Comment Remco Evenepoel va rebondir après l’abandon du Giro
Privé de son rêve rose à cause du Covid, Remco Evenepoel pourrait ajouter le Tour de France à son programme.
« Tu veux bien appeler mon papa ? Je ne pourrais pas ». C’est la phrase lancée dimanche soir, dans une chambre d’hôtel italienne, par un Remco Evenepoel désabusé. Son soigneur et homme de confiance, David Geeroms, prend son téléphone et prévient Patrick : son fils vient de recevoir la confirmation que son test Covid est positif. Le rêve rose s’envole. Pas à cause d’une chute, épée de Damoclès éternelle du peloton, mais par la faute d’une conséquence externe, bien plus difficile à avaler.
Ce n’était pourtant pas un coup dur tombé du ciel. Samedi, c’était déjà à la surprise générale que le champion du monde avait perdu quatorze secondes sur son grand concurrent Primoz Roglic. Le lendemain, sa courte victoire sur le contre-la-montre lui avait laissé un goût amer, ses jambes semblant flancher sur la deuxième partie du parcours.
Sa victoire malgré des jambes défaillantes n’est qu’une preuve supplémentaire de son mental d’exception. Il voulait gagner à tout prix, retrouver avec la victoire au bout des pédales ses parents et sa femme Oumi, présents à l’arrivée. Neuf dixièmes de seconde ont suffi pour coiffer les lauriers, mais également pour se rendre compte de son état. « Je pense que je commence à être malade », glisse-t-il ainsi à peine la ligne franchie, face à sa mère Agna et sa femme. Puis, à son père Patrick, Remco confie qu’il n’est « vraiment pas bien ».
Face aux caméras, l’impression visuelle renforce les mots d’Evenepoel. On l’avait rarement vu aussi épuisé, le visage blême et les yeux voilés. Un contraste saisissant avec sa mine radieuse dans la foulée de son long solo victorieux sur la dernière Doyenne. Ou avec le Superman qui resplendissait après le contre-la-montre d’ouverture du Giro, lors duquel il avait écrasé ses concurrents.
Tout aussi étonnante était la réflexion de Remco Evenepoel au sujet de ses propres erreurs face à la presse écrite, quelques heures avant son test positif : partir trop vite dans le chrono du jour, se tromper de matériel et réagir trop brusquement à l’attaque de Roglic la veille, ou encore s’aventurer trop loin parmi les sprinters lors de l’étape du mercredi et en payer les frais avec une chute. C’était comme si, consciemment ou non, le champion du monde sentait que quelque chose n’allait pas. Et qu’il cherchait les erreurs dans son propre corps plutôt que de les débusquer à l’extérieur.
Evenepoel et la psychologie
Cette façon de penser sera celle qui, après cette immense déception, lui permettra de redresser la barre mentalement. Une leçon déjà apprise en août 2020, juste après sa grave chute en Lombardie. De longs mois de revalidation n’ont pas empêché son retour au plus haut niveau, pas plus que la difficile digestion d’un Giro 2021 manqué pour son comeback au premier plan.
Evenepoel a cependant beaucoup appris sur lui-même. Notamment en lisant des livres sur la psychologie comme Master Your Mindset, du Néérlando-Polonais Michael Pilarczyk, qui évoque la force des pensées positives ou négatives, mais aussi la manière de dépasser les carcans de la pensée classique pour reprogrammer son mindset.
Plus que jamais, Remco s’est convaincu de l’importance de la force mentale. Le psychologue de son équipe, Michaël Verschaeve, lui a également appris l’art délicat d’oser échouer. Penser comme Michael Jordan, qui disait : « J’ai échoué encore et encore, et c’est pour ça que j’ai réussi. »
Théories de la relativité
S’il n’a pas vraiment échoué dans ce Giro, Evenepoel pourra trouver les ressources nécessaires dans ce passé pour surmonter sa désillusion. Son père a reformulé dès dimanche soir, à juste titre, une sorte de credo familial : « Il y a des choses plus graves dans une vie qu’un abandon sur le Giro. »
Sa femme Agna et lui-même l’ont constaté après la chute presque fatale de 2020 en Lombardie : le bien-être et la santé de leur fils a bien plus de valeur que n’importe quel maillot. Dans la foulée du premier Giro de Remco, en 2021, Patrick avait d’ailleurs tweeté : « Qu’est-ce que ça peut nous faire que Remco finisse deuxième, vingtième ou deux-centième. Nous, plus que n’importe qui, savons d’où il vient. Nous avons la chance qu’il soit encore parmi nous. Les gens qui ont perdu un enfant ne peuvent pas en dire autant. »
Cette capacité à relativiser a contaminé le fils Evenepoel, malgré son énorme focus sur ses grands objectifs.
Et si Remco Evenepoel était au Tour ?
D’objectif futur, il sera bientôt question dans la foulée de cet abandon au Giro. Peut-être le Tour de France, déjà, une fois qu’il aura soigneusement pesé le pour et le contre. Si sa revalidation ne dure qu’une semaine et qu’il parvient à surmonter ce coup dur mental dans le même temps, Remco aura encore six semaines pour se préparer physiquement. Sa condition de base est telle qu’il pourra rapidement effacer cette baisse de forme due à la maladie.
Ce serait alors une opportunité inattendue de débarquer sur le Tour sans attirer tous les projecteurs. Surtout s’il en prend le départ sans ambitions particulières au classement général, mais avec pour double but d’y emmagasiner de l’expérience et de s’y préparer pour les championnats du monde de Glasgow, qui auront lieu deux semaines après l’arrivée à Paris. Si toutefois le Tour n’est pas une option, il resterait encore la Vuelta qu’il pourrait tenter de gagner pour la deuxième année consécutive.
Quel que soit son prochain objectif, le champion de 23 ans le relèvera en débarquant encore un peu plus solide au départ. Parce qu’il a appris que chacune de ses expériences négatives pouvait lui servir positivement. Même si l’uppercut italien doit l’avoir solidement sonné, une chose est sûre : Remco Evenepoel sera bientôt debout.
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