Sans belle-mère

C’est véritablement une ère nouvelle qu’a entamée l’Excelsior Mouscron : nouvel effectif, nouveau staff dirigeant et… nouveau président. Beaucoup s’étaient demandé, dans le passé, ce que deviendrait le club frontalier le jour où Jean-Pierre Detremmerie ne serait plus aux commandes. On aura bientôt des éléments de réponse, puisque désormais, l’homme fort de l’Excel est l’avocat Me Edward Van Daele, 60 ans en septembre.

Le grand public ne vous connaît pas bien. Qui est Edward Van Daele ?

Edward Van Daele : Je suis un pur Mouscronnois, né dans la Cité des Hurlus, mais comme la plupart des Mouscronnois, je viens d’ailleurs. Mes parents sont l’un Flamand, l’autre Wallon. A Bruxelles, on m’aurait considéré comme un zinneke. Je suis avocat depuis 1969. J’ai commencé au barreau de Tournai, puis j’ai contribué à la création du cabinet mouscronnois dans lequel je travaille actuellement et qui est orienté vers le droit des affaires. Je suis rapidement devenu le conseil de la Ville de Mouscron, et notamment de Jean-Pierre Detremmerie. A ce titre, j’ai vécu toutes les péripéties qui ont entouré la carrière professionnelle de l’actuel bourgmestre, et toutes les difficultés qu’a pu rencontrer la Ville de Mouscron au niveau de son redéploiement économique et de sa reconversion industrielle. En tant qu’avocat, j’ai également été invité à prendre pied dans le club. Lors de la montée en D1, par exemple, il a fallu régler un certain nombre de litiges suscités par l’intégration des frères Mpenza. De fil en aiguille, je suis entré dans le comité directeur.

Quel est votre passé footballistique ?

Très mince, je l’avoue. Si vous jetez un coup d’£il sur mon palmarès, vous risquez d’être très déçu. J’ai joué au football, comme tout le monde, dans les cours de récréation lorsque j’étais jeune, mais je n’ai jamais fait partie d’une équipe. En revanche, j’ai toujours aimé assister à des matches de football, que je considère comme un sport magnifique.

Quelles étaient vos idoles ?

Les anciens Souliers d’Or, entre autres. Des gens comme Jean-Marie Pfaff et Jan Ceulemans. Les Anderlechtois de la grande époque, aussi. Leurs noms ne me reviennent pas à l’esprit immédiatement, mais j’appréciais beaucoup le jeu du Sporting autrefois. J’aurais mauvaise grâce de me présenter comme un spécialiste du football. Vous n’auriez aucun mal à me piéger en me posant une question sur l’histoire de ce sport. Heureusement, ce n’est pas sur base de mes connaissances footballistiques qu’on m’a proposé la présidence de l’Excel, car je n’aurais eu aucune chance d’obtenir une cote satisfaisante à l’examen. Je pense avoir d’autres qualités. J’estime, notamment, avoir de bonnes connaissances en matière d’économie et de gestion. J’ai aussi vécu de l’intérieur la vie du club depuis un certain nombre d’années, et j’en connais les arcanes et les rouages.

 » Non, je n’ai pas hérité de la patate chaude  »

Quel genre de président serez-vous ? Dans la lignée de Jean-Pierre Detremmerie ?

Je ne serai pas un Detrem’ bis. Je ne lui ressemble pas physiquement, et je n’ai ni son charisme, ni son aura dans la région. Mes compétences sont différentes. Mais je prends aussi la présidence du club à un moment différent. Il a fallu un Jean-Pierre Detremmerie pour permettre au club d’exister et de gravir les échelons qui le séparaient de la D1. Désormais, il faut stabiliser le club et le gérer. C’est dans ce contexte nouveau que je situe mon intervention. Une tâche qui peut paraître peu enthousiasmante de prime abord, mais qu’il ne faut pas sous-estimer. J’ai accompli l’essentiel de ma carrière professionnelle dans la région de Mouscron. Cette région m’a beaucoup donné et j’estime qu’à mon âge, je peux me permettre de consacrer un peu de temps à lui restituer ce qu’elle m’a donné.

On ne se bousculait pas pour prendre la présidence de l’Excel. Avez-vous hérité d’une patate chaude ?

Je ne le pense pas. Je me souviens d’une question que l’on avait posée, jadis, au Général Charles de Gaulle : – Nepensezvouspasqu’aprèsvotredépart, ceseralevide ? Il avait répondu : – Cen’estpaslevidequim’effraie, maisletropplein ! Donc, je peux déjà affirmer qu’après Jean-Pierre Detremmerie, ce ne sera pas le vide à l’Excel. L’ancien président avait lui-même pressenti un triumvirat. Généralement, ce genre de formule n’est que transitoire. Il faut forcément qu’émerge, à un moment donné, une personnalité, et c’est ce qui s’est passé à l’Excel. Beaucoup plus vite que je l’avais imaginé, d’ailleurs. Bon, le calendrier n’attend pas, et pour l’Union Belge, il a bien fallu désigner un président. Je n’ai pas accepté ce poste en le considérant comme un purgatoire sur terre. Je suis très enthousiaste à l’idée de relever le défi. Et je peux toujours compter sur la collaboration active de Jean-Pierre Detremmerie. Il ne tient pas à jouer les belles-mères et à tirer les ficelles, mais il reste à la disposition de la nouvelle direction en cas de besoin.

Jean-Pierre Detremmerie avait, dans un premier temps, essayé de convaincre André Ollevier de prendre sa succession. Le patron des Meubles Toff avait refusé, pour des raisons qui restent floues. Certains affirment qu’il aurait été effrayé par l’ampleur de la dette.

Le bourgmestre s’était effectivement focalisé, au départ, sur la recherche d’un capitaine d’industrie. La plupart des anciens présidents de l’Excel étaient issus de ce milieu. Je n’ai pas assisté aux négociations avec André Ollevier. Je ne crois pas qu’il ait été effrayé par la dette. Je pense plutôt qu’il a considéré que, n’étant ni Mouscronnois ni même francophone, il y avait une difficulté pour lui à assumer cette présidence.

 » Le débat sur les prêts de l’IEG ne me dérange pas  »

Après ce refus, l’Excel est tout de même apparu sérieusement embarrassé.

En effet. L’Excel était déjà dans l’embarras en décembre 2004, car on se demandait comment on allait faire pour achever la saison. Il fallait trouver à peu près deux millions d’euros, malgré les mesures d’assainissement qui avaient déjà été prises. Mais ces mesures ne pouvaient pas produire leur plein effet avant juin 2005, date à laquelle les gros contrats arrivaient à échéance. Il fallait donc arriver jusque-là, pour pouvoir ensuite remplacer les gros contrats par d’autres, revus à la baisse. Heureusement, un crédit a pu être obtenu auprès de l’IEG (Intercommunale d’Etude et de Gestion), qui est l’un de nos partenaires puisque actionnaire de la coopérative Excel-Foot et également membre de l’asbl.

En fait – et c’est l’un des griefs régulièrement formulés à l’égard de votre club – l’Excel ne survit que grâce aux prêts de l’IEG. Grâce à l’argent public, donc.

Personnellement, je ne suis pas dérangé par le débat sur les prêts de l’IEG. C’est un faux débat. On est en démocratie, et l’Intercommunale – comme le conseil communal, d’ailleurs – est un organisme qui fonctionne démocratiquement dans un cadre légal précis. La majorité s’est exprimée. L’opposition aussi, mais c’est bien la preuve qu’un débat démocratique s’est instauré. L’IEG a dans ses statuts le développement de l’activité sportive et culturelle, et il est donc logique qu’elle contribue au financement des institutions sportives et des maisons de la culture. En France, les subventions accordées par les mairies, les régions ou les préfectures ne suscitent pas toutes ces questions morales et existentielles. C’est un choix économique : dans une région qui souffre d’un déficit d’image, les pouvoirs publics peuvent décider de subventionner une activité susceptible de redorer l’image de la région.

En Flandre, on parle de concurrence déloyale…

L’un de vos confrères flamands m’a, effectivement, fait la même remarque. Mais il n’y a pas qu’en Wallonie qu’on agit de la sorte. Le club de Genk a aussi bénéficié de subventions. On peut différencier les aides directes, indirectes ou périphériques, mais cela reste des aides. Et puis, la compétition, c’est sur la pelouse qu’elle se joue, et pas sur le terrain communautaire. Que, dans d’autres régions, on soit jaloux de ce qui a été réalisé à Mouscron, je peux le concevoir. Mais ces régions-là n’ont qu’à agir de la même manière. – NDLR : la Ville de Roulers est d’ailleurs un des principaux sponsors de Roulers !.

 » Mpenza, Pieroni et Grégoire n’étaient pas des joyaux à leur arrivée  »

En dehors des aides communales, un club comme Mouscron est-il viable, au niveau où on a voulu le faire vivre, lorsque l’on sait qu’il accueille en moyenne 5.000 spectateurs et que les candidats sponsors ne se bousculent pas ?

La moyenne de spectateurs est souvent liée aux résultats sportifs. Ceux-ci n’ont pas été brillants la saison dernière, et forcément, on n’a pas battu des records d’assistance au Canonnier. Si les prestations s’améliorent, il n’y a aucune raison que nous ne puissions pas regagner une partie des spectateurs qui avaient déserté le stade.

Les résultats sportifs vont-ils réellement s’améliorer avec la politique sportive menée cet été ?

Je ne suis pas devin. Mais je suis très confiant. On nous a reproché d’avoir vendu tous nos joyaux. Mais ces footballeurs-là n’étaient pas des joyaux lorsque nous les avions acquis. Des joueurs comme Mbo Mpenza, Luigi Pieroni ou Christophe Grégoire se sont révélés chez nous. Il y a eu, à ce niveau, une très bonne gestion. Et j’ai bon espoir que, parmi les joueurs acquis cet été, certains se révèlent également. Ce n’est pas une formation rikiki que nous avons mise sur pied, mais une équipe qui a sa logique, sa structure et qui présente des individualités très intéressantes. Il faudra simplement que la mayonnaise prenne.

Mouscron est une ville frontalière, à la limite de la France et de la Flandre. Est-ce un avantage ou un inconvénient ?

Pendant des décennies, on a considéré que Mouscron était le cul-de-sac de la Belgique. Personne n’y venait pour visiter son lac, ses remparts ou sa cathédrale. On y passait exclusivement pour travailler. C’était une cité industrielle. Les bourgeois habitaient Courtrai ou le nord de la France. Le fait d’être adossé, d’un côté à une frontière linguistique, de l’autre autre côté à une frontière d’Etat, était alors considéré comme un inconvénient. Lorsque la frontière d’Etat s’est levée, on s’est aperçu qu’au lieu d’être au bout de la Belgique, on était au centre d’une agglomération extrêmement importante composée de trois zones : le Hainaut Occidental, le nord de la France et le sud de la Flandre. Dans un rayon d’une vingtaine de kilomètres autour de Mouscron, on trouve 1,8 million d’habitants. Ce sont des zones de forte activité, qui devraient permettre à de nombreuses synergies de se développer.

 » Le potentiel économique de la région doit être mieux exploité  »

On croirait entendre Jean-Pierre Detremmerie, qui avait fait de ces synergies l’un de ses chevaux de bataille. Mais, jusqu’à présent, on n’a guère vu de spectateurs français dans les tribunes du Canonnier. Et, si l’on entend parfois parler flamand dans les travées, on ne se bouscule pas pour franchir la frontière linguistique.

Peut-être, mais il ne faut pas oublier que l’Excel n’est en D1 que depuis neuf ans. Je suis persuadé qu’il y a moyen d’accueillir bien plus de spectateurs qu’actuellement. C’est un autre défi que le club doit essayer de relever.

Vous estimez aussi que le potentiel économique de la région n’a pas été assez exploité. Envisagez-vous l’engagement d’un nouveau directeur du marketing ?

Non. Ce qu’il faut, c’est trouver des agences commerciales que l’on rémunérerait à la commission, en fonction des sponsors qu’elles nous amèneraient. J’ai des idées très précises à ce sujet. Nous n’avons pas assez prospecté sur le plan commercial. Il faut lever un peu le nez du guidon et mieux ratisser la région. Des entrepreneurs du nord de la France cherchent à pénétrer le marché belge et Mouscron constitue, à cet effet, une porte d’entrée idéale. C’est valable pour les Flandriens également. Et la réciproque est tout aussi vraie. Le club doit mieux exploiter ses atouts : il véhicule une bonne image de marque et a obtenu d’excellents résultats sportifs. Au cours des neuf saisons en D1, il a terminé six fois devant le Standard.

Six fois devant le Standard, certes. Mais c’était dans une autre vie. Et à quel prix ces résultats ont-ils été obtenus ?

A l’époque, l’Excel a certes offert de gros contrats, mais le contexte était différent. A l’époque, les transferts donnaient lieu à un paiement d’indemnités infiniment plus élevées qu’aujourd’hui. Et les rémunérations étaient à l’avenant. L’Excel a été obligé, pour survivre, de suivre le mouvement, sinon personne n’aurait accepté de venir jouer à Mouscron. On s’est trouvé pris dans un engrenage. Aujourd’hui, on trouve dix joueurs sur le marché pour une place à pourvoir. Et, forcément, les prix ont chuté. C’est la loi de l’offre et de la demande.

Mais vous continuez à payer pour la politique de grandeur qui a été menée jadis. Des erreurs n’ont-elles pas été commises ?

Je ne le pense pas. Le club a, simplement, été géré en fonction du contexte économique de l’époque. Je n’irai pas jusqu’à dire que toutes les décisions ont été prises dans le bon sens, mais il n’y a que ceux qui ne font rien qui ne se trompent jamais.

Vous n’avez pas l’impression d’avoir repris un club malade ?

Pas du tout.

 » Pour survivre, il suffit d’être les meilleurs  »

Pour le développement de votre nouvelle politique économique, les montées simultanées de Zulte Waregem et de Roulers ne risquent-elles pas d’être préjudiciables ?

On avait déjà émis des craintes lorsque les clubs de La Louvière et de Mons étaient montés en D1. C’est sûr, nous préférerions être seuls dans la région, mais nous vivons dans une société où la concurrence est libre dans une économie de marché. Chacun a le droit de tenter sa chance. Pour survivre, il suffit… d’être les meilleurs.

Sur le plan sportif, l’Excel a déjà actionné les synergies, puisque le recrutement s’est principalement opéré en France. Le club ne risque-t-il pas de perdre son âme en agissant de la sorte ? Et quid du Futurosport, qui devait être la fierté des Hurlus ?

Le Futurosport demeure un atout essentiel pour le club de Mouscron, mais il faut avoir les bonnes personnes au bon moment. Dans le passé, toute une série de joueurs issus du Futurosport ont intégré le noyau A. Rien ne dit qu’on ne découvrira pas bientôt de nouveaux talents.

Daniel Devos

 » Mouscron est un club sympathique qui a terminé SIX FOIS DEVANT LE STANDARD  »

 » On n’a PAS mis sur pied UNE éQUIPE RIKIKI  »

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