Les moments de la saison cycliste 2022: la grimace de Mas

Quatre de nos journalistes ont choisi un moment qui les a particulièrement frappés cette année. Première partie: l’ascension du Pico Jano à la Vuelta.

«Mira cómo está sufriendo Enric Mas en la rueda de Remco Evenepoel!» Les images confirment les paroles du commentateur de la télévision espagnole. Un seul coureur parvient à suivre le rythme imposé par RemcoEvenepoel, mais le visage d’Enric Mas trahit sa souffrance dans la roue de son ancien équipier. Carlos de Andrés et son consultant, l’ancien vainqueur du Tour Pedro Delgado, ont du mal à prononcer le nom d’Evenepoel, mais ils ont visiblement beaucoup de respect pour sa prestation.

Le visage d’Enric Mas trahit sa souffrance dans la roue de Remco Evenepoel.

Nous sommes le 25 août, jour de la première arrivée au sommet de la Vuelta. Au départ de l’Estadio de San Mamés de Bilbao, le stade de football de l’Athletic Club, des milliers de fans de cyclisme tentent d’approcher les coureurs. Pour Christian Prudhomme, ce n’est qu’un avant-goût de ce qui attend le peloton du Tour, dont le Grand Départ sera donné au Pays Basque, l’an prochain.

À midi, le thermomètre affiche 25 degrés, mais les nuages et le parcours qui les attend donnent des frissons à certains coureurs. L’arrivée sera jugée 181 km plus loin, à San Miguel de Aguayo, à 4.000 mètres d’altitude. Le peloton va quitter la plus grande ville basque (près de 350.000 habitants) pour un village de 147 habitants au sommet du brumeux Pico Jano, où il pleut des cordes.

Sur la route de cet énième col inconnu de la Vuelta, dix coureurs s’échappent. Lorsque les amateurs belge de cyclisme allument leur téléviseur, Jan Bakelants porte virtuellement le maillot rouge. Pas pour longtemps car, malgré la présence de Fausto Masnada dans le groupe de tête, l’équipe Quick-Step Alpha Vinyl mène la chasse. La victoire d’étape n’intéresse pas le Wolfpack, qui voit plus loin.

Malgré ses lunettes de soleil couvertes de pluie, on voit que Remco Evenepoel a le regard clair. Au Pico Jano, il se débarrasse de ses lunettes. À huit kilomètres de l’arrivée, il se porte en tête du groupe des meilleurs et décroche ses adversaires les uns après les autres. «J’aurais voulu gagner en solitaire, mais Enric est resté dans ma roue», dit Evenepoel après l’arrivée. «Quand on voit son sprint, on comprend qu’il était cuit.» Et pas seulement son sprint. Je n’oublierai jamais la grimace de l’homme complètement épuisé qui s’est accroché jusqu’au bout dans le sillage d’Evenepoel.

Enric Mas grimaçant dans la roue de Remco Evenepoel. (Photo by Justin Setterfield/Getty Images) © belga

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