Les grandes rivalités du cyclisme espagnol: Miguel Indurain contre Pedro Delgado et Alejandro Valverde contre Joaquin Rodriguez

Nicolas Bogaerts Journaliste

Enric Mas, Juan Ayuso et Carlos Rodriguez sont les trois Espagnols désormais à la poursuite de Remco Evenepoel. Dans la péninsule, les rivalités ont toujours été légion au cours de l’histoire, surtout dans un pays marqué par les divisions aussi bien régionales qu’entre équipes. Retour sur deux d’entre-elles : celle des années 90 entre Miguel Indurain et Pedro Delgado et celle qui a marqué le début des années 2010 entre Alejandro Valverde et Joaquin Rodriguez.

Indurain vs Delgado

À la fin des années 80, Pedro Delgado est une valeur sûre du cyclisme international. Au même moment, Miguel Indurain se montre de plus en plus et passe pour le nouveau comingman du cyclisme espagnol. Perico a déjà remporté un Tour de France et deux éditions du Tour d’Espagne, ce qui le rend intouchable dans son pays. Il fait pour ainsi dire partie du patrimoine espagnol, il est extrêmement populaire et toujours disponible pour tout le monde. Dès qu’il apparaît quelque part, il déclenche des mouvements de foule. Les gens essaient de lui arracher un sourire, se battent pour décrocher un autographe, lui posent des questions. Delgado utilise cette popularité comme un chef. Il a du charisme, il sourit en toutes circonstances et il ne refuse jamais une interview. Lorsqu’il remporte le Tour d’Espagne en 1985, il reste à la disposition des médias, dans son hôtel, jusqu’à deux heures du matin. Son succès au Tour de France 1988 est contesté parce qu’il est soupçonné d’avoir utilisé un produit qui masque la prise d’anabolisants. Mais après de longues tractations, il a finalement sauvé sa peau. Le produit qu’on lui reprochait d’avoir utilisé n’était pas (encore) sur la liste des produits interdits de l’Union Cycliste Internationale. L’année suivante, il se fait à nouveau remarquer au Tour de France en se présentant avec près de trois minutes de retard sur la ligne de départ du prologue à Luxembourg.

Considéré comme le successeur d'Indurain, Olano n'a jamais pu égaler son aîné, mais a tout de même remporté une Vuelta.
Considéré comme le successeur d’Indurain, Olano n’a jamais pu égaler son aîné, mais a tout de même remporté une Vuelta.© PHOTO GETTY IMAGES

Dans l’équipe de José Miguel Echavarri, on prépare Miguel Indurain pour qu’il devienne le successeur de Pedro Delgado. Comme le directeur sportif, Indurain est originaire de Pampelune, en Navarre. Et donc, dès le début, il s’est retrouvé dans les petits papiers du patron. Déjà chez les jeunes, l’introverti Indurain se faisait remarquer par le tempo incroyable qu’il était capable de tenir. Au contraire de son aîné, il n’a pas le physique d’un pur grimpeur. Pour qu’il apprenne le métier, on lui demande, à ses débuts professionnels, d’être le coéquipier de luxe de Delgado. Mais très vite, les rôles s’inversent dans l’équipe entre-temps devenue Banesto. Toutefois, le grand Indurain doit d’abord perdre quelques kilos pour pouvoir rivaliser avec les meilleurs dans la haute montagne. Sur le contre-la-montre, par contre, il ne doit rien faire, il sera toujours capable de surclasser la concurrence.

Lors des quatre dernières années de sa carrière, Pedro Delgado joue dans l’ombre de Miguel Indurain, quintuple vainqueur du Tour. Contraint et forcé.

Dans le Tour de France 1990, la relève de la garde chez Banesto semble se confirmer. Sur la plupart des étapes de montagne, le très disert Delgado, originaire de Castille, ne parvient pas à suivre le très taiseux Indurain. Mais celui-ci reste parfaitement loyal et il attend chaque fois son leader. Ce n’est que sur la route menant à Luz Ardiden que Big Mig est autorisé à lâcher les chevaux. Il décroche une magnifique victoire. Lors des quatre dernières années de sa carrière, Delgado joue dans l’ombre du quintuple vainqueur du Tour. À son tour, il est contraint, contre son gré, d’endosser un costume d’équipier de luxe. Sur un plan purement sportif, Delgado a fait beaucoup moins bien que son cadet. Mais sa popularité en Espagne est restée intacte. Le jour où il a remisé son vélo, le journal El Pais lui a rendu un vibrant hommage: « Pedro Delgado a été le plus grand de son époque parce qu’il était un coureur fantastique mais encore plus parce qu’il a incarné le cyclisme espagnol. » Une pique pour le peu charismatique et glacial Miguel Indurain, qui passait aussi pour un calculateur. Ici aussi, la rivalité a joué entre la « véritable » Espagne et la Navarre, proche du Pays Basque. De plus, en renonçant plusieurs fois à prendre le départ de la Vuelta à sa meilleure période, Indurain a encore perdu des points au classement de la popularité.

Valverde vs Rodriguez

La plus grande rivalité récente dans le cyclisme espagnol a opposé Alejandro Valverde à Joaquim Rodríguez. Elle a été parfaitement illustrée lors des championnats du monde 2013 à Florence et lors du Tour d’Espagne 2015.

La course au maillot arc-en-ciel se déroule sous une pluie battante et est dominée par un groupe de costauds dans lequel on retrouve notamment Valverde, Rodríguez, le Portugais Rui Costa et l’Italien Vincenzo Nibali. Des favoris comme Peter Sagan, Fabian Cancellara et le tenant du titre Philippe Gilbert sont éliminés. Après plusieurs attaques, Rodríguez parvient à distancer les autres échappés et la victoire lui semble promise. Mais au lieu de protéger son coéquipier en prenant la roue de Rui Costa, son acolyte chez Movistar, Valverde le laisse partir seul à la poursuite de Rodríguez. Et l’impensable survient: le Portugais revient sur l’Espagnol et le règle au sprint. Sur le podium, Purito pleure toutes les larmes de son corps. Médaillé de bronze, Valverde regarde droit devant lui, stoïque.

Alejandro Valverde vs Joaquim Rodríguez: la dernière grande rivalité entre Espagnols.
Alejandro Valverde opposé à Purito Rodriguez sur la Vuelta.

Ça chauffe à nouveau entre les deux hommes lors de la dernière étape du Tour d’Espagne en 2015. Un combat entre le Catalan Rodríguez et Valverde, originaire de Murcie. Valverde se lâche dans le dernier sprint intermédiaire pour piquer in extremis le maillot du meilleur sprinteur à Rodríguez. À un moment où celui-ci était victime d’une crevaison.

Comme on le voit, il y a eu de nombreuses scènes où des coureurs espagnols venus de régions différentes se sont méchamment tiré la bourre. Et rien n’indique que ce genre de bagarres est près de se terminer.

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