Les championnats marquants de Wout van Aert, partie 3: « Il savait qu’il se rattraperait van der Poel tôt ou tard »

À l’approche des championnats du monde de cyclocross, nous reviendrons en cinq épisodes avec Roger De Bie, beau-père de Wout van Aert et l’un de ses mécaniciens attitrés, sur quelques championnats mémorables de la carrière du Campinois. Ce jeudi, le championnat du monde de Belvaux en 2017.

Roger De Bie : « La dernière ligne droite avant ces Mondiaux a commencé par une manche de la Coupe du monde à Fiuggi, une petite municipalité située à l’est de Rome. Mais le samedi : panique ! Alors que moi, Niels Albert (le team manager de Van Aert chez Veranda’s Willems-Crelan, ndlr) et Kristof Cop (le chef mécanicien de Van Aert, ndlr) prenions un café sur la terrasse, nous avons reçu un coup de fil de Sarah (la petite amie de Van Aert, maintenant sa femme, ndlr) : ‘Papa, viens ici tout de suite, Wout ne va pas bien’. Nous nous sommes rapidement précipités à l’hôtel, et là, Wout était allongé sur son lit, tremblant du bassin à cause de la douleur au genou. « Je ne vais pas pouvoir faire la course demain », disait-il. Il y a alors eu un silence glacial. Si Wout, qui se plaint rarement, est prêt à renoncer à une course, c’est que ça doit être vraiment sérieux. »

« Nous étions déjà concentrés sur les Mondiaux, un rendez-vous encore plus important, qui se tiendrait 14 jours plus tard. La question était donc la suivante : Wout ne ferait-il pas mieux de renoncer à Fiuggi et juste faire la manche de Coupe du monde d’Hoogerheide du dimanche suivant ? Après tout, il avait suffisamment d’avance dans ce classement pour être le vainqueur final, même avec un forfait. Après une longue délibération, Wout a décidé de s’élancer. Je lui ai dit : « Fais attention, ne force pas ton genou ». Essaie de prendre quelques points pour assurer le classement mathématiquement. Et alors, on pourrait annuler le déplacement à Hoogerheide. »

« Entre-temps, la météo avait changé : la neige dure était devenue de la neige molle en raison d’un léger dégel. Le terrain était glissant, ce qui rendait les descentes encore plus techniques. Ce n’est pas la course pour Van Aert », avait-on entendu. Mais qui est passé en tête après le premier tour ? Et qui a laissé derrière lui, avant la mi-course, son dernier rival, Toon Aerts, qui allait lui aussi tomber lourdement : notre Wout ! Il a filé vers la victoire. Certes, sans Mathieu Van der Poel au départ, mais compte tenu de ses problèmes de genou, c’est un excellent signal avant les championnats du monde. »

Wout Van Aert était le plus fort dans la boue de Belvaux. BELGA PHOTO DAVID STOCKMAN

« Dans le mobile home, après la course, Wout ne se montrait pas aussi optimiste. C’était mieux, mais il avait encore toujours mal. Il a donc décidé d’annuler son stage d’entraînement en Espagne et de rentrer directement en Belgique pour une consultation chez le médecin Toon Claes le lendemain de la course. Le verdict de ce dernier était sans appel. Wout devait s’arrêter de s’entraîner et de courir pendant au moins une semaine. Il ne pouvait donc pas s’aligner à Hoogerheide. (Van Aert souffrait d’un syndrome de friction prépatellaire dans lequel les membranes dures situées au-dessus de la rotule frottent anormalement contre l’os sous-jacent, ndlr).

C’est loin d’être le contexte idéal pour aborder un Mondial, mais Wout n’avait pas le choix. Heureusement, il a reçu le feu vert de Toon Claes le lundi suivant et a pu enchaîner avec une heure et demie de vélo facile, suivie de deux séances de cros les jours suivants. Le vendredi, c’était notre traditionnel entraînement derrière cyclomoteur qui était au programme. Le but était de pouvoir pousser un peu plus. Mais les conditions météorologiques étaient difficiles avec zéro degrés et des routes à moitié enneigées. Notre mécanicien Kristof a conduit le van devant pour garder la route libre. Et c’est une bonne chose, car Wout était en train de voler ce jour-là. À ma grande surprise, cette semaine sans vélo n’avait pas eu un impact négatif. Que du contraire.

Kevin Pauwels remis à sa place

« Malheureusement pour les soupçons, Kevin Pauwels a publié sur Twitter son formulaire de contrôle antidopage, indiquant qu’il n’avait pas utilisé de prescription médicale. Mathieu van der Poel, sans surprise, a suivi le mouvement. Ils voulaient, avec leur entourage, pousser Wout à faire de même. Le but était de lui faire avouer qu’il pourrait bien avoir demandé une AUT pour l’utilisation de cortisone. Il y a eu des abus dans le passé, notamment à l’occasion des championnats. Mais Wout, malgré sa véritable blessure, n’a rien voulu savoir ».

Conférence de presse de l’équipe belge dans une ambiance tendue. BELGA PHOTO DAVID STOCKMAN © Belga

« Ainsi, lors de la traditionnelle conférence de presse précédent la course, il a remis Kevin Pauwels à sa place lorsqu’il a été interrogé à propos du message de ce dernier sur Twitter. Demandez à Kevin, il pourra mieux en parler que moi. C’était typique de Wout : tirer un avantage mental d’une telle controverse. Après la conférence de presse, nous l’avons vu au mobile home avec un grand sourire sur le visage. « Problème résolu ». (rires) »

« Le lendemain, Wout a reconnu le parcours. Mais sans notre arme secrète, que nous avons laissée dans la valise. Sans que la concurrence, et notamment Christof Roodhooft (le directeur sportif de Mathieu van der Poel, nvdr), ne s’en aperçoive. Il s’agissait de tubes verts, que Niels Albert avait encore dans sa cave. Ils étaient particulièrement rigide, et donc résistant aux nombreux cailloux qui jonchaient le parcours de Belvaux. »

« Il y avait cependant un gros inconvénient puisqu’ils étaient très bombés. Lorsque Van der Poel s’est envolé dès le premier tour, il savait qu’il devait mettre Wout sous pression tout de suite après ses deux semaines sans compétition. Mais, il n’y a eu aucun moment d’inquiétude. « Ne devrions-nous pas dire à Wout de rouler avec des tubes adaptés pour la boue ? », a demandé Kristof, notre mécanicien. « Non, tant que Wout ne le demande pas lui-même, laissons-le faire. Il sait ce qu’il fait », lui-ai je rétorqué.

« On a vu que tout le monde a connu plusieurs crevaisons, y compris van der Poel, alors que Wout n’en a eu qu’une juste avant le poste de changement de matériel. Wout savait donc qu’il rattraperait Van der Poel tôt ou tard. Il était aussi un peu plus prudent que le Néerlandais dans les virages. Lui, il prenait tous les risques et prenait plus de cailloux au passage. La détermination, la lucidité et la résilience mentale après ses problèmes de genou, ont finalement permis à Wout de remporter le titre mondial, son deuxième. »

BELGA PHOTO DAVID STOCKMAN © Capture d'écran

Van der Poel a pleuré après cette déception. Après ce Mondial de Belvaux, il a encore enchaîné sur six victoires consécutives. Le réservoir de Wout était en revanche vide. Jusqu’au dernier week-end de cette saison de cross où le vainqueur qui sommeille en lui s’est réveillé. « Roger, que dirais-tu d’un entraînement derrière cyclomoteur ? »

Wout avait surtout en tête la dernière course d’Oostmalle, disputée devant les siens, en tête. C’est pourquoi il s’est un peu relâché à Louvain le samedi en ne terminant que dixième. Tout le monde le pensait épuisé. Mais à Oostmalle, Wout a lâché les chevaux dès le premier tour. Van der Poel a pu garder sa cadence pendant deux tours, avant de le laisser filer. A l’arrivée, la différence entre Wout et Mathieu était de 51 secondes. Une belle manière de mettre les points sur les i, avec le maillot arc-en-ciel sur les épaules.

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