Giro: qui pour priver Remco du maillot rose ? (analyse)
Alors que les premières étapes en montagne commencent, qui pour priver Remco Evenepoel de la tunique rose ? Focus sur ses principaux concurrents.
L’inusable Primoz : le principal concurrent de Remco pour le maillot rose
Pas la peine de tourner autour du pot: ce Tour d’Italie se résume à un duel. D’un côté, un Belge de 23 printemps, vainqueur du dernier Tour d’Espagne. De l’autre, un Slovène qui accuse dix ans de plus, lauréat des trois éditions précédentes de la Vuelta. Les supporters de Remco Evenepoel rêvent qu’il impose sa loi lors des trois étapes contre-la-montre. Il lui suffirait alors de faire jeu égal avec Primoz Roglic en montagne, alors qu’il a semblé plus costaud que lui au Tour de Catalogne. Plusieurs fois, c’est le Slovène qui a dû cravacher pour suivre le Belge, avant de prendre le meilleur au sprint. Roglic a remporté cette course grâce aux bonifications. Reste à voir si ça a joué sur le moral d’Evenepoel.
Les supporters de Roglic espèrent le revoir dans sa meilleure forme. Un Roglic qui flambe, qui décourage et dégoûte la concurrence. Lors du Tour d’Espagne 2021, il avait remporté quatre étapes. Ceux qui arrivaient à suivre pouvaient déjà s’estimer heureux, il n’était plus question de l’attaquer. Dans ce Giro, on s’attend de nouveau à une domination de l’équipe Jumbo-Visma. On connaît le niveau de coureurs comme Jan Tratnik, Sepp Kuss, Robert Gesink et Tobias Foss. Pour faire face à cette armada, Evenepoel comptera sur Jan Hirt, Fausto Masnada, Ilan Van Wilder et Louis Vervaeke. La lutte semble inégale, mais la différence n’est pas non plus énorme.
En janvier dernier, on ne s’attendait absolument pas à ce que Roglic soit le principal adversaire supposé d’Evenepoel au Tour d’Italie. Son abandon au Tour de France de l’année dernière était dû à une blessure à l’épaule, un mal qu’il traîne depuis pas mal de temps. Après sa lourde chute à la Vuelta, il a dû subir plusieurs opérations, ce qui a passablement compliqué son hiver. Lors de la présentation de l’équipe Jumbo-Visma, il ne pensait pas qu’il pourrait être prêt à temps pour le Giro. Mais les doutes ont entre-temps été dissipés par ses victoires à Tirreno – Adriatico et au Tour de Catalogne. De plus, il ne faut pas se mettre en tête que le Belge part gagnant d’avance face au Slovène en contre-la-montre. Roglic est tout de même le champion olympique en titre dans la spécialité! La différence se fera plus sur la forme physique que sur le talent intrinsèque.
Les deux hommes savent que le vainqueur final de ce Giro sera celui qui ne lâchera rien. En 2019, Roglic semblait bien parti pour s’y imposer après avoir dicté sa loi contre le chrono. Mais son avance a fondu lors de la troisième semaine et Richard Carapaz a finalement tiré les marrons du feu. Roglic a donc un compte à régler avec cette course. Pourrait-il à nouveau tomber dans le même piège qu’il y a quatre ans? Pas sûr!
La flamme de Vlasov: assez brûlante pour prendre le maillot rose à Remco ?
Aleksandr Vlasov s’est farci un programme de dingue en 2022. Difficile de faire plus corsé. L’homme de Saint-Pétersbourg s’est aligné au Tour de Valence, à l’UAE Tour, à Paris – Nice, au Tour du Pays basque, dans les classiques ardennaises, au Tour de Romandie et au Tour de Suisse. Il a pris le départ de toutes ces épreuves avec l’ambition de s’imposer. Plusieurs fois, il est passé tout près. Dans Liège – Bastogne – Liège, il a été pour ainsi dire le meilleur poursuiteur derrière Evenepoel. On ne doit pas s’étonner qu’après un programme pareil, il n’ait pas su briller au Tour de France. Il y a joué un rôle plutôt anonyme, ce qui ne lui ressemble pas. Sa cinquième place finale était un petit miracle, mais il ne voyait pas les choses de cette façon. Il espérait beaucoup mieux.
Cette année, il a complètement changé son fusil d’épaule. Il a opté pour un calendrier beaucoup plus réduit, dans le but de briller au Tour d’Italie. Le Russe n’est pas un crack du contre-la-montre, il n’a pas le niveau de Roglic et Evenepoel, mais il ne se fait pas larguer non plus. Le leader de l’équipe BORA – hansgrohe a l’habitude de tenir toujours une bonne forme lors de la troisième semaine des grands tours, ce qui constitue un avantage évident au Giro. Vlasov n’est pas pointé parmi les favoris pour la victoire finale, mais il s’en moque: il fait le déplacement pour gagner.
La direction de son équipe ne doute absolument pas des qualités de Vlasov mais elle a, officiellement, désigné deux leaders. Chez BORA, on croit beaucoup en Lennard Kämna. De la poudre aux yeux? Dans les catégories d’âge, ce coureur était considéré comme le futur du cyclisme allemand, mais à 26 ans, il n’a pas encore vraiment confirmé chez les pros. Kämna est réputé pour ne pas avoir confiance en ses moyens et ce n’est clairement pas un avantage dans le sport de haut niveau. Si on avait dit en début de saison qu’il avait de grandes ambitions au Giro, peu de gens y auraient cru. Mais la donne a changé lors de Tirreno – Adriatico, où il a montré de très belles choses. Il était extrêmement concentré sur chaque attaque et a toujours roulé à l’avant. Dans cette course, il a laissé une meilleure impression que Vlasov. Filippo Ganna a ridiculisé la concurrence dans le contre-la-montre du premier jour, mais l’Allemand a été son premier dauphin. Sur onze kilomètres, il a relégué Roglic à une vingtaine de secondes. Il faut aussi se rappeler que chez les jeunes, il était la référence absolue contre le chrono. Il les gagnait tous. Une fois passé pro, il a semblé avoir perdu ses qualités sur cet exercice, mais c’est apparemment revenu.
Good old Geraint
Sky a régulièrement souffert d’un surplus de leaders. Les patrons de l’équipe étaient conscients que Geraint Thomas avait les capacités pour remporter un grand tour, mais ils avaient aussi Chris Froome, Egan Bernal, Richard Carapaz,… Ceux qui sont un rien trop courts pour le rôle de leader incontesté sont alors envoyés au Giro. C’est ainsi que Thomas a participé à quatre éditions du Tour d’Italie. Sans grand succès avec une 118e et une 80e place, et deux abandons. Depuis sa victoire au Tour de France en 2018, le Gallois n’a plus rien à prouver. Il donne parfois l’impression de ne plus être dans le coup, mais dès qu’il y a un gros enjeu, il retrouve ses meilleures jambes. Lors des cinq dernières éditions du Tour, il est monté trois fois sur le podium à Paris. Thomas n’a encore rien réussi de valable cette saison, mais il ne faut pas tirer de conclusions hâtives. Il considérait toutes ces courses comme des entrées. Il s’est économisé pour dévorer le plat principal.
Le coureur INEOS Grenadier est performant en contre-la-montre, et quand il le veut, même très performant. Il ne lâchera personne dans la montagne parce qu’il n’a plus le même démarrage que lors de ses plus belles années, mais c’est compliqué de s’en débarrasser. On devrait savoir dès la première étape de montagne si le meilleur Thomas est au rendez-vous. Après seize saisons chez les pros, il connaît parfaitement son corps. Et s’il voit qu’il ne peut pas jouer un rôle en vue, ce coureur au tempérament très collectif se mettra au service de deux coéquipiers qui ont respectivement neuf et treize ans de moins que lui. Tao Geoghegan Hart a déjà remporté un Giro, la drôle d’édition courue en plein Covid, en octobre 2020. L’Écossais avait pris le départ avec un statut d’équipier de Thomas, mais quand le Gallois a lâché prise, il a saisi sa chance, avec succès.
Geoghegan Hart n’a pas confirmé. Il a été touché par différents problèmes physiques, il a multiplié les abandons et il s’est aussi mis au service de ses leaders. À part au Dauphiné, il n’a plus fait grand-chose d’intéressant. Cette course lui convient particulièrement: il la termine systématiquement dans le top 10. On l’avait un peu oublié, on ne tenait plus vraiment compte de lui, mais Geoghegan Hart renaît de ses cendres cette saison, à 28 ans. À Tirreno – Adriatico, il a été le plus convaincant derrière Roglic. De quoi donner des idées à Thymen Arensman. Cet ancien cyclo-crossman, 22 ans, a rejoint INEOS avec l’objectif avoué de devenir un grand coureur de tours. Toutefois, ses premiers résultats ne sont pas très encourageants et il ne devrait avoir que des ambitions limitées sur ce Giro.
Chaud, João!
Les journalistes avides de sensations fortes apprécient les frictions personnelles entre coureurs. Lors du premier Giro de Remco Evenepoel en 2021, João Almeida avait reçu pour mission de l’épauler. Un ordre qu’il n’avait que moyennement apprécié. Le Portugais, plutôt orgueilleux, estimait que c’était trop tôt pour faire d’Evenepoel un leader. Et il avait raison. Le Belge avait quitté l’Italie la queue entre les jambes. Almeida a eu le tort de montrer son mécontentement. Il ne l’a pas fait au petit-déjeuner avec l’équipe, mais face caméra. On a encore à l’esprit les images d’une étape de montagne où Almeida était censé emmener Evenepoel. Mais il le gênait plus qu’il ne l’aidait, et de temps en temps, il plaçait une petite accélération pour bien démontrer qu’il avait de meilleures jambes que le prétendu leader. Evenepoel s’était senti humilié par ces manœuvres.
Après ce Tour d’Italie, Almeida n’a évidemment pas pu rester chez Deceuninck – Quick Step (l’actuelle Soudal – Quick Step). Le voilà chez UAE Team Emirates, une équipe où il n’y a pour ainsi dire que des leaders, mais le Portugais a demandé et obtenu de ne pas disputer les mêmes courses que Tadej Pogacar. Va-t-il pouvoir justifier son statut protégé sur ce Giro? Il est en tout cas une garantie de top 5, partout où il prend le départ. Mais chez UAE, les attentes sont gigantesques, et pour gagner cette course, Almeida manque un peu de puissance. Pour cette raison, l’équipe a désigné un autre leader, Jay Vine. Cet Australien développe un wattage phénoménal sur les rouleaux. Mais pas uniquement… Lors du dernier Tour d’Espagne, il a remporté deux étapes de montagne. Il lui reste une belle marge de progression. Quand il est arrivé chez UAE Team Emirates, ses coaches lui ont appris une nouvelle position sur le vélo de contre-la-montre. Il ne lui a pas fallu beaucoup de temps pour être sacré champion national dans cette spécialité. Impressionnant quand on connaît le nombre de spécialistes du chrono en Australie. Une semaine plus tard, il faisait à nouveau sensation au Tour Down Under. Après cela, on lui a demandé d’allumer Remco Evenepoel à l’UAE Tour, un rendez-vous incontournable pour le sponsor de son équipe. Mais il a dû abandonner dès la deuxième étape en raison d’une blessure au genou et a ensuite renoncé à Tirreno – Adriatico. Le Tour de Catalogne a été inscrit à son programme, mais c’était trop tôt. Il n’a pu reprendre l’entraînement, prudemment, qu’au mois de mars. Il est donc reparti de loin. Mais ce ne serait pas la première fois qu’une telle pause serait profitable à un coureur professionnel.
Toujours Urán
Deux autres anciens combattants seront au départ à Fossacesia: RigobertoUrán et Thibaut Pinot. Urán en est à sa 18e saison professionnelle et il va participer au Giro pour la sixième fois. Il a fini deux fois à la deuxième place. Il aurait dû s’imposer en 2014, mais il s’est fait piéger par les organisateurs. Ils avaient annoncé, via la radio, que la descente du Stelvio allait être neutralisée en raison de chutes de neige. Urán a alors ralenti pour passer des vêtements chauds. Finalement, l’étape n’a pas été neutralisée et Nairo Quintana, échappé, avait reçu deux minutes en cadeau et pris le maillot de leader. Un scandale, et ce serait bien qu’un journaliste d’investigation revienne un jour sur cette histoire bizarre. Patrick Lefevere est toujours démonté quand il en parle. Aujourd’hui, à 36 ans, Urán fait toujours partie des meilleurs coureurs de tours, mais il est trop court pour viser la victoire.
Thibaut Pinot a trois ans de moins qu’Urán, mais lui, il a déjà annoncé la date de son départ à la retraite. Il roule sa toute dernière saison et le Tour d’Italie est son principal objectif, même s’il s’alignera aussi au départ du Tour de France. Il explique régulièrement que le Giro est sa course préférée. Même si elle ne lui a parfois pas fait de cadeaux. En 2017, le podium lui semblait promis quand il a subitement perdu trois quarts d’heure dans une étape de montagne. Cette édition, particulièrement montagneuse, semble en tout cas lui convenir parfaitement.
- Italie
- Tour d’Espagne
- Remco Evenepoel
- Primoz Roglic
- Jan Tratnik
- Sepp Kuss
- Robert Gesink
- Tobias Foss
- Jan Hirt
- Fausto Masnada
- Ilan Van Wilder
- Louis Vervaeke
- Tour d’Italie
- Tour de France
- Richard Carapaz
- Saint-Pétersbourg
- Tour de Suisse
- BORA
- Lennard Kämna
- Filippo Ganna
- Sky
- Geraint Thomas
- Egan Bernal
- Good old Geraint
- INEOS Grenadier
- Tao Geoghegan Hart
- Thymen Arensman
- INEOS
- João Almeida
- Deceuninck
- Quick Step
- Soudal - Quick Step
- UAE Team Emirates
- Tadej Pogacar
- Jay Vine
- Rigoberto Urán
- Thibaut Pinot
- Nairo Quintana
- Patrick Lefevere
- Philippe Gilbert
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