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Comment l’hyper-ambitieux et impatient Remco Evenepoel a appris à maîtriser ses émotions

Il possède toujours l’impatience nécessaire du champion hyper-ambitieux, mais c’est en partie en devenant plus patient sur et à côté du vélo que Remco Evenepoel (22 ans) s’est ouvert la porte du top mondial absolu la saison dernière. Comment le natif de Schepdaal est devenu plus que jamais Mister (Rem)Cool? Reconstitution.

«Life is a time trial.» La vie est un contre-la-montre. C’est l’un des slogans que l’on retrouve sur les t-shirts de la ligne de vêtements de Remco Evenepoel, lancée en janvier 2021. «Tout le monde cherche une structure, et pourtant la vie s’avère souvent chaotique. Comme dans un contre-la-montre que vous préparez de manière structurée, mais dans lequel tout peut déraper à cause de la malchance», expliquait alors Evenepoel.

Il avait lui-même fait l’expérience de ce chaos dans les mois précédents, après son plongeon dans un ravin au Tour de Lombardie, le 15 août 2020. Le coureur de Quick-Step a vu sa carrière si prometteuse, qui avait démarré comme une fusée, clouée au sol, au sens propre comme au figuré. Il est resté couché pendant des semaines, portant même une couche parce qu’il ne pouvait pas aller aux toilettes seul. Un coup de massue pour son amour-propre. Pour ensuite effectuer sa revalidation de manière trop enthousiaste, perdre trop de poids et donc subir le contrecoup.

Sur des bases fragiles, Evenepoel s’est ensuite concentré sur le Tour d’Italie, où il n’a logiquement pas répondu aux attentes très élevées du Giro di Remco. Soudain, le pendule du «nouvel EddyMerckx» a basculé dans l’autre sens. Avec des critiques sur ses «manières de footballeur» ou sur son potentiel et ses capacités: «Il ne gagnera jamais un grand tour» ou «Il ne sait pas descendre», pouvait-on entendre. Plus tard dans la saison, il a aussi été critiqué sur le rôle qu’il a joué au sein de l’équipe belge aux Jeux olympiques et au championnat du monde, où Evenepoel n’a pas suivi la tactique convenue. Les commentaires négatifs, y compris des lettres de menace, ont pesé lourdement sur lui. Plus qu’il ne l’a révélé, même à sa famille et à ses amis, jusqu’à des crises de larmes. Il a donc continué à se battre avec lui-même pendant des mois, en partie à cause de ses prestations irrégulières.

Dans les moments de nervosité, j’ai essayé de ne pas m’en prendre à mes parents, à ma petite amie, à mes amis. Ça va aussi m’aider dans les moments de stress de la course.» Remco Evenepoel

Pourtant, à ce moment-là, une autre pensée, plus positive, a fait contrepoids dans l’esprit d’Evenepoel: il devrait être heureux d’être encore capable de courir, et même d’être en vie. Après tout, sa chute en Lombardie aurait pu être fatale. Son père Patrick et sa mère Agna le répètent souvent: le 15 août 2020 était, en quelque sorte, un «jour de chance». Une prestation moindre ou une critique est sans commune mesure avec l’angoisse qu’ils ont dû endurer alors. Désormais, le bien-être de leur fils vaut bien plus que n’importe quelle victoire. Comme Patrick l’a tweeté après la première étape du Giro l’année dernière: «Qu’est-ce que ça peut nous faire que Remco finisse deuxième, vingtième ou 200e ? Nous, et personne d’autre, savons d’où il vient. Nous avons de la chance qu’il soit toujours parmi nous. Les gens qui ont perdu un enfant ne peuvent pas en dire autant.»

Une faculté à relativiser qui a permis à Evenepoel de voir la vie différemment après sa chute. Illustrée en novembre 2020 par une anecdote amusante à propos d’une assiette contenant trois éclairs dans le réfrigérateur. «Avant, je les aurais mangés moi-même. Maintenant, je vais d’abord demander aux autres s’ils en veulent un aussi.» Quelques mois plus tard, dans le podcast Thuismatch sur Sporza et dans le magazine français Vélomagazine, Evenepoel s’est expliqué: «Il ne faut pas croire que le monde tourne uniquement autour de soi. Par conséquent, j’apprécie désormais davantage les petites choses. Pendant les courses et les stages d’entraînement, je suis toujours très concentré, mais en dehors de ça, je me laisse aller, surtout à la maison. Je fais alors d’autres choses, avec ma famille, ma petite amie et mes amis. Pour trouver plus de paix dans ma tête, et me retrouver complètement.»

15 août 2020: Remco est évacué par les secours après sa chute dans un ravin au Tour de Lombardie. Ses parents considèrent toujours que c'était un "jour de chance".
15 août 2020: Remco est évacué par les secours après sa chute dans un ravin au Tour de Lombardie. Ses parents considèrent toujours que c’était un « jour de chance ». © Belga

Ce n’est pas un hasard si les slogans «Freetoride» (libre de rouler) et «Ridemore, worryless» (roule plus, tracasse-toi moins) sont d’autres slogans inventés par Evenepoel pour ses t-shirts. «Je veux profiter de la vie en pleine conscience, car elle peut s’arrêter à tout moment. Je suis très reconnaissant que le destin m’ait donné une seconde chance», a-t-il également déclaré à Vélomagazine à l’approche du Giro. Evenepoel pensait déjà à l’avenir lointain. Comme il l’a déclaré plus tard au Tijd : «J’ai réfléchi à ce qui est vraiment important dans la vie. La course l’est certainement aujourd’hui, mais à 80 ans, ce ne sera plus qu’une petite partie. Après ma carrière cycliste, tant de choses m’attendent.»

Cet état d’esprit moins égocentrique se reflète également dans l’implication étroite du coureur de Quick-Step dans l’association Tous à Bord, dont il est – en toute discrétion – le parrain. Cette organisation wallonne aide les personnes handicapées à participer à des courses à pied. Pour les 20 km de Bruxelles, en septembre dernier, Evenepoel a même conçu les t-shirts de l’équipe avec le fondateur de Tous à Bord, JeanFrançois Lenvain. Avec le slogan: Work, Life, Balance. «Travail, vie, équilibre», ce qui n’est pas une coïncidence. Lors de la présentation, il a ensuite souligné: «Il faut travailler dans la vie, mais le plus important, c’est la santé, la joie de vivre.»

Oser échouer

Evenepoel a puisé cette nouvelle philosophie de vie en partie dans la littérature: autobiographies de sportifs connus ou livres sur le bien-être mental et la pleine conscience. Parmi celles-ci, citons «Masteryourmindset», du Néerlandais d’origine polonaise Michael Pilarczyk, qui traite du pouvoir des pensées justes ou fausses et de la manière de briser ces schémas de pensée. «Aujourd’hui, j’utilise beaucoup de ces connaissances, consciemment et inconsciemment, dans ma vie quotidienne. Il y a moins de coups de tonnerre dans ma tête», a confié le natif de Schepdaal au magazine HUMO.

Tout comme Evenepoel, Wout van Aert s'est apaisé depuis ses débuts où il pouvait parfois se montrer volcanique.
Tout comme Evenepoel, Wout van Aert s’est apaisé depuis ses débuts où il pouvait parfois se montrer volcanique.

Le ciel dégagé dans sa tête l’a également aidé à mieux supporter les défaites par la suite. Il ne doit pas, à son jeune âge, toujours gagner, il s’en rend compte maintenant. C’est aussi ce que Michaël Verschaeve, le psychologue de Quick-Step qui assiste Evenepoel depuis sa chute en Lombardie, lui a appris: l’art d’oser échouer. Penser comme Michael Jordan, qui a dit un jour: «J’ai échoué encore et encore. Et c’est pourquoi j’ai réussi.»

C’est en partie grâce à cet état d’esprit qu’Evenepoel ne s’est pas noyé dans des pensées négatives lorsqu’il n’a terminé «que» 19e au Tour de Lombardie l’année dernière, lors de son retour sur la course qui avait changé sa carrière et sa vie. Ainsi, au printemps dernier, il a également mis en perspective les places d’honneur au Tour de Valence, à Tirreno-Adriatico et au Tour du Pays basque. Comme après Tirreno-Adriatico, où Tadej Pogacar s’est distingué: «Bien sûr, je veux tirer le maximum de chaque course. Mais si ça ne marche pas, ce n’est pas la fin du monde. Je ne dois pas regarder Pogacar, mais me concentrer sur ce que je peux faire.»

Même avant son véritable objectif du printemps, Liège-Bastogne-Liège, Evenepoel a déclaré: «Si je ne gagne pas, je me dirai: j’aurai une nouvelle occasion l’année prochaine.» Avec cet état d’esprit à la Michael Jordan, il est apparu remarquablement calme ce dimanche-là, selon les observateurs. La conversation qu’il a eue au préalable avec le préparateur mental Michaël Verschaeve a même été assez brève. Car ce dernier a senti que le coureur était complètement différent d’avant.

Ça s’est avéré être l’une des clés avec laquelle Evenepoel a parfaitement exécuté le plan prédéterminé – attaque au sommet de La Redoute – qui l’a mené vers sa première victoire dans un monument. Après son accident en Lombardie, une nouvelle étape dans sa vie. «J’ai beaucoup pleuré l’année dernière, mais maintenant je me sens bien depuis un moment. Et après Liège, où j’ai évacué beaucoup de pression de mes épaules, c’est allé de mieux en mieux», a-t-il déclaré plus tard au journal DeMorgen.

Depuis, le coureur de Quick-Step accepte également que l’on attende toujours plus de lui. C’est l’une des raisons pour lesquelles, lors de la Vuelta, son premier véritable test dans un grand tour, il n’a jamais plié sous le stress du maillot de leader. Il ne s’est pas non plus perdu dans l’euphorie trop précoce d’une éventuelle victoire finale. Que ce soit dans ses interviews quotidiennes, au cours desquelles Evenepoel a communiqué de manière exemplaire avec la presse nationale et internationale, ou dans ses messages à son grand ami et partenaire d’entraînement Siebe Roesems. Ce dernier était même surpris que son pote garde les pieds sur terre, y compris dans leurs conversations. Même durant la dernière semaine, il continuait à déclarer qu’un podium à Madrid serait un succès.

À l'arrivée de la Flèche brabançonne, Evenepoel était remonté sur Ben Turner. Un comportement qui tend à disparaître.
À l’arrivée de la Flèche brabançonne, Evenepoel était remonté sur Ben Turner. Un comportement qui tend à disparaître.

Le calme dans la tête d’Evenepoel pouvait également se voir dans sa façon de courir lors de cette Vuelta. Il a d’abord bâti son avance en roulant de manière offensive, jusque et y compris le contre-la-montre. Puis il a roulé plus défensivement, sans gaspiller ses forces, en défendant le maillot rouge de leader comme un coureur de classement chevronné. Au lieu d’attaquer de façon spectaculaire, sans trop réfléchir, trop loin de l’arrivée, le Brabançon flamand a mieux choisi ses moments. Souvent même de manière inattendue. Comme dans Liège-Bastogne-Liège, avec une accélération fulgurante au sommet de La Redoute. Ou comme au championnat du monde, lorsqu’il a faussé compagnie au groupe d’échappés, non pas dans la montée, mais sur une portion en légère pente descendante.

Le fait qu’il ait gardé sa concentration pendant deux semaines supplémentaires pour gagner le Mondial, c’est phénoménal.» Siebe Roesems

Manières de footballeur

Autre différence frappante depuis l’été dernier: la disparition des «manières de footballeur» d’Evenepoel. Plus de geste déplacé, comme ça avait été le cas envers SonnyColbrelli au championnat d’Europe de l’an passé. Plus de dispute verbale après un incident de course, comme avec GianniVermeersch au Tour du Benelux. Plus de poussette envers un collègue, comme à l’égard de BenTurner dans la Flèche Brabançonne au printemps dernier.

Des incidents pour lesquels Evenepoel a également été réprimandé au sein de son équipe, notamment par son mentor/coéquipier Iljo Keisse. Le coureur de Schepdaal y a réfléchi après le printemps, se rendant compte que ces «manières» jouaient contre lui. Lors de la course suivante, le Tour de Norvège, il a dit avoir conservé son calme dans des situations qui autrefois l’énervaient.

De plus, Evenepoel n’aime pas être le «méchant au gros cou». Après ses altercations avec Vermeersch et Turner, il s’est immédiatement excusé lors de la course suivante, ou le soir même, via un message Instagram. Ce n’est pas un hasard s’il essaie de ressembler à son ancien coéquipier Philippe Gilbert ou à son coéquipier actuel Julian Alaphilippe, des personnalités sympathiques et aimables du peloton. Evenepoel veut qu’on l’associe également à ce type de comportement: discuter avec tout le monde, y compris avec les collègues des petites équipes. Il était même fier que les coureurs d’INEOS le considèrent comme un gentleman pendant la Vuelta.

Remco en larmes avec sa mère Agna et sa copine Oumi après son succès à Liège-Bastogne-Liège.
Remco en larmes avec sa mère Agna et sa copine Oumi après son succès à Liège-Bastogne-Liège. © belga

C’est en partie pour cette raison que ses gestes excentriques de victoire appartiennent aussi largement au passé. Comme «La Remco», le geste désobligeant par-dessus son épaule qu’il a réalisé en 2020 après avoir balayé l’opposition au Tour de Burgos. Lors du Tour du Danemark de l’année dernière, Evenepoel a également célébré sa victoire en pointant un index vers sa bouche et l’autre vers sa tête. En agissant ainsi, il voulait indiquer qu’il avait gagné la bataille mentale après une période difficile, et que personne ne devait lui dire quoi faire. Sans se rendre compte que son geste pouvait passer pour de l’arrogance. Jusqu’à ce qu’Iljo Keisse, entre autres, lui fasse prendre conscience de cela.

Après cela, Evenepoel s’en est tenu à des célébrations «normales» lors de toutes les victoires suivantes, jusqu’à et y compris la Vuelta. Sauf au championnat du monde de Wollongong, où il a une fois de plus mis le doigt sur la bouche. «Je voulais montrer que les critiques à l’égard de l’équipe belge de l’année dernière étaient en partie injustifiées», a-t-il expliqué. Cependant, dans l’euphorie de son titre mondial, ça n’a guère, voire pas du tout, été souligné en Belgique. Alors que les analystes étrangers étaient plus critiques: «Voilà encore le footballeur».

Bouteilles de ketchup cassées

Néanmoins, la différence entre Remco 1.0 et 2.0 reste remarquable. Même dans le cercle familial, loin des projecteurs. Déjà avant sa chute en Lombardie, son côté maniaque pour qui tout doit être parfait, avait parfois irrité. Comme l’expliquait le père Evenepoel dans LeSoir l’année dernière: «Un grain de sable peut être une catastrophe. Par exemple, un contrôle antidopage juste avant qu’il ne veuille commencer son entraînement.»

Pendant sa rééducation, qui a duré plusieurs mois, le risque d’explosion a encore augmenté. D’autant plus qu’Evenepoel avait l’impression d’avoir perdu tout contrôle sur son corps et sa carrière. Une frustration qu’il a déversée sur ses parents et sa petite amie. Ou sur des bouteilles de ketchup en verre et sur des vases, qui se sont brisés en mille éclats sur le sol. Ou sur les bidons qu’il lançait à la tête de son père pendant l’entraînement derrière derny, parce qu’il roulait trop vite ou trop lentement.

En particulier avec Patrick, qui, de son propre aveu, a la réplique facile, les choses se sont souvent envenimées. Tandis que la mère Agna jouait le rôle de pacificatrice, essayant de calmer son fils lorsqu’il était sur le point d’exploser. Evenepoel lui-même a réalisé plus tard qu’il avait blessé ses parents en agissant de cette façon. «Ils ont versé des larmes. Et moi aussi», a-t-il déclaré dans la série documentaire «Ik ben Remco».

Mais comme il est redevenu coureur grâce à un hiver normal, sans souci de rééducation, le volcan à l’intérieur d’Evenepoel s’est éteint. D’autant qu’il a délibérément jeté de la glace sur la lave qui coulait dans ses veines. «J’ai essayé de travailler là-dessus pendant l’hiver», a-t-il déclaré au Nieuwsblad avant le Tour de Valence, sa première course de la saison 2022. «Dans les moments de nervosité, j’ai essayé de ne pas m’en prendre à mes parents, à ma petite amie, à mes amis. Ça va aussi m’aider dans les moments de stress de la course.»

Cette introspection est également remontée à la surface des mois plus tard, à un moment remarquable. Malgré l’euphorie qui régnait après l’avant-dernière étape de la Vuelta, le natif de Schepdaal a spontanément confié au journaliste de SporzaChristopheVandegoor qu’il avait été «difficile et égoïste» par le passé, en tant que personne et en tant que coureur. «J’ai vécu beaucoup de choses, mais ça m’a aussi fait prendre conscience de beaucoup de choses. Ça a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Bien que je n’y sois pas arrivé tout seul. De nombreuses personnes y ont contribué.»

Joie intense

Pendant la Vuelta, cette gratitude est également revenue souvent. En particulier pour ses parents et sa petite amie Oumi, qui a souvent accompagné Evenepoel lors de stages de plusieurs semaines – un autre facteur d’apaisement. Lors de son discours à Madrid, il les a mentionnés en premier, avec insistance. Et lorsque ses parents se sont retrouvés coincés dans la foule après sa victoire dans le contre-la-montre, il a demandé aux organisateurs de leur permettre d’accéder à la zone située devant le podium. Car, a-t-il expliqué: «Je suis très heureux que ma famille soit ici. Même si je ne les ai pas vu beaucoup, j’ai senti leur soutien. Dans ma tête et dans mes jambes.» Après l’étape la plus difficile pour lui, avec une arrivée sur la Sierra de la Pandera, il a également déclaré après coup qu’il avait pensé à Oumi dans les derniers kilomètres délicats.

Ilan Van Wilder congratule son leader Remco Evenepoel: la Vuelta est dans la poche!
Ilan Van Wilder congratule son leader Remco Evenepoel: la Vuelta est dans la poche!

Tout aussi remarquable au cours de ces trois semaines: les nombreux mots de remerciement adressés à ses coéquipiers de Quick-Step. Le discours cliché est souvent obligatoire, mais avec Evenepoel, la sincérité dégoulinait. La façon dont Ilan Van Wilder et Louis Vervaeke, entre autres, l’ont chaleureusement embrassé après l’avant-dernière étape en est la preuve. Pas de faux bonheur, mais une joie intense pour leur leader qui s’était comporté positivement, y compris par des discours motivants.

Des émotions que le tout frais vainqueur de la Vuelta a également partagées avec son copain Siebe Roesems et sa petite amie. Ils avaient pris l’avion pour Madrid le dimanche matin à la demande d’Evenepoel. «Il tenait absolument à ce que je sois là, même si nous n’avons pu nous voir que brièvement ce jour-là», raconte Roesems. «Le lundi matin, j’ai reçu un message: Petit-déjeuner dans dix minutes? Après tout, on dormait dans le même hôtel. Après quoi, on a pris le petit-déjeuner ensemble pendant trois heures. Ces moments tranquilles, avec sa famille et ses amis, des gens qui ne le voient pas comme «le coureur», sont très importants pour Remco.

Pourtant, quelque chose d’autre a frappé Roesems ce matin-là: «Pas la moindre trace de décompression après la réalisation de son rêve de grand tour. Même à cette époque, Remco avait la tête au Mondial. Il s’est même limité à un petit-déjeuner léger et sain. Le fait qu’il ait gardé cette concentration pendant deux semaines supplémentaires pour réaliser cet autre rêve, c’est phénoménal.»

Jamais, donc, le soleil n’a brillé plus fort sur Remco Evenepoel que sur le podium du Mondial à Wollongong, avec le maillot arc-en-ciel sur les épaules. Un champion du monde et un vainqueur de la Vuelta qui, en un mois, a fait disparaître tous les préjugés à son sujet. Parce que ses jambes en or ont pédalé plus fort que jamais. Mais surtout parce qu’il a tiré les leçons de la période difficile qui a suivi sa chute en Lombardie. Ou comment le 15 août 2020 a également été un jour de chance.

Comment Wout van Aert a vécu la même évolution

On l’a oublié depuis longtemps en raison de son image quasi immaculée et de sa grande popularité, mais Wout van Aert a également connu une évolution similaire à celle de Remco Evenepoel. Bien que ça n’ait pas été autant mis en avant, car le cyclo-cross dans lequel le Campinois excellait à l’époque est un petit monde, et parce que les réseaux sociaux n’étaient pas encore aussi présents.

Pourtant, en tant que jeune coureur de cyclo-cross, Van Aert s’est aussi parfois laissé aller à des gestes émotionnels et à des réactions cassantes, envers le public ou lors d’interviews. Comme à Niel, en novembre 2013, après l’agitation qu’avait provoqué son transfert de Telenet-Fidea à Vastgoedservice. C’est ainsi qu’après son tout premier duel avec Sven Nys, il a franchi la ligne d’arrivée en deuxième position, le doigt sur les lèvres. Et il a dit: «Assez parlé.»

Il a également réagi autant avec la bouche qu’avec les jambes deux mois plus tard, lorsqu’il n’a pas été autorisé à s’élancer après un faux départ lors du championnat de Belgique Espoirs à Waregem. Van Aert a quand même sauté sur son vélo, mais a dû en descendre après un tour, très en colère. Sur Twitter, il a reconnu son erreur, même s’il a également dénoncé le jury et le manque de collégialité de ses adversaires. Ses paroles ont dépassé sa pensée, mais elles ont suscité des commentaires. Comme en 2015, lorsque le natif de Lille, en Campine, s’est incliné pour la première fois à Valkenburg, après cinq victoires consécutives, et a déclaré aux journalistes qu’il était «enfin débarrassé de leur harcèlement» (sur sa série de victoires).

Son directeur sportif de l’époque, Niels Albert, a mis en garde Van Aert contre ces déclarations trop fracassantes. Il a alors davantage pesé ses mots et a réagi avec plus de sérénité et de maturité face aux polémiques. Sans perdre sa spontanéité.

Le Campinois est également de plus en plus conscient de l’importance de son image. En décembre 2015, par exemple, il a confié à Sport/FootMagazine que peu de temps avant, à Gavere, il avait voulu faire un geste excentrique de victoire à la Peter Sagan, mais s’en était abstenu. «Je ne veux pas qu’on me traite de dikkenek», a-t-il expliqué. Van Aert a cependant fait ces gestes de victoire plus tard. Souvent même, comme lors du dernier Tour de France. Comme il a largement étoffé son palmarès, ça a été accepté.

D’autant que Van Aert a construit une bonne relation avec ses désormais nombreux supporters. Pourtant, il a dû travailler sur ce point également. Lorsqu’il était Espoir, il ne s’arrêtait jamais pour un autographe et faisait même semblant de ne pas entendre ses fans. Jusqu’à ce que Bart Wellens lui fasse comprendre qu’il devait trouver du temps pour ses supporters.

Comme une vedette qui, à l’époque, avait également besoin de temps pour gérer la pression liée à l’obligation de résultats. Ainsi, pour son premier championnat de Belgique chez les pros, il n’a terminé que troisième à Erpe-Mere alors qu’il était le grand favori. Il était paralysé par le stress. En partie grâce au coach mental Rudi Heylen, Van Aert a ensuite appris à se concentrer sur ce qu’il pouvait contrôler lui-même. Ce n’est pas un hasard si le livre qui lui a été consacré s’appelle «Ik fiets focus» (Je roule concentré).

Cet état d’esprit et cette communication adaptés, couplés à des prestations incroyables sur la route, ont ainsi fait exploser la popularité de Van Aert. Tout comme les fans belges de cyclisme sont de plus en plus nombreux à adopter Remco Evenepoel, après sa «transformation».

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