Les championnats marquants de Wout van Aert, partie 2 : « Tellement de stress que mon pacemaker est entré en action »

À l’approche des championnats du monde de cyclocross, nous reviendrons en cinq épisodes avec Roger De Bie, beau-père de Wout van Aert et l’un de ses mécaniciens attitrés, sur quelques championnats mémorables de la carrière du Campinois. Ce mercredi, on évoquera les championnats de Belgique d’Erpe-Mere en 2015 et de Lille en 2016.

Roger De Bie : « Lors de sa première saison chez les pros, Wout a remporté neuf de ses douze courses chez les élites et six de ses huit courses chez les espoirs. Il est donc l’un des grands favoris pour le championnat de Belgique des élites à Erpe-Mere. A seulement vingt ans… C’était sans doute trop de pression pour être performant ce jour-là. Les membres de la formation Sunweb avaient mis toute la pression sur les épaules de Wout, mais ils étaient aussi prêts à punir la moindre de ses erreurs. »

« On a senti rapidement que ça n’allait pas être notre journée car la reconnaissance ne s’était pas bien passée. Son dérailleur était cassé à un endroit étrange. Nous n’étions même pas prêts au poste de matériel. C’était des circonstances exceptionnelles qui expliquent pourquoi nous avons dû courir comme des fous pour dépanner Wout le plus rapidement possible. Etait-ce un présage ? D’après Henk van Aert, son père, Wout avait déjà perdu son énergie avec le départ de la course. »

« Pourtant, au début de ce championnat de Belgique il semblait très fort, sur un parcours boueux particulièrement difficile avec beaucoup de sections de course qui lui sont favorables. Cependant, Wout a connu des problèmes de chaîne et a dû changer de vélo. Dans le poste matériel, c’était un peu le chaos. On était dans une flaque de boue où l’on s’enfonçait de trente centimètres dans le sol. On disposait seulement de quelques pulvérisateurs à haute pression pour nettoyer toutes les vélos dans les temps. C’était tellement de stress que mon cœur est monté très haut dans les tours et que j’ai brièvement manqué d’oxygène. Mon pacemaker, que je porte depuis l’âge de 35 ans, a même dû se mettre en marche ».

« Wout a aussi manqué de souffle sur la fin de la course. Klaas Vantornout en a profité pour s’offrir le titre de champion de Belgique. Wout n’a finalement terminé « que » troisième, derrière Tom Meeusen. Le stress n’explique pas à lui seul cette « contre-performance » sans quoi il n’aurait pas été en mesure de lutter pour le podium ou la victoire. Mais cela a certainement été un facteur qui a joué en sa défaveur. »

« Quand j’y repense, c’était sans doute un apprentissage nécessaire, car Wout a ensuite commencé des séances avec le psychologue Rudy Heylen. D’autres coureurs lui avaient dit que cela les avait aidés. « Peut-être que tu devrais essayer aussi, alors. » Wout a toujours eu la volonté de progresser dans de nombreux domaines. Et aussi mentalement. Ces séances ont porté leurs fruits. Rudy Heylen lui a appris à mieux se concentrer, avant et pendant un cross, et comment éloigner les pensées stressantes. La bonne personne au bon moment de sa carrière. »

« Il ne faut toutefois pas sous-estimer le rôle de Niels Albert (le directeur sportif de van Aert chez Crelan-Vastgoedservice, ndlr) dans les premières années professionnelles de Wout. C’est un gars qui savait rire, mais quand il s’agissait d’atteindre un objectif, il y arrivait très souvent car il était très perfectionniste dans tous les domaines. »

Wout van Aert fond en larmes dans les bras de sa future épouse Sarah De Bie après son premier sacre national de Lille en 2016. BELGA PHOTO KRISTOF VAN ACCOM © belga

Le père de van Aert souffrait d’un cancer de l’intestin

« Le test ultime pour Wout se déroulera l’année suivante à Lille, à l’occasion d’un championnat national organisé dans sa commune. La pression était probablement encore plus forte qu’à Erpe-Mere. Mais Wout a assumé son statut avec brio. Il s’est imposé malgré une chute spectaculaire et un guidon cassé. Alors que nous, dans le poste matériel, nous nous disions : ça ne va quand même pas recommencer comme l’année dernière, n’est-ce pas ? »

« Wout a su conserver sa concentration et s’est imposé à domicile devant ses supporters. Les acclamations des spectateurs lillois étaient plus intenses que jamais car on pouvait même les entendre de l’autre côté de l’étang. Et celui-ci n’était pas juste à côté de la ligne d’arrivée. »

Ce n’est pas un hasard si Wout a fondu en larmes à l’arrivée, en repensant au championnat de Belgique de l’année précédentes. Mais ces larmes avaient surtout une autre explication. Le père de Wout, duquel il est très proche, s’était vu diagnostiquer un cancer de l’intestin quelques semaines auparavant. A la fin de la saison dans les labourés, Henk a subi une intervention chirurgicale. Pourtant, il était présent dans le poste matériel le jour où son fils est devenu champion de Belgique pour la première fois. Il est aussi resté fort et digne dans les jours précédents pour son fils. Forcément, l’émotion était très grande au sein de toute la famille lorsqu’il a coupé la ligne d’arrivée en vainqueur. »

« C’est toujours aujourd’hui l’une de ses plus belles victoires. Certainement, parce qu’elle fut aussi un succès populaire avec une grande fête dans la soirée au centre paroissial de Lille, où se trouvait également son club de supporters. Il y en aura une autre trois semaines plus tard, après le premier titre mondial de Wout à Heusden-Zolder. Il n’avait encore que 21 ans à l’époque. Il a grandi très vite et c’était sans doute son destin. C’est sans doute pour cela qu’aujourd’hui, à 28 ans, il est si fort mentalement et résistant à tout. »

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