Jimenez, Sarah, Reynolds et six secondes: voici l’ABC de la Vuelta
Les 76 premières éditions de La Vuelta ciclista a España ont mis en scène des personnalités immortelles, fourmillé d’anecdotes à tomber par terre, visité des sites improbables. Aperçu, de A à Z.
Andrei Zintchenko
Ce coureur russe n’a pas marqué les esprits, sauf en 1998 quand il a remporté trois étapes en roulant pour une équipe modeste, Vitalicio – Seguros. On continue à se demander ce qu’il y avait dans son bidon. Deux ans plus tard, il a gagné une nouvelle étape du Tour d’Espagne. Quand il a raccroché, son palmarès renseignait peu de victoires, mais il s’est imposé quatre fois sur la Vuelta, au Tour des Asturies et au Tour du Portugal.
Bernabéu
L’étape de clôture s’est disputée en 2002 dans le stade du Real Madrid. L’Espagnol AitorGonzález a chipé in extremis le maillot de leader à Roberto Heras. Depuis 1979, Madrid accueille presque systématiquement l’arrivée. Il y a eu l’une ou l’autre exception avec Salamanque (1985), Jerez de la Frontera (1986) et trois fois Saint-Jacques de Compostelle (1993, 2014 et 2021). Dans les années cinquante, soixante et septante, Bilbao et San Sebastián avaient le plus souvent cet honneur.
Capitán
Le nom de l’hôtel où Miguel Indurain a définitivement tiré sa révérence, lors de la treizième étape de la Vuelta 1996. Le quintuple vainqueur du Tour de France venait d’être détrôné par Bjarne Riis, mais entre ces deux rendez-vous, il a encore pris soin de conquérir le titre olympique à Atlanta. Il n’était pas chaud du tout pour participer au Tour d’Espagne, où il ne s’était plus aligné depuis 1991, mais la pression des sponsors avait fini par le faire craquer. Ils voulaient que les Espagnols le voient aussi rouler sur leurs routes. Un coup dans l’eau. Indurain a flanché dans la douzième étape, et le lendemain, il a donc rejoint prématurément l’hôtel de l’équipe Banesto. Une triste fin pour une carrière extraordinaire.
Danke
Le petit mot adressé par l’Allemand Bert Dietz à Laurent Jalabert à l’arrivée de la douzième étape de l’édition 1995. Le coureur Telekom semblait tenir la victoire après une échappée de plus de 200 bornes, et sept heures en tête. Jusqu’au moment où le Français l’a repris dans les derniers hectomètres… pour finalement le laisser gagner. Ce jour-là, Dietz a signé la plus belle victoire de sa carrière. Un geste magnifique de Jaja qui, dans cette édition (la première à s’être tenue après le Tour de France), a remporté cinq étapes et le classement final.
Eric Vanderaerden
À 21 ans et 69 jours, Eric Vanderaerden est devenu le plus jeune vainqueur belge sur les routes du Tour d’Espagne, et son record tient toujours. Il a pris le meilleur sur l’Italien Beppe Saronni dans le final de la deuxième étape et a récidivé quelques jours plus tard. Deux mois après, le Limbourgeois faisait encore plus fort en remportant le prologue du Tour de France à Fontenay-sous-Bois. Il est toujours le plus jeune vainqueur belge d’une étape du Tour depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Froome
En 2016, Chris Froome a perdu la Vuelta au cours d’une étape de 118 kilomètres a priori sans danger. Mais Alberto Contador, Nairo Quintana et Alejandro Valverde, tels des cow-boys lâchés en plein Far West, ont subitement mis le feu au peloton. Froome et les autres coureurs Sky n’ont rien vu venir et sont tombés dans le panneau, comme des bleus. Ils n’ont jamais revu les fuyards. Le Britannique a laissé deux minutes et demie dans l’aventure et Quintana a assuré sa victoire finale.
Gamonal
Un jour de mai 1997, Miguel Prieto, directeur de la loterie ONCE et sponsor de l’équipe cycliste du même nom, escalade un col inconnu. Une fois au-dessus, il analyse les chiffres de cette montée: 12,5 kilomètres avec des passages à 23%. Il se souvient alors du discours prononcé par le patron de la Vuelta, Enrique Franco, lors d’une présentation de parcours. Il avait déclaré qu’il rêvait de trouver des ascensions improbables, susceptibles de redorer le blason de l’épreuve.
Prieto envoie alors un courrier à Franco: « Dans les Asturies, il y a un col baptisé La Gamonal. C’est encore plus fort encore que le Mortirolo au Tour d’Italie. » Franco est immédiatement réceptif. Deux ans plus tard, en 1999, il intègre La Gamonal, ou Alto de l’Angliru, dans le parcours pour la première fois. Un coup dans le mille car aucun autre col en Espagne n’a plus frappé les esprits que celui-là entre-temps.
Herrera
Luis Alberto Herrera, aka Lucho, est devenu en 1987 le premier vainqueur sud-américain de la Vuelta, et carrément le premier lauréat sud-américain d’un grand tour. Deux ans plus tôt, le leader de l’équipe Café de Colombia, aussi surnommé Le petit jardinier, avait été le premier coureur d’Amérique du Sud à porter le maillot à pois au Tour de France. Un classement qu’il a encore remporté deux mois après sa victoire finale dans le Tour d’Espagne. Il a remis le couvert au Giro en 1989. Un seul autre coureur a réussi à terminer meilleur grimpeur des trois grands tours: Federico Bahamontes.
Íñigo Cuesta
Cet Espagnol détient le record de participations à la Vuelta: 17. Et dans 17 éditions consécutives, encore bien. Il a réalisé ce tour de force entre 1994 et 2010. Il s’est aussi aligné sept fois au Tour de France et trois fois au Tour d’Italie. Après ses premières années pros chez Euskaltel et ONCE, il s’est entre autres expatrié chez Cofidis, CSC et Cervélo.
Jiménez
Porter ce nom de famille, c’est déjà se donner une chance solide de remporter une étape du Tour d’Espagne. Au total, les Jiménez ont fait 18 fois le coup. Avec Antonio, Eladio, Joaquín, José María, Julio et Nemesio. Ça, c’est pour les prénoms. Le plus régulier a été José María, aka Chaba et entre-temps décédé: neuf succès. Étonnant: plus aucun Jiménez ne s’est imposé depuis 2005. Eladio a clôturé (provisoirement? ) la liste.
Kas
Vous souvenez-vous de la légendaire équipe espagnole Kas, sponsorisée par le fabricant de limonades du même nom? Elle a squatté le peloton pendant un quart de siècle, de 1958 à 1979 puis de 1986 à 1988. Elle a remporté dix fois le classement par équipes de la Vuelta entre 1964 et 1979. Et cinq victoires finales avec Francisco Gabica (1966), José Manuel Fuente (1972 et 1974), José Pesarrodona (1976) et Sean Kelly (1988).
Liège
La seule ville belge qui a accueilli une arrivée du Tour d’Espagne. Ça remonte à 2009 et la course s’était élancée des Pays-Bas, à Assen. Après trois étapes chez nos voisins, les coureurs sont partis de Venlo pour foncer vers la Cité Ardente. C’est André Greipel qui a réglé le sprint massif.
Melchor Mauri
16 mai 1991. La Vuelta va se terminer, il reste notamment un contre-la-montre de 53 bornes dans la région de Valladolid. Le jour de gloire de Melchor Mauri, qui porte alors les couleurs de l’équipe ONCE. Il survole cette étape, tel un avion de chasse. Il met près d’une minute à Miguel Indurain et gagne, à 25 ans, son premier et dernier grand tour.
Huit ans plus tard, en Flandre profonde, Wim Vansevenant et Vicky Acke accueillent un fils. Le grand-père de Vicky se prénommait Mauritz. Et Wim a côtoyé Melchor Mauri pendant des années, quand il roulait pour la formation Collstrop. Le couple trouve un compromis. Le nom de famille espagnol devient un prénom flamand. Bienvenue Mauri Vansevenant.
Nico Sijmens
Le seul Belge à avoir triomphé au XXIe siècle lors d’une arrivée au sommet. Et pas n’importe laquelle: aux Lacs de Covadonga, carrément. Cette ascension a longtemps été la plus mythique du Tour d’Espagne, avant l’introduction de la Gamonal dans le programme. Depuis 1983, 22 étapes se sont terminées là-bas. Nico Sijmens a passé la ligne en… deuxième position, derrière l’Espagnol CarlosBarredo, de l’équipe Quick Step. Mais l’homme a été ensuite dépossédé de sa victoire. Dopé.
Orange
La couleur du maillot du leader lors de la première édition de la Vuelta, en 1935. À l’inverse de ce qu’on voit avec le rose au Giro et avec le jaune au Tour de France, il y a eu de nombreux changements de tons en Espagne: orange, blanc, blanc avec une bande rouge, jaune, et rouge depuis 2010.
Peelman
Eddy Peelman n’est pas le nom qui interpelle le plus le grand public, mais il a accumulé neuf victoires d’étapes à la Vuelta entre 1970 et 1974. Seuls Rik Van Looy (18), Freddy Maertens (treize) et EddyPlanckaert (dix) ont fait mieux pour la Belgique. Ce coureur bâti comme un frigo a roulé pour des équipes de haut niveau: Mercier, Rokado, Bic. Il se sentait comme chez lui en Espagne et c’est dans ce pays qu’il a glané la grande majorité de ses 55 victoires chez les professionnels.
Quick Step
Depuis sa création en 2003, l’équipe de Patrick Lefevere totalise 35 victoires d’étapes au Tour d’Espagne. En tête d’affiche, Paolo Bettini qui s’est imposé au moins une fois dans chaque édition entre 2005 et 2008, et Fabio Jakobsen qui a frappé deux fois en 2019 et trois fois en 2021, quand il a aussi remporté le classement par points. L’édition la plus fructueuse pour Quick Step a été 2017 avec six étapes grâce à Matteo Trentin (quatre), Yves Lampaert et Julian Alaphilippe (une). Le meilleur résultat de l’équipe dans les trois grands tours.
Reynolds-Benotto
C’était l’appellation de l’actuelle équipe espagnole Movistar quand elle a participé pour la première fois au Tour d’Espagne en 1980, l’année de sa création. Elle a directement remporté une étape avec le Français Dominique Arnaud. Par la suite, la formation menée par Eusebio Unzué a fourni quatre vainqueurs du classement final avec Pedro Delgado en 1989, Abraham Olano en 1998, AlejandroValverde en 2009 et Nairo Quintana en 2016. Depuis 1994, Unzué et ses équipes se sont imposés douze fois au classement par équipes.
Sarah
C’était une jolie Italienne qui travaillait comme hôtesse pour l’équipe Saeco. Frank Vandenbroucke a complètement craqué pour elle sur l’édition 1999 de la Vuelta. Avant une étape menant le peloton à Avila, VDB s’est rendu en pleine nuit dans son hôtel, avec son soigneur, Freddy Viaene. Il lui a promis qu’il gagnerait le lendemain. Avec cet enjeu: elle devait lui promettre de passer une nuit avec lui en cas de victoire. Aussitôt dit, aussitôt fait. Aux portes d’Avila, Vandenbroucke a lâché MikelZarrabeitia et le reste de la meute, avec un culot désarmant. En ayant probablement pris la potion magique qu’il fallait. Sarah ne s’est pas dérobée. Elle ignorait évidemment que c’était le tout dernier bouquet de la carrière de l’enfant terrible.
Tenerife
La Vuelta s’est élancée une seule fois des Îles Canaries, depuis Tenerife en 1988, dans la capitale Santa Cruz. Ettore Pastorelli a remporté la première étape et Iñaki Gastón s’est imposé dans l’étape en ligne du lendemain. Un contre-la-montre par équipes était au programme du troisième jour sur l’île voisine, Gran Canaria. Il est revenu à l’équipe BH. Deux ans plus tard, la course est partie, pour la première et dernière fois, de Palma de Majorque. Avec un succès au bout du prologue pour le spécialiste français Thierry Marie.
Ullrich
Après sa victoire finale au Tour de France en 1997 et sa deuxième place l’année suivante, Jan Ullrich a dû déclarer forfait pour l’édition 1999, conséquence d’une blessure au genou. Le coureur Telekom a repris mi-août et a annoncé qu’il allait participer à la Vuelta simplement pour préparer les championnats du monde à Vérone. Dès le cinquième jour, il a passé en tête la ligne d’une étape de montagne menant à Ciudad Rodrigo. Lors de la treizième étape, il a pris le maillot de leader à Abraham Olano. Et lors du dernier jour dans la montagne, il a achevé de dégoûter tout le monde. Le deuxième, Alex Zülle, a fini à deux minutes et demie. Ce fut la dernière victoire dans un grand tour pour Ullrich, qui est devenu champion du monde contre-la-montre deux semaines plus tard.
Van Hooydonck
En 2021, Nathan Van Hooydonck a aidé le leader de l’équipe Jumbo Visma, Primoz Roglic, à remporter son troisième succès consécutif à la Vuelta. Un fait marquant parce que ces trente dernières années, les coéquipiers belges d’un lauréat du classement final ont été très rares: Ben Hermans avec ChrisHorner en 2013 (RadioShack), Frederik Willems avec Vincenzo Nibali en 2010 (Liquigas), JohanBruyneel (qui a lui-même fini troisième et est le dernier Belge à être monté sur le podium) pour Laurent Jalabert en 1995 (ONCE), et Nico Emonds pour Tony Rominger en 1994 (Mapei-Clas).
Wolfshohl
Rolf Wolfshohl a remporté la Vuelta en 1965 devant l’éternel second du cyclisme de l’époque, Raymond Poulidor. Au début de la même année, cet Allemand avait pris la médaille d’argent aux championnats du monde de cyclo-cross à Cavaria, derrière Renato Longo. Il avait carrément fêté le titre mondial dans les labourés en 1960, 1961 et 1963. Il est ainsi devenu le premier (et provisoirement dernier) champion du monde de cyclo-cross à s’adjuger un grand tour. Jean Robic a remporté le Tour de France en 1947, mais ce n’est qu’en 1950 qu’il s’est imposé dans la première édition du Mondial de cyclo-cross.
Xorret de Catí
Cette ascension, dans la région de Valence, fait particulièrement mal: 3,95 kilomètres, 1.097 mètres d’altitude, un pourcentage moyen de 11% avec des passages à 17%. Elle a été intégrée dans le parcours du Tour d’Espagne pour la première fois en 1998. Le regretté José María Jiménez a été le premier à passer au sommet. Son homonyme Eladio l’a imité en 2000 et 2004. Plus tard, il y a eu Gustavo César Veloso (2009), David Moncoutié (2010) et Julian Alaphilippe (2017) qui a décroché à Xorret de Catí son premier succès d’étape dans un grand tour.
Yañez
Felipe Yañez De La Torre a terminé meilleur grimpeur de la Vuelta en 1979. Il a gagné trois étapes au total: en 1979 et 1986 à la Sierra Nevada, et en 1978 à Pampelune. Cette année-là, il roulait pour la modeste équipe belge Lucas Orbea. Il avait, parmi ses équipiers, un jeune Danois encore inconnu du grand public: Bjarne Riis.
Zéro minute
À l’arrivée du Tour d’Espagne 1984, l’écart était de six secondes entre le premier, Eric Caritoux, et son dauphin, Alberto Fernández. C’est le plus faible écart dans l’histoire des trois grands tours.
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