Un buteur LENT, RAIDE et BLESSE
» Le médecin m’a planté une aiguille dans le dos et l’a tournée dans tous les sens «
Depuis son opération au dos, en septembre 2002, sa carrière ne tient qu’à un fil. Fin 2003, Rune Lange a pourtant été délivré de ses maux. Il a été titularisé à nouveau et a repris le chemin du but : deux contre Westerlo, deux contre Mouscron, un contre le Celta de Vigo, un contre l’Ajax et un contre le Lierse.
Seule la trêve hivernale l’a arrêté : » Mi-octobre, la douleur a brusquement disparu, j’ignore pourquoi. Mais à la fin du premier tour, j’ai à nouveau senti quelque chose à la jambe droite, sans doute à cause de la lourdeur des terrains, qui a fait souffrir mon dos « .
A quel point avez-vous souffert l’an dernier ?
Rune Lange : Après mon opération, j’ai été down car je devais attendre longtemps avant de rejouer. Au début, j’ai senti une amélioration mais au bout de trois ou quatre mois, plus rien. Ce fut dur. Quand on travaille sans progresser… Aucun traitement ne m’aidait. J’étais frustré de ne pas avoir de thérapie qui permette de dire quand je serais guéri, comme c’est généralement le cas après une intervention.
N’avez-vous pas cherché de l’aide en dehors du club ?
Le club n’apprécie pas ça : il faut tout faire en son sein. Le médecin du club m’a envoyé chez un spécialiste de l’AZ de Gand mais il n’a pu m’aider. Il a regardé les radios, m’a piqué une aiguille dans le dos et l’a tournée dans tous les sens pour essayer de toucher le bon nerf. Manifestement, il n’a rien trouvé car je n’ai rien senti. Depuis l’été, je subis régulièrement des infiltrations sous anesthésie. J’en ai eu quatre ou cinq avant que la douleur cesse.
On s’est demandé si vous pourriez rejouer au plus haut niveau. En êtes-vous sûr, maintenant ?
Je serais déjà très heureux si je restais comme durant les deux mois qui ont précédé la trêve. Dans ces conditions, jouer ne constituerait pas de problème. En revanche, si la douleur revenait régulièrement et que je devais subir de nouveaux traitements, je ne sais pas.
On vous a dit que vous seriez encore plus raide qu’avant… et ce tout le reste de votre vie. Qu’en est-il ?
Je suis plus raide. Je peux sortir de mon lit mais je ne peux guère m’étirer du côté droit. Quelque chose me bloque. Ce n’est cependant pas un gros problème en match. Je dois effectuer régulièrement des exercices pour renforcer mon dos, mais c’est difficile quand nous avons deux matches par semaine car je dois alors me reposer.
Où est votre condition physique ?
Comme j’ai raté la préparation, mes séances actuelles sont très importantes pour me permettre de prester régulièrement.
Les pièges de la LC
Est-ce un hasard si vous jouez plus souvent à domicile qu’en déplacement ?
Au Club, nous affrontons des adversaires très défensifs. Peut-être l’entraîneur veut-il un avant capable de se battre beaucoup dans un rectangle surpeuplé mais je préfère jouer contre des équipes qui laissent des brèches, comme c’est le cas en déplacement : là, nos hôtes doivent quand même un peu attaquer, par égard pour leur public. Il nous est donc plus facile de nous créer des occasions.
Votre manque de vitesse n’est-il pas un handicap ?
Si mais il s’agit aussi de prendre les bonnes décisions, d’effectuer dans ses mouvements, d’adopter une bonne position. En football, il faut être malin, exploiter ses occasions.
Quel effet ça vous a-t-il fait de marquer deux buts contre Westerlo, lors de votre retour ?
J’étais heureux de marquer pour l’équipe lors de ma première titularisation. C’était important, car pendant un an, je n’avais rien fait pour mon employeur. Je voulais lui rendre quelque chose, mériter l’argent qu’il me verse. J’ai revécu en me rendant enfin utile. Il m’est ainsi plus facile de…
… vous faire accepter ? Car votre style est fort critiqué. Dans quelle mesure cela a-t-il un impact sur votre rendement ?
Ça ne me touche pas tellement sur le terrain mais dans la vie quotidienne… Un homme reste un homme. Je fais de mon mieux mais certains tentent toujours de trouver des points négatifs. Je ne me fixe pas trop sur ce qui paraît dans les journaux. Actuellement, beaucoup de gens sont positifs à mon égard, dans la rue et dans les tribunes. J’ai fait la connaissance de beaucoup de gens qui me soutiennent, à Bruges. Il y a toujours des mécontents mais j’essaie de ne pas y penser. Peut-être faut-il faire avec, en Belgique.
Est-ce différent en Norvège ?
Là, on ne parle pas autant en public des choses négatives. Le football est un sport collectif. Quand ça ne va pas, c’est à cause de toute l’équipe. Ici, on vise des individus. C’est nouveau pour moi.
Chaque équipe est formée d’individus qui ont chacun leur tâche à assumer, non ?
Oui, mais pourquoi les avants ne seraient-ils pas bons d’un seul coup ? La saison passée, ils ont inscrit plus de 100 buts. S’ils marquent moins, c’est parce que l’équipe ne fonctionne plus aussi bien. On critique les attaquants mais nous encaissons plus de buts. Si la défense est solide, le jeu offensif coule de source. Or, maintenant, nous sommes fragiles.
Pourquoi vous êtes-vous disputé avec Antoine Vanhove par presse interposée, en décembre ?
J’ai répondu à ses déclarations. Il disait que les attaquants n’étaient pas en forme. J’ai trouvé ça malvenu, surtout avant le match décisif contre l’Ajax. Il peut dire ce qu’il veut mais s’il n’est pas content, je préfère qu’il me le dise personnellement. J’estime que personne ne devrait s’épandre en propos négatifs, en public, à l’égard d’une personne de la même société. Avez-vous déjà entendu Alex Ferguson dire du mal d’un joueur ? Ou le président de l’AC Milan affirmer que Rivaldo n’est pas assez bon, parce qu’il ne joue pas ? Enfin,… Vanhove a finalement discuté avec Bengt Saeternes et moi dans son bureau. Nous sommes d’accord sur le fait que les journaux ont sans doute gonflé l’affaire et qu’il était temps de refermer ce chapitre.
Que pensez-vous de la presse belge ?
Si vous me le demandez, je vous répondrai qu’elle est trop extrême : elle passe du ciel à l’enfer, sans nuances, avec trop d’émotions. Certains journaux ne cherchent que les choses négatives et se focalisent là-dessus. L’ambiance est trop négative.
Difficile de confirmer le titre
Il ne faut pas chercher loin avec Bruges, qui a perdu 23 points en une demi-saison. Comment est-ce possible ?
Il y a beaucoup de raisons. La saison passée, nous avons couru après le titre. Maintenant, nous le détenons et tout le monde veut nous battre. Ça peut faire une différence. On peut être trop à son aise. Parfois, nous essayons de trop bien jouer, d’entrée de jeu, face à des formations qui n’ont qu’une envie : nous battre. C’est comme ça que Heusden-Zolder et le Germinal Beerschot nous ont vaincus. Nous pensons que ce sera facile puis nous encaissons un but et il nous est difficile de revenir dans le match alors que notre adversaire sent l’exploit à sa portée et se bat comme si sa vie était en jeu. Nous n’avons pas été assez bons dans beaucoup de matches alors qu’Anderlecht est fantastique et n’a perdu que cinq points. D’où ce gouffre.
Certains joueurs ne choisissent-ils pas leurs matches, se donnant à fond seulement pour la Ligue des Champions et les matches internationaux ?
Peut-être. Il est possible que la motivation de certains soit supérieure en Ligue des Champions qu’en championnat. Il n’est pas évident de passer de la coupe d’Europe au championnat en trois jours. Chaque saison livre des exemples d’équipes qui brillent surt la scène continentale mais peinent en championnat. En Ligue des Champions, on peut mieux développer son jeu, en plus, alors qu’en Belgique, tout le monde joue défensivement contre nous, pour casser notre rythme. C’est très difficile. Peut-être ne sommes-nous pas assez affûtés pour remporter cette guerre avant de penser au beau jeu.
Y a-t-il, comme le soutient l’entraîneur, un lien entre la défaite à Heusden-Zolder et le décès brutal du père d’Olivier De Cock ?
Nous avons en tout cas été très touchés et la préparation du match n’a pas été idéale mais je suis incapable de mesurer l’impact exact de ce décès sur notre prestation. Je ne peux pas parler pour les autres. Ça varie certainement de personne à personne. Se distancier complètement de ça alors qu’on porte un brassard noir n’est pas évident, en tout cas. Encore faut-il parvenir à ne pas y penser sur le terrain car qui dit que ça ne brûle pas inconsciemment l’énergie ? Je ne sais pas.
Un champion qui peine connaît d’autres problèmes. Ainsi, des jeunes Belges qui font banquette ou se retrouvent dans la tribune estiment qu’ils feraient mieux que les étrangers au contrat supérieur.
Voilà ce que je voudrais dire à ce propos : il n’est pas bon pour un groupe de compter trop d’étrangers. Il y en a trop en Belgique. Par exemple, leur surnombre empêche les jeunes Belges d’émerger. Pour l’ambiance, il est aussi préférable que les Belges soient majoritaires. Toutefois, je trouve qu’en Belgique, Bruges est une des équipes qui alignent le moins d’étrangers, même si trois ont encore été transférés alors que trois Belges partaient : Koen Schockaert, Tjörven De Brul et Jimmy De Wulf. Quand on perd, ça peut poser problème.
La problématique du gardien est un exemple type. Après la gaffe de Tomislav Butina à Lokeren, Stijn Stijnen n’a pas mâché ses mots.
Stijn n’a pas bien agi. J’ai été très surpris. On ne parle pas en ces termes d’un coéquipier. Quand on n’aime pas quelqu’un, on le lui dit mais on n’en parle pas dans la presse. Ceux qui ne jouent pas ont la critique facile.
Butina est un bon gardien !
Comment êtes-vous arrivé dans le conseil des joueurs ?
Marc Degryse trouvait qu’un étranger devait en faire partie et j’ai été élu par les étrangers pendant le stage. Comme ça, les réunions peuvent avoir lieu en néerlandais (il rit). Je trouve important pour l’ambiance et les contacts sociaux que ceux qui viennent jouer en Belgique en apprennent la langue mais je constate que tout le monde ne partage pas le même enthousiasme.
Qu’en est-il de Tomislav Butina ?
L’énergie négative qui s’est abattue sur lui après le match contre Lokeren l’a abattu. Il n’avait jamais vécu ça auparavant. Il n’avait jamais été attaqué aussi directement. Ça l’a sérieusement perturbé mais il revient dans le coup.
Est-il aussi mauvais que l’image qu’on a de lui en Belgique ?
Non. A son arrivée, il a prouvé qu’il avait beaucoup de qualités et qu’il constituait un renfort pour le club. A l’entraînement, il arrête vraiment tout. C’est un très bon gardien mais il a été malheureux, suite à des circonstances que je comprends. A Lokeren, ainsi, quand Dany s’est blessé à l’échauffement, il n’a pas eu l’occasion de bien se préparer. La concurrence avec Dany est dure mais prétendre qu’il est mauvais et qu’il n’a rien à faire ici n’est pas fair-play. N’oublions pas les penalties qu’il a arrêtés à Dortmund. C’était quand même important !
Il y a tout juste un an, vous nous avez déclaré que Bengt Saeternes allait rendre l’équipe meilleure. Pourquoi n’émerge-t-il pas ?
Il a connu un moment difficile avec sa fracture de la jambe. Depuis, il n’a pas eu de chance mais il a des qualités. Il est rapide, costaud et il a un bon tir du droit. Et même du gauche, d’ailleurs.
Rapide, dites-vous ? Trond Sollied avait déclaré qu’il était peut-être plus rapide que Mendoza mais entre-temps, nous avons constaté qu’il utilise sa force mais qu’il n’est pas tellement rapide, pas assez pour jouer sur le flanc, en tout cas.
Que dois-je répondre ? Peut-être a- t-il l’air plus rapide qu’il ne l’est mais je vous l’ai déjà dit : tout n’est pas question de vitesse. Je pense que Bengt a repris confiance grâce à ses buts contre l’Ajax et Mons, qu’il est en progrès et qu’il va poursuivre sur sa lancée au deuxième tour.
A quel point faut-il prendre au sérieux les critiques qui fusent sur l’entraîneur ? Sa quatrième saison est-elle celle de trop ?
A l’entraînement, certains préfèrent peut-être davantage ses exercices mais je ne trouve pas que c’est un problème. D’ailleurs, quand on joue deux matches par semaine, comme ce fut le cas pendant le premier tour, on ne peut pas faire grand-chose, à part préparer le match suivant.
Encore des répétitions de matches !
Quand on doit s’entraîner intensément deux heures par jour, on n’a pas le droit de se plaindre. On incrimine trop aisément l’entraîneur. Selon moi, un joueur doit assumer ses responsabilités, sans toujours attendre que l’entraîneur le prenne par la main. Nous sommes des adultes. En cette qualité, nous ne pouvons arriver au club en nous imaginant que l’entraîneur va tout faire pour nous. Un joueur doit s’auto-motiver, vouloir donner le meilleur de lui-même et progresser.
Voilà une saine philosophie, mais n’est-ce pas la tâche de l’entraîneur et du staff d’aider les joueurs, de donner à chacun ce dont il a besoin pour bien fonctionner. Un suivi psycho-émotionnel n’est-il pas utile, par exemple ?
Peut-être mais il est possible que ce soit le cas. L’entraîneur parle davantage avec certains, en fonction de leurs besoins individuels. Ceux qui gèrent moins bien le stress et ont besoin de soutien peuvent le demander. Il ne faut pas avoir peur de s’adresser à Trond.
Christian Vandenabeele
» On s’en prend TROP FACILEMENT à l’entraîneur »
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