Comment Namur veut devenir la capitale wallonne du cyclisme grâce aux Championnats d’Europe de cyclocross
Sur les hauteurs de la capitale de la Wallonie, l’éternelle Citadelle s’agite depuis une décennie autour de ces slalomeurs à pédales qui ont remplacé les moteurs sur deux roues dans les bois alentours. Ancienne «Monaco du motocross», Namur est devenue une place forte du cyclo-cross international. La preuve par un EURO.
Les premiers coups de pédale sont abrupts. Comme si Zdenek Stybar tentait de piétiner la terre à chaque tour de cuisses. Le Tchèque prend les devants d’emblée dans les premiers lacets piégeux de la manche inaugurale du Trophée Gazet van Antwerpen 2009. Il faut dire qu’après la reconnaissance, le futur vainqueur d’étape du Tour empile les compliments pour ce nouveau parcours: «C’est très difficile, mais c’est très beau.» Maillot arc-en-ciel sur les épaules et langue toujours bien pendue, Niels Albert a un avis bien différent, et apparente le tracé à une épreuve de mountain bike. Pourtant, une fois le samedi venu, c’est bien le Belge qui profite du dénivelé pour mettre tout le monde à l’amende dès le deuxième tour, et finalement coller quarante secondes à Sven Nys et deux minutes à Styby. Le verdict, livré au micro de Sporza, reste pourtant identique: «L’endroit est superbe, le parcours est beau, mais je ne change pas d’avis. La difficulté est énorme.» Une histoire récente mais un prestige majeur, accéléré par un cadre tape-à-l’œil, des pourcentages déraisonnables et une arrivée en grandes pompes: le cross de la Citadelle est aux labourés ce que les Strade Bianche sont à la route.
L’endroit est superbe, le parcours est beau, mais je ne change pas d’avis. La difficulté est énorme.» Niels Albert
Quand elle planifie l’arrivée des pédaliers dans les bois qui jouxtent l’immanquable forteresse qui surplombe Namur, la société Golazo mise sciemment sur un dénivelé presque déraisonnable pour la discipline. Mis à part le cross du Koppenberg, ceux de Gavere ou d’Overijse, rares sont les parcours vallonnés sur le circuit mondial. La capitale de la Wallonie saute sur l’occasion. Namur en quête d’un nouvel évènement sportif majeur depuis que les moteurs à deux roues n’arpentent plus les environs boisés de son haut-lieu touristique. En motocross, à l’heure des Stefan Everts et Joël Smets, le circuit namurois est souvent présenté comme «le Monaco de la moto», référence à ses courbes traîtresses autant qu’à son cadre enchanteur. La fin de l’aventure casquée, sifflée en 2007 au bout de soixante longues années de vrombissements, coïncide d’ailleurs avec le terme de l’âge d’or des Belges de la discipline. Un an de trêve suffit à créer un manque, très vite comblé par la volonté des organisateurs du nord du pays d’étendre la popularité du cyclo-cross de l’autre côté de la frontière linguistique.
Au début de l’automne 2009, Namur remplace donc Niel dans le calendrier du trophée Gazet van Antwerpen, sur un parcours ardu dessiné par le quintuple champion du monde Roland Liboton. Spectacle et public sont au rendez-vous, suffisamment pour faire de la Citadelle un nouveau rendez-vous incontournable dans les labourés. Dès 2011, la ville wallonne accueille ainsi une manche de Coupe du monde, ne quittant plus le calendrier jusqu’à la saison 2022-2023. Non sans une bonne raison: les 5 et 6 novembre, Namur accueillera les championnats d’Europe de cyclo-cross. Président de la ligue vélocipédique belge, Tom Van Damme ne camoufle même pas la stratégie ciblée à l’ombre des remparts du grand bastion namurois: «Il existe une volonté de continuer à travailler ensemble pour faire de Namur la capitale du vélo en Wallonie.» Binche a sa semi-classique, ses championnats nationaux et ses départs du Tour, Huy son Mur et Liège sa Doyenne et son histoire, mais Namur compte sur sa Citadelle pour leur brûler la politesse. Apothéose du Grand Prix de Wallonie sur route, le lieu est devenu en une décennie une référence des labourés. En 2019, malgré la pluie battante et le froid qui glace le corps d’Eli Iserbyt, alors leader de la Coupe du monde, ils sont près de 7.000 à assister au succès à l’arraché de Mathieu van der Poel. Parti seul dans le dernier tour suite à une chute de Toon Aerts, après une lutte homérique sur un circuit noyé par les flaques et submergé de boue, le Néerlandais remporte alors ce que tous qualifieront comme le plus beau cross de la saison. La preuve que Namur, son parcours atypique et son cadre enchanteur ont tapé dans l’œil des spécialistes de la discipline.
NAMUR ORANGE
Vainqueur en 2020 pour la quatrième fois, alors que la Coupe du monde est réduite à cinq petites épreuves en pleine pandémie, Van der Poel affiche cinq bouquets glanés sur les hauteurs namuroises, un de plus que sa compatriote Lucina Brand, quadruple tenante du titre dans la capitale wallonne. Les Oranje pourraient bien être nombreux à visiter les remparts de la Citadelle pour soutenir leur championne, lauréate du sacre continental sur ses terres l’an dernier pendant que Lars van der Haar complétait le triomphe local. Si l’on parlait déjà en 2009 de petite Alpe d’Huez pour définir la montée la plus abrupte du parcours, gravie à pieds par Albert, Nys et les autres en raison d’un sol trop glissant pour tenter l’aventure sur deux roues, la place forte des bords de Meuse semble être elle aussi devenue une «montagne des Hollandais».
Cinq des six duels, souvent indécis et toujours spectaculaires, entre Van der Poel et Wout van Aert ont ainsi tourné à l’avantage du génial Batave, comme en 2016 où un festival d’équilibrisme et de puissance du petit-fils de Raymond Poulidor lui avait permis de prendre le large dans le dernier tour de circuit, sous les yeux d’un public de plus en plus nombreux. L’an dernier, quelques jours avant Noël – nouvelle date du cross depuis son intégration à la Coupe du monde – ils étaient même plus de 8.000 à assister aux épreuves du 19 décembre, malgré l’absence des deux têtes d’affiche de la discipline et le statut d’attraction laissé au jeune Tom Pidcock, pourtant battu par Michael Vanthourenhout à l’arrivée sur l’esplanade de la Citadelle. Une preuve supplémentaire de l’attrait grandissant pour un circuit désormais fignolé par Erwin Vervecken, triple champion du monde de la spécialité et septième de la première édition du cross namurois, à près de quatre minutes de Niels Albert.
À Namur, il n’y a pas de stratégie, il faut simplement être le plus fort.» Erwin Vervecken
«C’est l’un des plus beaux circuits du monde», affirme l’ancien crossman à chaque micro qui se présente face à lui, toujours avec un sens aiguisé de la formule: «À Namur, il n’y a pas de stratégie, il faut simplement être le plus fort», glisse-t-il ainsi dans les colonnes de Sudpresse quand le quotidien l’invite à présenter un parcours qui mêle descentes techniques, relances ardues sur des pavés souvent humides et bourbiers brûlant les cuisses lors des fréquents jours de pluie.
OÙ SONT LES WALLONS?
«À Namur, on n’est jamais vraiment parti», dit un autre de ces adages devenus règles tacites, signe que le circuit commence à écrire ses propres lois. Les pièges sont si nombreux que l’incertitude est souvent de la partie sur un parcours où les spectateurs wallons sont nombreux et bruyants, au contraire de crossmen du sud du pays qui restent trop rares et confidentiels. Après une tentative plus discrète à Dottignies, à proximité immédiate de la frontière linguistique, c’est pourtant dans une stratégie globale que Namur a été choisi par les organisateurs des plus grandes compétitions de cyclo-cross. Avec sa position centrale, son cadre télégénique et ses habitués de longue date aux rendez-vous boueux grâce à la tradition du motocross, la ville accueille chaque année une foule de supporters flamands, indirectement chargés de faire découvrir aux jeunes supporters ou cyclistes en herbe wallons la passion pour une discipline qui reste l’apanage du nord du pays.
En attendant de trouver son champion, la Wallonie a en tout cas rencontré son public. Cet automne, les organisateurs espèrent franchir allégrement la barre des 10.000 spectateurs tout au long du week-end de cet EURO dans les labourés. Un objectif aux airs de formalité, vu la foule sans cesse plus nombreuse qui se rassemble chaque année sur les hauteurs de la Citadelle, à l’approche du réveillon. Avancé d’un bon mois pour l’occasion, le rendez-vous s’annonce moins frais, pour les suiveurs comme pour les héros des bosquets. Pas sûr, par contre, que la pluie décline l’invitation. Sa présence ne rendrait l’évènement que plus épique. Comme en 2019, quand Mathieu van der Poel quitte la redoutable et ironique «route Merveilleuse» et mouline dans des centimètres de boue pour creuser définitivement l’écart sur un Aerts au tapis, et triomphe malgré deux crevaisons, suscitant l’admiration de Sven Nys en personne. Les mots sont forts, et pourtant pesés avec la prudence d’un Namurois: «Dit is de cross van het seizoen». Parce que Namur n’est décidément jamais une course comme les autres. Le genre de cadre qui mérite bien un maillot distinctif pour celle et celui qui franchissent la ligne d’arrivée avant tous les autres.
Le programme des championnats d’europe
ProgrammeSamedi 5 novembre
11h00: Juniores (F)
13h15: Espoirs (M)
15h00: Élites (F)
Dimanche 6 novembre
11h00: Juniors (M)
13h15: Espoirs (F)
15h00: Élites (H)
Les championnats d’Europe Masters, réservés aux plus de 35 ans, auront lieu le vendredi 4 novembre.
Les ticketsSa. 05/02: 12 € prév / 15 €
Di. 06/02: 18 € prév /20 €
Ticket combiné: 25 € prév /30 €
Plus d’informationswww.cyclocrossnamur2022.com
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