Pourquoi la championne du monde en salle Noor Vidts n’a pas encore atteint son plafond
Veni, Vidi, VIDTSi », tel était le verdict après le titre mondial de pentathlon en salle de Noor Vidts à Belgrade. Comment la Vilvordienne a-t-elle remporté sa première médaille d’or dans un grand championnat ? Et quelle est sa marge de progression ? Analyse.
A quel point ce titre mondial en salle est-il une performance de taille ?
Pour un(e) athlète belge, un titre mondial en salle est de toute façon une performance exceptionnelle. Seule Tia Hellebaut y était parvenue et c’était là aussi sur le pentathlon, en 2008.
En soi, la médaille d’or de Noor Vidts n’est pas une surprise absolue puisqu’elle avait déjà remporté l’argent aux Championnats d’Europe en 2021 et qu’elle avait surtout terminé quatrième aux Jeux olympiques de Tokyo l’été dernier. Aux Championnats d’Europe, seule Nafi Thiam l’a précédée, et à Tokyo, Thiam de nouveau et les athlètes néerlandaises Anouk Vetter et Emma Oosterwegel.
Ces trois athlètes manquaient à l’appel à Belgrade. Parmi les dix premières de l’heptathlon olympique, seule l’Américaine Kendell Williams (troisième au classement final des Championnats du monde) était présente en Serbie.
Les autres concurrentes directes de Vidts aux Championnats du monde en salle étaient toutes plus jeunes que la Belge de 25 ans. Adrianne Sulek, sa première dauphine, a 22 ans, Holly Mills, la quatrième, est âgée de 21 ans, Dorota Skrivanová, la cinquième, de 23 ans, Claudia Conte, la sixième, de 22 ans, Leonie Cambours, la septième, de 21 ans et enfin Sarah Lagger, la huitième, a soufflé 22 bougies récemment. Seule Katarina Johnson Thompson, 29 ans, possédait un meilleur record personnel à son actif. Mais la Britannique a été victime de blessures pendant deux ans et a également été contrainte à l’abandon sur la piste de Belgrade. Face à cette opposition, Vidts s’est finalement montrée à la hauteur de son statut de favorite.
Quelle valeur a son score qui lui a permis de battre le record de Belgique ?
Plus encore que son titre mondial, c’est le score final de obtenu par l’athlète de Vilvorde qui a marqué les esprits. Elle a terminé les cinq épreuves avec 4929 points, soit 78 points de plus que la Polonaies Sulek (4851). Il faut remonter à l’édition 2010 pour trouver trace d’un championnat du monde du pentathlon remporté avec une telle marge. C’était Jessica Ennis-Hill qui avait devancé sa première dauphine avec 86 points.
Noor Vidts a également obtenu 249 points de plus que la troisième, Kendell Williams (4680). C’est la deuxième plus grande différence entre une médaillée d’or et de bronze lors d’un Mondial en salle. Seule la légende suédoise Carolina Klüft avait fait mieux en 2003. 289 points la séparaient de la troisième.
Compte tenu de la (faible) concurrence, ce n’est donc pas non plus illogique que l’avance de Vidts soit aussi importante. Ce qui est sans doute le plus impressionnant dans sa performance est sa progression personnelle puisqu’elle amélioré son record personnel de 138 points par rapport à son titre de vice-championne d’Europe de l’an dernier. (4791 points pour 4929 ce vendredi)
Elle a également amélioré de 25 points le record belge de la double championne olympique d’heptathlon Nafi Thiam (4929 contre les 4904 points de Nafi aux championnats d’Europe en 2021). Il faut néanmoins nuancer le contexte en rappelant que la Liégeoise n’a réalisé que quelques pentathlons à haut niveau dans sa carrière. Avant de battre le record belge lors des championnats d’Europe 2021, elle ne s’était plus alignée sur la discipline depuis les championnats d’Europe 2017 où elle avait déjà décroché l’or avec 4870 points.
Avec un total de 4929 points, Noor Vidts devient la sixième meilleure athlète de tous les temps au pentathlon et la dixième meilleure note finale de tous les temps. Les cinq femmes qui la devancent sont toutes, sauf une, devenues championnes du monde ou championnes olympiques du pentathlon et/ou de l’heptathlon. Un bel encouragement pour l’avenir :
5013 points (Championnat du monde d’Istanbul 2012) :Nataliya Dobrynska – championne olympique d’heptathlon 2008, championne du monde de pentathlon 2012.
5000 points (Championnat d’Europe de Prague 2015) : Katarina Johnson-Thompson – championne du monde d’heptathlon 2019 et du pentathlon 2018.
4991 points (Berlin 1992) : Irina Belova – argent aux Jeux olympiques 1992, bronze aux Championnat du monde de l’heptathlon en 1991.
4965 points (Championnat du monde d’Istanbul 2012) : Jessica Ennis-Hill – championne olympique de l’heptathlon en 2012, argent aux Jeux olympiques de 2016, championne du monde de l’heptathlon en 2009, 2011 et 2015, championne du monde du pentathlon en 2010
4948 points (Championnats d’Europe 2005 Madrid) : Carolina Klüft – championne olympique de l’heptathlon en 2004, championne du monde de l’heptathlon en 2003, 2005 et 2007, championne du monde du pentathlon en 2002.
Noor Vidts réalise donc par la même occasion la meilleure performance dans le classement de tous les temps de l’athlétisme belge dans une compétition en salle. C’est une place de mieux que la septième de Tia Hellebaut au saut en hauteur, avec 2m05 (septième meilleur saut de tous les temps).
Jusqu’où Noor Vidts peut-elle progresser ?
La jeune athlète est âgée de 25 ans. Elle s’est révélée sur le tard puisqu’elle a joué au basket jusqu’à l’âge de 18 ans, en combinaison avec l’athlétisme. Une fracture de stress au dos, subie lors de l’Hypomeeting de Götzis en 2018, a freiné son développement pendant un an. A côté de sa carrière d’athlète, Noor Vidts est toujours étudiante en bio-ingénierie.
A Belgrade, Vidts a remporté le 60 mètres haies, le lancer du poids et le 800 mètres, ce qu’aucun champion du monde en salle n’a jamais réalisé auparavant étant donné la combinaison difficile de deux épreuves de course et d’une épreuve de lancer. Elle a su gérer ces disciplines différentes grâce à sa grande explosivité et à sa bonne technique. Des atouts utiles aussi pour l’heptathlon.
Le fait que Vidts soit la plus rapide dans les deux épreuves de course n’est pas non plus une surprise puisqu’ aux derniers JO, elle avait déjà terminé cinquième du 100 m haies (13″17), deuxième du 200 m (23″70) et quatrième du 800 m (2’09″05), en établissant à chaque fois un nouveau record personnel.
L’ex-sauteuse de haies Eline Berings ne tarit pas d’éloges sur la légèreté, la décontraction et la vitesse intrinsèque de Noor Vidts. La nouvelle championne du monde de l’heptathlon peut sans doute encore progresser. Elle peut notamment s’améliorer sur ses départs de course. « Sur le 100m haies, elle peut certainement viser les 13″10. Sur le 60m, elle peut aussi courir plus rapidement que ses 8″15 à Belgrade », estime Eline Berings.
La grande force de Vidts est d’être très polyvalente et de ne pas perdre trop en efficacité sur les épreuves de sauts et de lancers. À Belgrade, elle a remporté le lancer de poids et s’est classée deuxième du saut en hauteur et en longueur. Aux Jeux olympiques, elle avait respectivement pris les septième et quatrième places dans ces épreuves.
Si elle peut s’améliorer encore dans ces épreuves, c’est surtout sur le lancer du javelot, son point faible, qu’elle a forcément la plus grande marge de progression. À Tokyo, elle avait battu son record personnel avec un jet à 41m80, mais il ne lui avait permis de prendre que la dix-huitième place du concours. A titre de comparaison, Nafi Thiam avait lancé le javelot à 54m68 mètres et possède un record personnel à 59m32.
Les scores de Thiam étaient également plus élevés dans les autres épreuves de sauts et de lancers (PR de 2m02 contre 1m84 pour Vidts au saut en hauteur, 15m41 contre 14m33 au lancer de poids, et 6m86 contre 6m60 au saut en longueur), mais la Wallonne est une moins bonne coureuse.
Si Vidts peut améliorer tous ses scores, et elle devrait en principe y parvenir (sauf blessures), surtout dans l’épreuve du javelot, alors elle pourra ambitionner d’autres titres internationaux. Selon son entraîneur Fernando Oliva, Vidts ne devrait pas arriver à sa maturité physique et technique avant les Jeux de Paris en 2024. Elle aura alors 28 ans.
La native du Brabant flamand possède également une autre qualité énorme. Comme son coach, elle ne pense qu’en termes de processus et se fixe pas trop sur le résultat quand il n’a pas nécessairement de l’importance. Lorsque la pression est forte, elle sait aussi s’en accommoder. Selon ses dires, elle peut toujours donner un petit peu plus lors des championnats.
C’était aussi visiblement le cas à Belgrade. Elle s’amuse, elle rit et cela se voit sur son corps puisque ses muscles sont décontractés en permanence. Mais avec le temps et les attentes, la pression augmentera. Vidts devrait sans doute la supporter, même si l’on ne peut jamais en être sûr à 100% . Prochain objectif : viser une médaille à court terme sur un grand championnat en extérieur.
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