Pourquoi Roland Garros risque de vivre la fin d’une folle série de 20 ans
Nadal à la peine, Djokovic hors de forme, Roland Garros pourrait réserver une finale historique après deux décennies de domination du Big Three sur le tennis mondial.
C’était au mois de juin 2004. La Coupe des mousquetaires ne semblait pas en mesure d’échapper à Guillermo Coria, surclassant son compatriote Gaston Gaudio durant les deux premiers sets. Un duel d’Argentins finalement conclu en cinq manches, avec l’un des retournements de situation les plus spectaculaires de l’histoire récente de Roland Garros.
Dès l’année suivante, les surprises deviennent bien plus rares. Un autre Argentin, le dernier à avoir atteint la finale Porte d’Auteuil, se retrouve face au jeune et talentueux Rafael Nadal, alors présenté comme le futur roi de la terre battue. L’Espagnol s’impose et remporte son premier Roland Garros. Treize autres suivront, ne laissant que des miettes à Novak Djokovic (3 victoires) et aux Suisses Roger Federer (1) et Stanislas Wawrinka (1). Depuis 2005, les 19 finales disputées ont toujours vu au moins un membre du fameux «Big Three» (Federer, Nadal et Djokovic) monter sur le court Philippe Chatrier. A sept reprises, il s’agissait même d’un duel: quatre victoires de Nadal contre Federer, trois du Majorquin face à Djokovic. L’habitude pourrait prendre fin cette année, car le règne des grands champions du début de siècle semble atteindre son crépuscule.
Roger Federer parti à la retraite, il ne reste plus que Rafael Nadal et Novak Djokovic pour honorer la tradition. Le problème, c’est que le retour de blessure du premier ressemble à une longue tournée d’adieux plus abondamment parsemée de rechutes que de victoires. Quant au Serbe, il débarquera à la Porte d’Auteuil sans avoir atteint la moindre finale lors des premiers mois de la saison, un phénomène arrivé à une seule reprise en près de vingt ans. Même si les deux principales incarnations de la relève, Carlos Alcaraz et Jannik Sinner, ne sont pas non plus au sommet de leur forme physique à l’aube du deuxième tournoi du Grand Chelem de la saison, le scénario d’une finale sans membre du «Big Three» est plus que probable. Ce serait donc une première en vingt ans.
Aucun autre tournoi du Grand Chelem n’a connu une telle fréquence de présence des trois grands champions du siècle pour son apothéose. Sur le gazon de Wimbledon, la finale de 2016 oppose le Britannique Andy Murray, alors au sommet de son art, au Canadien Milos Raonic qui a surpris Roger Federer en demi-finale. Djokovic, méconnaissable, est sorti au troisième tour par Sam Querrey, tandis que Nadal doit déclarer forfait à cause de son poignet. C’est à New York que la triple absence a été la plus fréquente, observé en 2022 (Alcaraz contre Ruud), en 2020 (Medvedev face à Zverev) et en 2014 (Cilic contre Nishikori). L’Australie, elle, terre de prédilection de Djokovic, n’avait plus connu une affiche sans un membre du trio depuis 2005 et le duel entre le local Lleyton Hewitt et l’excentrique Marat Safin, jusqu’à ce que Jannik Sinner fasse chuter le numéro 1 mondial cet hiver aux portes de la finale, ensuite remportée face à Medvedev.
En cas d’absence de Nadal et de Djokovic en finale de Roland Garros le 9 juin prochain, un autre phénomène se produirait pour la première fois depuis bien longtemps: un deuxième tournoi du Grand Chelem consécutif sans aucun membre du «Big Three» en finale. La dernière fois, c’était en 2003, et déjà lors de l’enchainement de l’Open d’Australie (victoire d’André Agassi contre l’Allemand Schüttler en finale) et de Roland Garros (Juan Carlos Ferrero contre Martin Verkerk). Quelques semaines après le dénouement de la levée française, un certain Roger Federer remportait à Wimbledon son premier tournoi du Grand Chelem. Le début d’une ère d’exception qui prendra peut-être fin en 2024.
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