Emma Meesseman est l'un des fers de lance sportifs de la Belgique qui gagne © BELGA

Basket, patinage, athlétisme: et si la Belgique était en train de devenir un pays de sport?

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

Souvent perdante dans la comparaison avec ses voisins du nord, la Belgique brille sur des terrains sportifs de plus en plus nombreux. Avec les JO en ligne de mire.

En deux fois deux tours de la piste indoor de Glasgow, Alexander Doom a joué un rôle majeur dans le palmarès de la Belgique aux championnats du monde d’athlétisme en salle. Épaulé par les trois autres relayeurs sur le 4×400 mètres, et par la discrète mais toujours efficace Noor Vidts pour le pentathlon, le Flandrien était le contributeur majeur d’une moisson de médailles inédites qui plaçait le pays à la deuxième place mondiale, dans le sillage des États-Unis.

Sur les terrains de sport, l’exploit n’en est presque plus un. Parce que ces derniers mois, la Belgique a multiplié les accomplissements dans les sports individuels ou collectifs. Si les succès des Diables rouges, de Remco Evenepoel et Lotte Kopecky ou des Red Lions en hockey ne sont plus des surprises, on dirait bien que le sport noir-jaune-rouge a élargi son spectre. Les victoires vont maintenant des parquets de basket, où les Cats emmenées par l’incontournable Emma Meesseman se sont brillamment qualifiées pour les Jeux olympiques de Paris, aux patinoires où la Belgique a accumulé les médailles européennes dans toutes les disciplines grâce à Hanne Desmet, Nina Pinzarrone, Loena Hendrickx ou Bart Swings.

À quelques mois des JO d’été, les perspectives semblent plutôt réjouissantes pour une Belgique qui se met à chasser hors de ses territoires de prédilection. Certes, c’est encore grâce au moteur national principal qu’est le cyclisme que la Belgique devrait au moins tutoyer son record de médailles d’après-guerre (7) à Paris. L’agence de statistiques GraceNote, qui prédit les médailles des prochains Jeux olympiques en fonction des performances des athlètes de chaque discipline, place ainsi le pays aux portes du top 20 mondial lors de la future olympiade, avec onze médailles dont quatre d’or.

Ascensions en solitaire

Tout cela est-il vraiment le fruit d’une politique globale ? Robert Van de Walle aurait tendance à penser le contraire. Champion olympique de judo lors des Jeux de Moscou en 1980, il reste l’un des visages forts d’un sport qui a offert douze médailles olympiques à la Belgique depuis 1984, mieux que le cyclisme (8) et l’athlétisme (5). Il n’ose pourtant « pas parler d’une école de judo belge. En Belgique, ce sont des individus qui parviennent à percer envers et contre tout. La seule différence, c’est qu’aujourd’hui, les athlètes belges sont bien soutenus. »

Si les footballeurs, les cyclistes masculins ou les meilleures joueuses de basket n’ont pas besoin d’aide financière nationale pour briller au plus haut niveau, une bonne centaine de sportives et sportifs sont ainsi soutenus financièrement et dans l’encadrement par Sport Vlaanderen et par l’Adeps.

En haut de la liste, on retrouve ceux qui pratiquent les différentes disciplines d’athlétisme, avec 27 athlètes « d’élite » dont Nafi Thiam, Bashir Abdi ou les membres des Belgian Tornados. Ensuite, les hockeyeurs et hockeyeuses se taillent la part du lion avec 21 privilégiés. Uniquement représentés en Flandre, les sports sur patinoire (vitesse, artistique ou short-track) suivent à bonne distance avec sept sportives et sportifs subsidiés. Des disciplines qui, lors des dernières olympiades d’été ou d’hiver, ont rapporté à la Belgique l’essentiel de ses médailles.

La stratégie sportive de la Belgique

Serait-ce le résultat de la politique sportive belge ? Ou bien les choix de la politique sportive belge sont-ils la conséquence de ces résultats ? Un peu comme pour les Diables rouges, où l’Union belge de football a surfé sur l’éclosion spontanée de la génération dorée pour structurer et financer son évolution en-dehors des terrains, la deuxième option est la plus vraisemblable. « Sur la route de l’excellence, on doit mettre du partage et de l’exigence. Le problème, c’est que le système belge ne permet pas d’avoir une vision globale et de créer une ligne directrice nationale », expliquait Jacques Borlée au Vif voici quelques mois. Le coach des relayeurs belges du 4×400 aime parler d’une Belgique des tribus, où l’ascension vers le sommet se fait dans le noyau familial, avant de solliciter des aides extérieures pour se maintenir sur les hauts plateaux de performance.

Là, les deux pans sportifs du pays – au nord et au sud – semblent avoir adopté la même stratégie : miser sur les sports et les athlètes capables de rapporter des médailles olympiques, pour susciter des vocations. C’est ainsi qu’en Flandre comme en Fédération Wallonie-Bruxelles, on subsidie désormais des breakeurs, puisque le breakdance est au menu des prochains Jeux olympiques. Au nord du pays, quatre hommes sont également subsidiés pour le basket à trois contre trois, sport devenu olympique à Tokyo et dans lequel la Belgique était passée tout près d’une médaille.

Un soutien est également promis aux sportives et sportifs qui sont dans le top 8 mondial de leur discipline, et donc en mesure de se mesurer aux meilleurs, comme l’haltérophile Nina Sterckx, la gymnaste Lisa Vaelen, la taekwonda Sarah Chaari ou le triathlète Marten Van Riel. Avec l’espoir que l’investissement rapporte non seulement une médaille, mais aussi un enthousiasme populaire nouveau autour de sports trop peu médiatisés, et donc attirer plus d’enfants vers un rêve olympique.

Certains parlent de politique opportuniste, d’autres d’investissements ciblés dans un pays qui n’a pas les fonds nécessaires pour miser sur tous les chevaux à la fois. Quelle que soit la vérité, elle semble porter ses fruits : sur les deux dernières olympiades hivernales, la Belgique a remporté trois médailles, soit autant que lors des 18 précédentes. L’été, 2016 et 2020 ont permis d’enchainer deux JO à six médailles ou plus pour la première fois depuis la succession 1920-1924.

À son rythme et à sa manière, toujours à distance raisonnable de son voisin batave, la Belgique a peut-être trouvé sa manière de devenir un pays de sport.

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