« J’ai vu peu de coureurs qui avaient appris autant en une seule année que Remco Evenepoel »

En février dernier, dans ce magazine, José De Cauwer et Serge Pauwels préfaçaient la saison 2022. Neuf mois plus tard, nous les confrontons à leurs prévisions de l’époque. Et ils reviennent sur la superbe année belge, notamment des deux fers de lance que sont Remco Evenepoel et Wout van Aert.

À propos de Remco Evenepoel, tu disais, José, qu’il allait devoir apprendre à plus écouter, et les bonnes personnes. Il faut croire qu’il a compris le message?

DE CAUWER: Je suppose, oui. J’ai vu peu de coureurs qui avaient appris autant en une seule année.

PAUWELS: Il n’a pas fait un pas en avant cette saison, mais quatre. Il a carrément pris sa propre équipe de vitesse.

DE CAUWER: Sa victoire dans Liège – Bastogne – Liège lui a apporté toute la sérénité dont il avait besoin. Avant ça, il voulait trop montrer ce qu’il valait. Maintenant, il y a encore des petites choses qu’il ne maîtrise toujours pas. On l’a vu quand il a passé la ligne d’arrivée en Australie, avec le doigt sur la bouche. Pour dire qu’il fallait maintenant se taire. Mais pourquoi devrions-nous la fermer? Qu’avons-nous dit de mal? Son message, encore une fois, était: «Regardez comme je suis bon». Mais ça, on le sait, il l’a entretemps suffisamment prouvé, il nous a bien convaincus. J’ai discuté récemment avec un gars qui a parlé avec Alexey Lutsenko après le Mondial. Le Kazakh lui a dit: «Je savais qu’il allait me lâcher dans la dernière ascension». Evenepoel avait fait la même chose avec Simon Yates à San Sebastián. Les mains sur le dessus du guidon, il s’en va, personne ne peut rien faire. C’est presque du jamais vu.

À Liège – Bastogne – Liège, il s’y est pris autrement. Alors que dans les autres courses, il imprime subitement un tempo intenable, là il a placé un vrai démarrage dans la Redoute. C’était tellement puissant que sa roue arrière a carrément sautillé. À l’approche de la Roche aux Faucons, et dans l’ascension, quelques coureurs sont revenus avec l’aide de leurs coéquipiers, mais Evenepoel a alors remis une couche. Incroyable.

Le démarrage décisif dans la Redoute de Remco Evenepoel lors de son sacre sur Liège-Bastogne-Liège. (Photo by Peter de Voecht – Pool/Getty Images)

« Je ne suis pas sûr que j’aurais pu être aussi consciencieux que Wout van Aert »

Wout van Aert a roulé à un très haut niveau pendant toute l’année.

DE CAUWER: C’est impossible de tirer encore plus de lui que ce qu’on a tiré cette année. Ce qu’il a fait, c’était phénoménal. Quand il s’agit d’être sérieux dans le boulot, Van Aert est l’exemple à suivre.

PAUWELS: J’ai une bonne anecdote sur ce thème-là. La veille du championnat du monde, après le repas du soir, il est allé à la table du staff. Il s’est adressé à Martijn Redegeld, le diététicien qui accompagnait les Belges en Australie, composait les menus en calculant tout, pesait chaque aliment. Van Aert lui a dit: «Il reste un yaourt aux fruits sur le buffet, je vois qu’il contient neuf grammes de graisse, tu es sûr que c’est bon?» Pour te dire à quel point il est maniaque et méticuleux dans sa préparation.

DE CAUWER: Qu’est-ce que je suis content d’avoir roulé à mon époque et pas aujourd’hui! Je ne suis pas sûr que j’aurais pu être aussi consciencieux. Et je pense que Van der Poel a du mal à faire tout ça. Je ne dis pas qu’il ne vit pas pour son métier, qu’il n’est pas sérieux. Il l’est, sans quoi il ne pourrait pas réussir ce qu’il fait. Mais je reste sur ma faim quand j’analyse ses prestations. J’aimerais savoir ce qu’il a vraiment dans le ventre.

Wout van Aert vient encore de réussir une saison fantastique mais tu disais en début d’année, Serge, qu’il ambitionnait de gagner deux ou trois fois le Tour des Flandres et Paris – Roubaix. À cause du Covid, il n’a pas pu prendre le départ du Ronde, et à Roubaix, il a trouvé plus fort que lui. Il doit râler de ne pas encore avoir remporté une de ces deux courses.PAUWELS: Comme José l’a dit en février, ce n’est pas pour ça que Van Aert n’est pas un tout grand. Mais pendant que Van Der Poel a déjà deux victoires au Tour des Flandres à son palmarès, Van Aert n’a encore gagné qu’un monument, Milan – Sanremo.

DE CAUWER: Il est tellement au-dessus du lot qu’on se dit qu’il va inévitablement gagner, mais il y a toujours un petit grain de sable dans la machine.

Caramba encore raté pour Wout van Aert dans la quête d’un Monument. (Photo by Bernard Papon – Pool/Getty Images)

Lire ce bilan complet sur la saison 2022 du cyclisme belge dans le numéro d’automne de Sport/Cyclisme Magazine qui paraît ce jeudi 27 octobre.

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