Faut-il espérer qu’il pleuve à Paris-Roubaix?
Deux ans et demi après sa dernière édition, Paris-Roubaix se déroule dimanche, précédée le samedi par la première course féminine de son histoire. Va-t-on assister à un (voire deux) Enfer du Nord sous la pluie?
L’édition de dimanche s’annonce inédite: c’est le premier Paris-Roubaix qui se déroule en automne, le 3 octobre. Mieux même: jamais encore l’Enfer du Nord n’a eu lieu après le 25 avril. En 1943, Marcel Kint s’était imposé ce même jour, en pleine guerre. Même s’il fait sec, les pavés seront différents suite au report: il y aura plus d’herbe et de terre dans les joints, puisque les récoltes seront tout justes achevées. ASO enverra quand même une équipe de nettoyage sur le parcours.
Le tracé sera encore plus dangereux s’il venait à pleuvoir, ce dont rêvent les amateurs de la petite reine depuis 2002. Depuis cette édition, enlevée une dernière fois par Johan Museeuw, qui avait déjà trouvé son héritier en la personne de Tom Boonen, troisième, les coureurs n’ont en effet plus jamais dû se frayer un chemin dans la boue. Par contre, ils ont avalé de la poussière. Elle a parfois été rabattue par une averse, mais jamais par de fortes chutes de pluie.
Cette période de sécheresse de 19 ans a en fait commencé dans les années 90. Un seul Paris-Roubaix s’est déroulé sous une pluie battante: l’édition 1994, gagnée par Andrei Tchmil, alors que Museeuw avait sombré à cause de son fameux vélo « dames » Bianchi. Il n’y a plus eu ensuite qu’une course « boueuse », en 2001, lors du triomphe de Servais Knaven.
Par contre, dans les années 70 et 80, le peloton a été confronté à quatorze reprises à une pluie plus ou moins forte. Nous avons consulté Nicolas Roose, de NoodweerBenelux, connu pour son site noodweer.be, en quête d’une explication. Il remarque depuis quelques décennies l’absence de pluie dans nos contrés à la mi-avril sur les graphiques de pluviosité, qu’il s’agisse du nombre de jours de pluie comme de la quantité de précipitations. La diminution est marquée depuis les années 90. « C’est peut-être dû aux blocages qui se produisent au printemps. Ils entravent les courants normaux de l’ouest, qui amènent généralement des dépressions et de la pluie sur le Benelux et le nord de la France. Les dépressions sont poussées vers le nord et des zones de haute pression se forment, entraînant de longues périodes de sécheresse. On peut l’expliquer par la diminution de différence de température entre les régions polaires, qui se réchauffent, et les tropiques, le fameux Artic warming. De même que par un index NAO négatif, avec des différences moins marquées entre la zone de basse pression en Islande et la zone de haute pression des Açores, qui permet l’émergence de courants du sud plus secs. »
Octobre est en moyenne le mois le plus humide dans le nord de la France.
Les données climatologiques révèlent que les mois de mars et d’avril sont les plus secs de l’année dans le nord de la France. La bonne nouvelle éventuelle pour ceux qui rêvent d’une édition pluvieuse, c’est qu’octobre est en moyenne le mois le plus humide. Reste à voir si tout ça rendra la course plus attrayante. La pluie rend évidemment l’Enfer du Nord encore plus héroïque, avec des coureurs couverts de boue, mais en général, ces éditions sont souvent ennuyeuses, du moins en ce qui concerne la lutte pour la victoire. La plupart du temps, les lauréats se sont échappés très loin de la ligne d’arrivée et se sont imposés avec un large écart, comme Museeuw en 2002 (3’04 ») et Tchmil en 1994 (1’13 »), ou encore Marc Madiot en 1985 (1’57 »), Hennie Kuiper en 1983, Francesco Moser en 1979 (40 ») et 1978 (1’40 »), Roger De Vlaeminck en 1977 (1’30 ») et 1972 (1’57 »), et Eddy Merckx en 1973 (2’20 ») et 1970 (5’21 »). Sans parler du risque nettement plus élevé de chutes et de blessures potentiellement graves. La pluie a donc ses avantages et ses inconvénients.
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