Giro 2022: des Italiens en grande forme, Carapaz leader pas autoritaire et le retour de Jai Hindley
Le Giro a connu ce lundi sa deuxième journée de repos. Après une deuxième semaine relativement calme à l’exception du feu d’artifice de Turin, on fait le point à l’aube d’une dernière semaine de tous les dangers et qui s’annonce dantesque.
L’étape menant à Cogne, ce dimanche, aura finalement accouché d’une souris, avec tout le respect que l’on doit pour le sympathique Giulio Ciccone, brillant vainqueur, mais déjà largué au général. Il faut dire que les principaux acteurs de ce Giro avaient sans doute encore les jambes lourdes après la débauche d’efforts de la veille dans les rues de Turin, où le peloton a été éparpillé en miettes et où les écarts furent très importants.
Plus que le Blockhaus, dimanche dernier, cette étape dans le Piémont a mieux dessiné les contours du classement général. Même si, avec le menu gargantuesque au programme de la dernière semaine, il ne faudra pas exclure de nouveaux retournements de situations dans une épreuve qui nous a déjà habitué à ces scénarios lors des dernières années.
Les Italiens répondent finalement présents
A la veille de la Grande Partenza de Budapest, l’optimisme n’était guère de mise dans le camp italien. Vincenzo Nibali, vieillissant allait-il pouvoir s’illustrer sur son dernier Giro ? Les Transalpins allaient-ils seulement remporter une étape ? Après deux semaines de course, le bilan des coureurs locaux est pourtant excellent. Trois bouquets d’étape grâce à Alberto Dainese, Stefano Oldani et Giulio Ciccone, pendant que les vétérans Domenico Pozzovivo et Nibali sont désormais bien installés dans le top 10 avec des cinquième et huitième places provisoires.
Le premier vainqueur d’étape de la Botte a surpris les cadors du sprint lors de l’arrivée à Reggio Emilia. Les Démare, Caleb Ewan et Mark Cavendish, éjectés du podium, c’est donc Dainese du Team DSM qui a levé les bras devant Fernando Gaviria, alors qu’un autre Italien, Simone Consonni s’emparait de la troisième place. A Gênes, Oldani s’est même offert un sprint avec Lorenzo Rota. A noter que les deux Italiens courent respectivement au sein des formations belges Alpecin-Fénix et Intermarché-Wanty-Groupe Gobert. Quant à Ciccone, c’est au terme d’une belle échappée qu’il a pu jeter ses lunettes dans le public pour célébrer sa victoire. Malgré la présence de coureurs comme Hugh Carthy, Santiago Buitrago , l’ancien champion du monde Rui Costa ou Thymen Arensman, personne n’a été en mesure de le suivre dans la dernière ascension. Ciccone espérait sans doute mieux au général, mais il aura au moins sauvé son Giro.
A 39 ans, Pozzovivo continue d’être éternel. Il n’a certes pas pu accompagner les Carapaz, Hindley et Nibali sur les hauteurs de Turin, mais a terminé devant des Almeida et Landa. L’autre vétéran italien se trouvait donc bien à l’avant. Le Requin de Messine semble se bonifier jour après jour. Le voici huitième du général à 2’58 de Carapaz. Le podium semble encore très loin, mais la légende des troisièmes semaines de l’Italien autorise certains rêves du côté de la Botte.
Richard Carapaz, un leader loin d’être souverain
Le champion olympique s’est donc paré de rose à Turin, ce samedi. En soi, ce n’est pas vraiment une surprise vu son statut de grand favori. Mais l’Equatorien n’a pas laissé une impression de domination extrême comme on aurait pu le penser. S’il a lancé les hostilités, il a semblé plus en difficulté dans les dernières ascensions. Certains voyaient sans doute Carapaz dominer outrageusement le Tour d’Italie. Mais attention, le champion olympique connait le programme de la troisième semaine et souhaite sans doute éviter de connaître un scénario à la Egan Bernal, qui avait quelque peu souffert l’an dernier après avoir dominé les quinze premiers jours.
Surtout que contrairement au Colombien voici douze mois, il ne pourra pas s’appuyer sur un lieutenant solide comme Daniel Felipe Martinez. A Turin, Richie Porte et Pavel Sivakov ont rapidement disparu des radars quand la bagarre a éclaté. Mais Carapaz est évidemment capable d’avoir gardé sa meilleure forme pour les six derniers chapitre de ce Tour d’Italie. Après tout, on ne termine pas trois fois en trois ans sur le podium des trois grands tours en ne sachant pas gérer l’évolution de son pic de forme.
Jai Hindley est bien de retour
Après sa victoire au Blockhaus, l’Australien a prouvé qu’il était bien de retour après une année 2021 désastreuse où il n’avait pas été en mesure de confirmer sa surprenante deuxième place de la cuvée 2020 du Tour d’Italie. A Turin, il a semblé très fort, tout comme son équipe Bora, qui a mis le feu très rapidement sur cette étape. Hindley peut s’appuyer sur ses jambes, sa grande confiance en lui et une équipe solide au sein de laquelle Wiclo Kelderman a semblé mieux que sur le Blockhaus et où Emmanuel Buchmann confirme qu’il a retrouvé un niveau proche de celui qu’il affichait en 2019, année de sa quatrième place sur le Tour de France.
Joao Almeida, l’accrocheur, Landa, en retrait
Si Joao Almeida devait se parer de rose dimanche prochain, il devra cette consécration en grande partie à son abnégation et à son courage. Le Portugais n’est pas toujours le plus beau à voir sur un vélo, mais ce qu’il a montré ce samedi force l’admiration.
En difficulté, à septante bornes de l’arrivée, il n’a jamais lâché le morceau et n’a finalement concédé que 24 secondes sur les Carapaz et Hindley, là où d’autres coureurs (coucou Simon Yates) auraient pris un quart d’heure dans la vue en sentant les jambes devenir lourdes si loin de l’arrivée. Evidemment, l’on peut craindre que le vent finisse par tourner défavorablement pour Almeida et qu’il subisse un gros revers dans l’une des dernières étapes de montagne. En espérant que la vérité de la troisième semaine soit pour lui, plus proche de 2021 (où il avait profité du fait d’être distancé au général) que de 2020 (où il avait lâché le rose pour ne finir que sixième).
A Turin, Joao Almeida a cependant fini juste devant Mikel Landa. Auteur d’une chute impressionnante avant le pied du Blockhaus, le Basque était sans doute celui qui avait laissé la meilleure impression sur les pentes du géant des Apennins. Une semaine plus tard, les amateurs de Landismo commencent à douter de leur champion, qui a légèrement marqué le coup à Turin. Sera-t-il une nouvelle fois trop court pour forcer le destin ou saura-t-il renverser la vapeur ? En tout cas, Pello Bilbao sera clairement à son service.
La désillusion Bardet
Tout comme Landa, Romain Bardet semblait bien aussi en jambes dans ce Giro. A 31 ans, tout semblait réuni pour que le Français puisse concourir pour un podium sur un grand tour et peut-être même plus au sein d’une Team DSM qui pouvait aussi compter sur un Thymen Arensman épatant.
Mais vendredi, c’était la douche froide. L’Auvergnat, malade, était contraint de jeter l’éponge. Une vraie désillusion pour un coureur qui peut, certes, toujours rebondir sur son grand Tour national, mais avec un parcours et un plateau qui lui donneront sans doute pas autant d’occasions de s’exprimer.
Arensman a aussi disparu de la circulation après le retrait de son leader. Porté disparu à Turin, il a dit vouloir jouer les étapes et tenait promesse en se retrouvant dans l’échappée du lendemain. Sauf qu’au final, il a lâché en même temps que son compatriote Mathieu van der Poel qui n’est pas vraiment réputé pour être le meilleur grimpeur du peloton. Entre vouloir et pouvoir, il y a parfois un fossé. Même pour un crack qui avait terminé deuxième du Tour de l’Avenir en 2018 derrière un certain Tadej Pogacar.
DSM a néanmoins sauvé son Giro grâce à Dainese, vainqueur de la 11e étape à la surprise générale. Ceux qui avaient imaginé un tel scénario pour l’équipe néerlandaise peuvent franchement jouer au Lotto.
Biniam Girmay : un bouchon de Prosecco qui offre le cyclamen sur un plateau à Arnaud Démare
L’incident, presque gag, a fait le tour du monde. En voulant célébrer sa magnifique victoire à Jesi, la première aussi d’un coureur africain dans l’histoire du Tour d’Italie, Biniam Girmay s’est pris le bouchon de la bouteille de Prosecco dans l’oeil gauche.
Emmené à l’hôpital, il a été contraint à l’abandon le lendemain. Après son bouquet d’étape, l’Erythréen était revenu en très bonne position pour contester le maillot cyclamen d’Arnaud Démare puisque seulement deux points séparaient les deux hommes. On n’ira pas jusqu’à dire que le sprinteur Groupama a reçu un fameux coup de pouce du destin et que sa victoire au classement par points ne serait pas méritée s’il rapporte bien sa tunique à Vérone, d’autant qu’il a remporté une troisième victoire d’étape cette semaine. Mais on espérait surtout vibrer lors de cette dernière semaine avec deux coureurs aux profils différents qui n’auraient pas été chercher des points aux mêmes endroits.
Dries De Bondt, un mec sympa
Pas de victoire belge cette semaine, mais un geste sympathique de l’un des nôtres. L’ancien champion de Belgique Dries De Bondt, coéquipier de Mathieu van der Poel, est connu pour ne pas ménager ses efforts en course. Lors de la 11e étape, il a même tenté une fugue en solitaire à cinquante kilomètres de l’arrivée pour finalement se faire reprendre à 1200 mètres de la ligne.
Alors que certains auraient simplement préféré rejoindre leur bus pour souffler après une telle journée, De Bondt a répondu aux sollicitations d’une poignée de fans de vélo, dont pas mal d’enfants. Il a pris le temps de signer quelques autographes et d’échanger quelques mots avec ce eux. Preuve que le vélo reste encore toujours un sport populaire.
Simon Yates, le prétentieux
« Les étapes ? J’en ai cinq déjà, c’est la numéro six », a déclaré Simon Yates après son succès à Turin. « J’étais venu pour gagner le Giro », a justifé le Britannique. Si la déception d’être une nouvelle fois passé à côté de son objectif semble légitime, l’attitude du leader de BikeExchange a cependant de quoi faire grincer des dents.
D’autres coureurs sont aussi partis en quête d’étapes après avoir déchanté au général et ont su accepter ce bonheur fugace. Il suffit par exemple de voir les larmes de Ciccone hier, même si l’Italien n’espérait pas non plus la victoire.
Ce n’est pas la première fois que Yates fait preuve de prétention dans sa carrière. Il y a quatre ans, alors en rose, il déclarait même ceci avant d’aborder la dernière semaine. « Si j’étais dans la position de mes adversaires, je serai effrayé, je me chierai dessus. » Tout ça avant d’évidemment se prendre plus d’une heure dans la vue sur deux étapes dans les Alpes. Un peu d’humilité ne ferait pas de tort à un garçon qui a plus fini par faire rire de lui avec ses jours fastes suivis de off-day totaux que de susciter un grand respect ou une grande crainte…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici