En 2022, l’Ironman d’Hawaï comptait 5 147 triathlètes sur la ligne de départ. Du jamais-vu. © getty images

Pourquoi l’Ironman masculin d’Hawaï n’aura pas lieu

Les championnats du monde de l’Ironman migrent d’Hawaï vers la Côte d’Azur. Une histoire de nuisances, de folie des grandeurs et d’argent.

Restée confidentielle à l’échelle de l’information sportive, la nouvelle a secoué le monde des triathlètes. Au début de l’année, World Triathlon, la fédération internationale de la discipline, a révélé que les championnats du monde masculins de l’Ironman n’auraient pas lieu à Hawaï mais à Nice, le 10 septembre. La ville de la Côte d’Azur organisera également l’événement en 2025 chez les hommes, tandis que les femmes se disputeront le titre sur le site traditionnel de Kailua-Kona. En 2024 et en 2026, ce sera l’inverse: les Mondiaux féminins à Nice, les masculins dans l’archipel.

Depuis sa première édition, en 1978, l’Ironman d’Hawaï est devenu la plus prestigieuse épreuve de ces triathlons de l’extrême sur de longues distances – 3,8 kilomètres à la nage et 180 bornes à vélo, suivis d’un marathon. Au total, le circuit recense une quarantaine d’épreuves et plus de 90 000 participants par an. Pour les professionnels, comme pour les amateurs en quête de défi, l’Ironman d’Hawaï reste néanmoins le Graal de la discipline.

Cette année marquera donc la fin d’un mythe. Les habitants de Kailua-Kona ont fini par faire entendre leur mécontentement croissant au sujet du remue-ménage provoqué par l’événement. En plus des milliers d’athlètes, ce sont effectivement des encadrements toujours plus nombreux et des supporters forcément bruyants qui, le temps de l’épreuve, élisent domicile sur l’île. Certes, les dollars dépensés durant leur séjour bénéficient à l’économie locale, mais ils ne suffisent plus à contrebalancer les dangers provoqués par ceux qui ne respectent pas le code de la route, les montagnes de déchets laissés derrière eux, le tapage nocturne ou les exigences démesurées envers les hôtels ou ceux qui mettent un logement en location.

Pour les professionnels comme les amateurs, l’Ironman d’Hawaï reste le Graal.

L’appétit post-Covid de l’Ironman Group

Déjà présentes de longue date, ces contraintes se sont encore amplifiées après une décision prise par l’Ironman Group, entreprise qui organise les épreuves du circuit. A la suite de l’annulation des éditions de 2020 et de 2021, conséquences de la pandémie de Covid-19, une miniédition a été organisée à Saint George, dans l’état de l’Utah, au mois de mai 2022. Le retour officiel et en grande pompe à Hawaï a eu lieu cinq mois plus tard, avec un nombre de participants jamais-vu auparavant: 5 147 triathlètes au départ, soit le double de ce qui était habituellement prévu, dont seulement 111 professionnels. Une expansion telle que, pour la première fois, les épreuves masculine et féminine ont dû se dérouler à des jours différents pour éviter un insoluble engorgement sur le parcours.

Pour les habitants de l’île, cette surcharge provoquée par une course supplémentaire fut la goutte qui fit déborder le vase, à la fois en raison de l’augmentation de la durée des nuisances mais aussi de leur impact global décuplé sur la vie des locaux. Ils ont donc fait comprendre qu’ils ne toléreraient plus un événement d’une telle ampleur ni ses conséquences négatives. La solution semblait alors simple: faire redescendre le nombre de participants, de sorte qu’hommes et femmes puissent à nouveau concourir le même jour. Mais pour l’Ironman Group et le groupe d’investissement Advance, à la tête du comité organisateur des épreuves, seul le retour financier semble compter. Et pour cela, le nombre de participants doit être le plus élevé possible.

La quête d’une alternative a finalement pris la direction d’un déménagement. Très vite, Nice s’est positionnée en candidate idéale. Voilà plusieurs années que la cité azuréenne organise un Ironman – dont le Belge Frederik Van Lierde est d’ailleurs l’un des triathlètes les plus friands, avec cinq succès engrangés dans le Sud. De son côté, la ville profite de cette opportunité pour se positionner, une fois de plus, comme un lieu phare d’événements sportifs sur le sol français. En plus de son club de foot, qui draine quinze mille à vingt mille supporters par saison dans son Allianz Riviera, Nice a déjà organisé la Hopman Cup de tennis cette année et accueillera prochainement plusieurs matchs de la Coupe du monde de rugby. En 2024, c’est le Tour de France qui finira exceptionnellement dans la ville, pour éviter un engorgement sportif dans une capitale déjà accaparée par les Jeux olympiques. Un contre-la-montre conclu sur la célèbre promenade des Anglais fera ainsi de Nice le haut lieu de la saison cycliste.

L’Ironman Group a ainsi pu s’éviter une trop importante querelle avec les habitants de Hawaï. Ces derniers se disent même satisfaits de cette décision, qui leur permet de conserver leur rythme habituel d’un seul jour de triathlon par an. Les amateurs de la discipline sont également heureux de cette nouvelle destination, bien moins onéreuse qu’un long voyage vers le Pacifique pour les Européens, les Africains ou même les Asiatiques dont l’Ironman n’est pas le métier. Chez les professionnels, par contre, on grince des dents. Gagner à Hawaï revêtira toujours un prestige supplémentaire, mais également des revenus commerciaux bien plus intéressants pour leurs sponsors. Une question de tradition, certes, mais aussi une question d’argent. Tout comme pour l’Ironman Group, ce sont les dollars, plus que les symboles, qui font la loi.

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