Ashleigh Barty, la n°1 qui revient de loin
La révélation de l’année 2019 est déjà connue. Ashleigh Barty (23 ans) a remporté Roland Garros, est la nouvelle numéro 1 et est considérée comme la grande favorite de Wimbledon. Ça n’a pourtant pas toujours été facile pour l’Australienne.
Bière, steak et pâtes : même quand elle célèbre sa première victoire en Grand Chelem avec son équipe, Ashleigh Barty n’exagère pas. Elle ne porte pas de vêtements flamboyants mais une casquette. Cette fille tranquille du Queensland n’est pas glamour, elle est tout simplement extraordinaire. Sa seule préoccupation, après son succès à Paris, était de rejoindre le plus vite possible l’Angleterre. Elle a laissé tomber le premier tournoi sur herbe, celui de Nottingham, où elle avait un titre à défendre. Selon son coach, Craig Tyzzer, elle était fatiguée, mentalement et physiquement. » Elle va un peu jouer au golf et beaucoup se reposer. » Accompagnée de son copain, Garry Kissick, elle se réjouissait de faire quelques fois le parcours de The Belfry, le club légendaire du Warwickshire qui a déjà accueilli quatre fois la Ryder Cup. Une terre sainte.
Elle a tous les coups pour faire mieux encore à Wimbledon qu’à Paris. » Martina Navratilova
Par la suite, elle s’est reconcentrée sur le tennis, sur le gazon de Birmingham, Eastbourne et, à partir de la semaine prochaine, sur celui de Wimbledon. » Elle est une des favorites « , dit Martina Navratilova au sujet de l’Australienne qui, à 23 ans, pourrait ainsi signer un doublé historique. » Elle a tous les coups pour être encore meilleure à Wimbledon qu’à Paris. Je ne connais aucune joueuse dont le tennis soit aussi varié et qui soit aussi forte physiquement. »
Depuis le début de l’ère professionnelle (1968), seuls quatre hommes ont réalisé le doublé au cours de la même année : Rod Laver (1969) Björn Borg (1978, 1979, 1980), Roger Federer (2009) et Rafael Nadal (2008, 2010). En dames, elles sont sept à l’avoir fait : Margaret Court (1970) et Evonne Goolagong- Cawley (1971) – deux compatriotes de Barty -, les Américaines Billie Jean King (1972), Chris Evert-Lloyd (1974), Navratilova (1984) et Serena Williams (2002 et 2015) ainsi que Steffi Graf (1988, 1993, 1995 et 1996).
Barty pourrait donc rejoindre ce cercle très fermé car l’herbe reste sa surface préférée. Elle a remporté le tournoi de Wimbledon en juniores alors qu’elle n’avait que 15 ans (2011) et, l’an dernier, elle a dominé le tournoi de Nottingham. Avec son mètre soixante six, elle est pourtant la joueuse la plus petite du circuit. Manque-t-elle pour autant de puissance au service ? » Jim Joyce, qui m’a entraînée lorsque j’étais jeune, m’a conféré un jeu basé sur la technique et les sensations. Par la suite, j’ai pris du muscle car je ne pouvais plus grandir ( elle rit) et mon service est devenu une arme. » À Paris, personne n’a signé plus d’aces qu’elle (38) et seule la finaliste, Marketa Vondrousova, a pris plus de points sur son premier service.
National Indigenous Tennis Ambassador
» Elle a le toucher et la puissance, une bonne volée, un slice formidable et un service puissant. Quand on a ça, on peut gagner sur toutes les surfaces « , dit Evonne Goolagong-Cawley qui, en 1980, a remporté son septième et dernier tournoi du Grand Chelem, devenant ainsi le porte-drapeau des aborigènes. Des racines qu’elle partage avec Ash qui, en avril, est devenue National Indigenous Tennis Ambassador et veut » inciter les enfants d’aborigènes à faire du tennis. »
Goolagong a toujours été une source d’inspiration pour elle. Elles se sont rencontrées pour la première fois en janvier 2011 lorsque Barty -alors âgée de 14 ans- a effectué ses débuts à l’Open d’Australie. Elle était alors déjà championne nationale dans sa catégorie d’âge et on disait d’elle qu’elle était » la future Goolagong » mais elle a été éliminée dès le premier tour par l’Américaine Lauren Davis. Goolagong-Cawley, qui figurait parmi les 25 spectateurs de ce match, l’avait pourtant trouvée bonne. » Il faut que je lui parle. Elle ne me croira peut-être pas mais elle a tous les coups pour réussir. »
Goolagong-Cawley a continué à la suivre et, quelques mois plus tard, elle remportait Wimbledon. En septembre 2014, pourtant, peu après son 18e anniversaire, Barty jetait l’éponge. Cela faisait des mois qu’elle se traînait sur le court, elle se sentait seule, avait le mal du pays et éclatait régulièrement en sanglots lorsqu’elle appelait ses parents. Elle avait besoin d’un break. Goolagong lui a envoyé un SMS : » Hey darling. Bonne décision. Arrête et va pêcher. »
Elle est allée pêcher mais est aussi allée à la plage et au pub. Son père, Robert, avait également été victime d’une dépression et lui a conseillé de consulter un professionnel. Pendant deux ans, elle a pris des médicaments et a fréquenté un psychiatre, fondant souvent en larmes à l’issue des séances. Mais parler lui faisait du bien. Pour se sentir moins seule, elle faisait du cricket et du sport avec ses amis. Après les matches, ils buvaient une bière. » J’ai bu ma première chope à 18 ans. » Andy Richards, alors coach du Queensland Cricket et aujourd’hui adjoint de l’équipe nationale féminine pakistanaise, estime qu’elle aurait pu faire une bonne joueuse. » Si elle avait poursuivi pendant un an, elle serait internationale. Mais gagner Roland Garros, ce n’est pas mal non plus. »
Trop forte, trop tôt
Après dix-huit mois, elle a renoué avec ses anciennes amours. Elle avait la nostalgie de ses débuts au West Brisbane Tennis Centre, à l’âge de cinq ans. Les quatre terrains tracés à la main, des poules qui couraient partout, un grillage cassé… Aujourd’hui encore, quand elle est en Australie, elle retrouve son premier entraîneur – Jim – pour un petit-déjeuner au Breakfast Creek Hotel. Ils dégustent alors… un steak. Après la finale de Roland Garros, il est le premier à qui elle a envoyé un SMS : » Est-ce possible ? J’ai remporté un Grand Chelem sur terre battue ! »
Elle est aussi très proche de Casey Dellacqua, neuf ans plus âgée qu’elle. Lors de sa deuxième saison en dames (2013), elles ont disputé trois finales du grand chelem (Australie, Wimbledon et US Open) mais son équipière l’a vue décliner mentalement. » Elle a été trop forte trop tôt « , dit-elle.
En 2016, Dellacqua l’a invitée au Sydney International et l’a entraînée sur un terrain désert. Elles ont tapé la balle et le soir, lors d’un barbecue au jardin, elles ont parlé pendant des heures. » De la vie en général mais aussi de nos bons souvenirs. J’ai gardé le sourire pendant toute la conversation et j’ai compris que ma place était sur le circuit « , dit Barty.
La suite est connue : premier titre en Grand Chelem avec Coco Vandeweghe (US Open, 2018), victoire à Miami (2019), tour d’honneur avec la Coupe Suzanne Lenglen et, après son succès à Birmingham, la place de nouvelle numéro un mondiale. Une seule Australienne y est parvenue jusqu’ici : au printemps 1976, Evonne Goolagong-Cawley n’a tenu que deux semaines. Barty veut faire mieux.
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