendish
- Tour d’Espagne
- Patrick Lefevere
- Rouleur
- Fabio Jakobsen
- Remco Evenepoel
- Dylan Groenewegen
- Arnaud De Lie
- Sam Welsford
- Tirreno-Adriatico
- Nokere Koerse
- Grand Prix de l’Escaut
- Mario Cipollini
- Tom Boonen
- Milan Menten
- Gerben Thijssen
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici