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100 ans des Six jours de Gand: le décès d’Isaac Gálvez, le drame ‘t Kuipke

Retour sur l’épisode le plus sombre de l’histoire centenaire des Six Jours de Gand: la chute mortelle de l’Espagnol Isaac Gálvez en 2006. Nous y étions.

25novembre 2006, on dispute la deuxième course par équipes de la soirée. Après un contact avec Dimitri De Fauw, Isaac Gálvez est catapulté contre une balustrade et s’écrase au sol. Il ne bouge plus. Nous sommes à ces Six Jours de Gand et nous assistons à cette terrible scène, tout près de l’action. Finalement Gálvez bouge un peu les jambes et, pendant un instant, on pense que ça va bien se finir. Mais quand les médecins se lancent dans une opération de réanimation, les visages dans la foule se figent. Un froid glacial tombe sur le Kuipke. Les 4.000 spectateurs observent le manège du corps médical sur la piste. Le coureur allemand Christian Grassmann est dans sa cabine, il pleure comme un gosse. Juan Llaneras, le coéquipier de Gálvez, fait les cent pas, son téléphone à la main. Un quart d’heure après la chute, les urgentistes de l’hôpital universitaire de Gand sont sur place. Les tentatives de réanimation se poursuivent.

Quand les organisateurs annoncent qu’ils ont décidé, en accord avec les coureurs, de stopper la course, le public se met à applaudir.

Jamais, dans notre très longue carrière journalistique, nous n’avions connu une telle ambiance. Les gestes pour essayer de réanimer l’Espagnol durent une grosse demi-heure. Des bâches ont été tendues autour des médecins et du coureur pour le protéger des regards. Mais on aperçoit quand même la scène. Gálvez est ensuite placé sur une civière, avec beaucoup de précautions. Et emmené vers l’hôpital. Pendant qu’on l’évacue, les tentatives de réanimation continuent. Les images sont hallucinantes, horribles. Elles donnent la chair de poule. Ça fait un moment que tout le monde a compris que c’est très grave. Llaneras suit les ambulanciers, quelques spectateurs font un malaise, un membre du comité d’organisation ressent subitement des douleurs au niveau du cœur et doit être embarqué vers l’hôpital. Quand les organisateurs annoncent qu’ils ont décidé, en accord avec les coureurs, de stopper la course, le public se met à applaudir. Les gens quittent ensuite le Sportpaleis. Calmement.

Officiellement, c’est un accident de travail

On voit quelques personnes qui ne peuvent retenir leurs larmes. Dans le parc qui entoure le Kuipke, des gens ont le regard perdu. Isaac Gálvez, 31 ans et marié depuis quelques semaines, est décédé durant son transport en ambulance. Dès qu’ils l’apprennent, les organisateurs annoncent que les Six Jours sont définitivement arrêtés. Au palmarès, il n’y aura pas de vainqueur pour l’édition 2006.

L’accident de l’Espagnol suscite des questions. Les courses par équipes sont par essence hyper dangereuses, avec des coureurs qui atteignent jusqu’à 55 km/h. Lors des relais, ils doivent trouver leur coéquipier dans une nuée de coureurs. En général, treize équipes s’alignent sur la piste de Gand, qui fait 166 mètres. Ça fait 26 sauvages. Pour rester sur sa bécane, il est nécessaire d’être incroyablement agile et d’avoir des réactions au dixième de seconde. S’il y a aussi peu de chutes, c’est parce que ces coureurs sont au sommet de leur art. Mais, c’était inévitable, un accident grave devait arriver. C’est le vélodrome de Gand qui en a eu le triste privilège.

L’enquête du Parquet a conclu que la mort d’Isaac Gálvez était la conséquence d’un accident de travail. Ça peut paraître lugubre mais c’est comme ça: comme dans les sprints massifs, comme dans la descente d’un col, les chutes sont un risque du métier lors des Six Jours. On peut donc s’étonner qu’il n’y ait pas plus de drames. En 1956, Stan Ockers s’est tué sur la piste d’Anvers. Il était champion du monde en titre et ce drame avait plongé la Belgique entière dans le deuil. En 1969, le pilote de derny d’Eddy Merckx, Fernand Wambts, a trouvé la mort sur la piste de Blois, en France. Merckx a été emporté dans la chute, il a mis beaucoup de temps à s’en remettre mentalement et il a gardé comme séquelles une douleur chronique au dos. Il a toujours dit qu’après cet accident, il n’avait jamais retrouvé l’intégralité de ses moyens dans la montagne.

La mort d’un champion du monde

Pendant ces Six Jours de Gand, Isaac Gálvez avait fait sensation. Sa pointe de vitesse lui avait permis de déclencher quelques feux d’artifice et il ambitionnait, avec son coéquipier Llaneras, de se hisser définitivement parmi le top mondial de la discipline. Les deux hommes portaient le maillot de champions du monde de la course par équipes.

Dans un premier temps, après l’accident, Juan Llaneras a décidé de mettre fin à sa carrière. Il s’est retiré pendant quelques semaines à Majorque pour faire le point. Puis il a conclu que cette décision n’était pas une solution. Il a fait son retour à la compétition au début de l’année 2007, bien décidé à ne plus jamais participer à des courses par équipes. Il est devenu pour la quatrième fois champion du monde de la course aux points. Ce jour-là, il a fait son tour d’honneur sans pouvoir retenir ses larmes. Finalement, il a recommencé à s’aligner dans des courses par équipes et des Six Jours. En janvier 2009, il s’est imposé aux Six Jours de Rotterdam, associé au Néerlandais Pieter Schep. Le soir, dans sa chambre d’hôtel, il a chialé comme un gosse.

Aujourd’hui, à l’entrée du vélodrome de Gand, il y a toujours un hommage à Isaac Gálvez. En souvenir du moment le plus tragique vécu par le Kuipke.

L’autre acteur du crash s’est suicidé

Dimitri De Fauw était une attraction sur la piste. Grâce à son explosivité et ses cuisses surdimensionnées, il se mettait surtout en évidence dans les courses annexes. Chaque année, lors des Six Jours de Gand, il était le plus rapide sur un tour et il faisait tanguer le Kuipke. Mais après cet accident où son guidon et celui d’IsaacGálvez se sont emmêlés, il n’a plus pu prendre de plaisir sur le vélo. Il a fait une dépression, il s’en voulait énormément, même s’il n’était pas responsable du drame, et personne ne le lui reprochait. Il n’a pas été capable de surmonter le décès de l’Espagnol. Sa carrière a été une succession de coups durs, et trois ans après le crash, il s’est donné la mort.

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