Sourire forcé
Accablé par une mauvaise Coupe du Monde, le Brésilien n’est pas de retour au top et il le sait.
Un sourire géant se forme sur le visage de Ronaldinho et son regard s’éclaire. Il enlève son maillot et traverse la pelouse du Camp Nou pour se diriger vers la ligne de touche, incapable d’étouffer un rire nerveux. Barcelone vient de remporter une belle victoire en Liga et les fans applaudissent à tout rompre. Il fait le paon et rentre le ventre pour faire ressortir son torse musclé. Le voilà alors qui commence à descendre son short. D’abord un peu, puis beaucoup. Plus le short descend, plus son sourire est grand et tout le monde se demande où il va s’arrêter. Lorsqu’il le fait et que ses abdominaux sont largement visibles, on comprend que le message est clair : » Vous me trouvez gros ? »
Pour ceux qui n’auraient pas compris, le Brésilien s’arrête près du reporter de Canal+ et explique avec rire caractéristique : » Les gens que je rencontre dans la rue me disent de manger moins mais quand je me regarde dans le miroir, je me dis que je suis parfait « .
Frank Rijkaard, le coach de Barcelone, ajoute : » Pour moi, il est parfait aussi « . Avec le retour dans l’équipe de base de Samuel Eto’o, le Barça retrouve souvent son football basé sur la fluidité du jeu et les passes rapides. Sans parler des coups d’éclats de Lionel Messi.
Mais dans les médias, on a pu lire que Ronaldinho était gros. On le voyait le ventre gonflé et les critiques qui s’étaient déchaînées après la défaite (1-2) le 21 février face à Liverpool lors du match aller des huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Dans El Periodico et As, sur la gauche, on voyait Ronaldinho torse nu après un match en novembre 2003. Sur la droite, le même joueur dans une position identique en février 2007. Il ne pouvait pas nier l’évidence : son corps avait changé en pire. Il était gras.
Depuis, les choses sont rentrées dans l’ordre. Il aurait perdu trois kg en trois jours et avant le week-end dernier avait déjà marqué 17 buts en Liga, soit son record avec le Barça : six sur penalty, cinq sur coups francs et quatre de la tête.
Mais il n’avait inscrit que deux buts et donné qu’un seul assist en huit matches de Ligue des Champions, alors qu’il avait marqué respectivement douze, sept et sept fois encore au cours des saisons précédentes.
Top 1 en 2006 même pas top 25 en 2007
On ne peut pas non plus affirmer que Ronaldinho est le meneur de jeu du Barça. Début mars, il n’avait délivré que trois assists (comparés aux 11 de la saison dernière) et avait été impliqué dans moins d’actions qu’au cours des trois saisons précédentes.
Il est également moins admiré. La saison dernière, le magazine Don Balon l’avait placé largement en tête du classement des meilleurs joueurs de la Liga. Cette fois, fin février, il ne faisait même pas partie du Top 25. Son sourire s’était fané, il se laissait tomber davantage et ne parvenait plus à se débarrasser de son défenseur. Un sondage du journal catalan Sport révéla même qu’ils étaient 69 % des fans à vouloir qu’on le retire de l’équipe. Mais ils ne lui en voulaient pas, il avait besoin de repos et il n’était pas question de l’éjecter du club.
Ronaldinho n’a cessé d’être sous pression. Le Joueur FIFA de l’année 2005 n’a pas livré une bonne Coupe du Monde et il lui a fallu du temps pour digérer cette déception. Il n’a jamais été un fou de l’entraînement mais, cette saison, les rumeurs malsaines le concernant se sont intensifiées. Comme à l’époque du PSG, on s’est davantage occupé de sa vie privée que de son football. Ce fut très clair lorsque Eto’o l’accusa de ne pas se donner à 100 % pour l’équipe. Selon le Camerounais, le Brésilien ne participerait qu’à huit séances d’entraînement sur cinquante. D’autres affirment qu’il collectionne les sorties et les petites amies.
Mais la préparation du Barça a également été mise en cause. Plutôt que de partir en stage, le club a préféré une tournée lucrative aux Etats-Unis et les joueurs l’ont sérieusement critiquée. Cela fait deux ans que le Brésilien joue sans la moindre interruption. Alors que Ronaldo fut autorisé à ne pas participer à la Coupe des Confédérations en 2005, Ronaldinho fit toute la saison avec son club. Et l’été dernier, il fut du voyage aux Etats-Unis sans même avoir participé à un seul jogging. Plus tôt dans la saison, Ronaldinho avait déjà tiré la sonnette d’alarme : » Je ne suis pas une machine et je fais tout pour arriver au mieux de ma forme « . Mais il en était loin.
Sa fatigue est autant morale que physique
Il sent que le boulot est de plus en plus dur. La longue absence d’Eto’o pour cause de maladie a rendu sa tâche plus difficile, que ce soit en termes de football (sans le Camerounais, il a moins d’espaces et d’options) qu’en matière de pression (le poids de l’équipe repose désormais sur ses seules épaules). » Quand les choses vont mal, c’est vers Ronaldinho qu’on se tourne « , avance LionelMessi. » Nous ne devrions pas lui laisser autant de responsabilités « .
Le Brésilien est tellement accablé qu’il demande à Dunga de ne pas le sélectionner en équipe nationale brésilienne pour les matches les moins importants. Il est même prêt à abandonner totalement la sélection.
La politique de Barcelone, dont on ne cesse de parler en interne, dans les vestiaires et dans la presse, affecte également Ronaldinho. Lorsqu’ il parle de clans, Eto’o attire l’attention sur le fait que l’unité dont on parle bien souvent n’est qu’un mythe. Il démolit également l’image du couple parfait qu’il forme avec Ronaldinho.
Le Brésilien est considéré comme l’homme de l’ex-vice-président Sandro Rosell, qui fut écarté par Joan Laporta, parce qu’on disait de lui qu’il préparait un putsch. Lorsqu’il était directeur du marketing chez Nike, c’est ce dernier qui persuada Ronaldinho à aller au Barça plutôt qu’à Manchester United. Plus tard, il attaqua publiquement Joan Laporta. Le président souhaite que Ronaldinho reste mais son conseiller personnel non officiel, JohanCruijff, critique beaucoup le Brésilien et il n’est pas le seul : au sein de la direction, plusieurs souhaiteraient le vendre. Le nouveau contrat qu’on lui a promis n’est d’ailleurs toujours pas signé.
Ronaldinho doit également tenir compte de l’aspect familial. Il vit à Casteldeffels, une station balnéaire au sud de la ville. Ceux qui vivent à ses côtés gèrent des millions d’euros. Sa s£ur Deisi est sa secrétaire, elle traite toutes les demandes d’interviews et d’apparition en public. Son oncle est son chauffeur. Sa mère Miguelina est la femme d’intérieur et la maîtresse de maison. Elle prépare tous ses repas et plus particulièrement son plat préféré, de la viande avec du riz et des fèves. Enfin, son frère Roberto est son agent. En dehors du football, personne n’a de rôle plus important que ce dernier, qui contrôle tous les aspects de sa vie professionnelle, du sponsoring aux contrats. Le joueur a affirmé un jour en riant qu’il était incapable de dire combien il gagnait car c’est Roberto qui s’occupe de l’argent. On sent bien qu’il ne contrôle pas totalement sa destinée. Il affirme vouloir rester à Barcelone mais la rumeur prétend que Roberto prépare un transfert juteux, Milan figurant en tête de liste.
par pedro pinto (esm) –
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