PLUS PEUR
Pourquoi le meilleur sprinter belge après Tom Boonen ne se sent-il bien dans l’emballage final que depuis cet hiver ?
Depuis plusieurs mois, Gert Steegmans (25 ans) fait beaucoup parler de lui. En mai dernier, Davitamon-Lotto annonçait qu’il allait signer un nouveau contrat de deux ans. Et moins de trois semaines plus tard, Patrick Lefevere affirmait à qui voulait l’entendre que le sprinter roulerait désormais sous sa direction. Officiellement, rien n’est encore signé et Steegmans a décidé de ne plus parler de son avenir : » Le début de saison avait été bon aussi mais j’ai l’impression que les amateurs de cyclisme ne m’ont véritablement découvert qu’au Tour. C’est un événement terriblement médiatique. A tel point que j’ai l’impression qu’en matière de publicité, il vaut autant que toutes les autres courses réunies « .
Pour votre équipe, ce fut un Tour de rêve.
Geert Steegmans : Dommage que Cadel Evans ne l’ait pas emporté (il rit). A l’échelon mondial, Davitamon-Lotto est une équipe relativement modeste mais nous pouvons être fier d’avoir accompagné les meilleurs. Cela fait d’autant plus plaisir qu’au printemps, nous n’avons pas pu mener les courses à notre guise et nous avons été critiqués. Je ne sais pas ce qui a produit le déclic.
Votre éclosion, peut-être.
Il ne faut pas exagérer. Je n’ai jamais fait que préparer deux sprints. Avec succès, certes. Normalement, c’est Fred Rodriguez qui devait emmener Robbie McEwen. Lorsqu’il s’est blessé, j’ai repris son rôle. Comme Robbie avait déjà gagné une étape, la pression était moins forte mais je n’étais pas rassuré car, les dernières fois que j’avais dû emmener le sprint, ce fut un fiasco. Et de ma faute ! Cela me trottait dans la tête. Heureusement, tout s’est bien passé.
Les connaisseurs affirment même que vous êtes un des meilleurs du monde dans cet exercice. Votre avenir se situe-t-il là ?
L’hiver dernier, j’ai décidé de me consacrer davantage aux sprints car cela peut servir dans les classiques. Ce fut une décision importante : je savais qu’en montagne, je n’irais pas loin. Maintenant, je sais que je dois conserver mon explosivité, ne pas forcer. Du coup, évidemment, je monte encore moins bien. On l’a vu au Tour…
Mais voulez-vous devenir un finisseur ou vous voyez-vous plutôt comme un équipier ?
Robbie est le plus rapide de nous deux. Au Tour, si tout va bien, je peux tout au plus terminer dans les dix premiers tandis que, bien emmené, Robbie est presque sûr de l’emporter. Il est donc logique qu’actuellement, je me sacrifie pour lui. Mon avenir personnel dépendra beaucoup de ma progression au cours du prochain hiver.
Aucune expérience
A mon avis, vous êtes plus ambitieux que cela.
Tout coureur doit être ambitieux mais on verra au début de l’année prochaine. A mon âge, chaque saison est un recommencement. On voit rapidement si on peut rivaliser. Ensuite, c’est au directeur sportif de nous donner une chance ou non.
Etes-vous encore loin des meilleurs ?
Parfois non mais souvent, oui. Je ne vais pas me laisser bercer d’illusions par les compliments des dernières semaines.
Manquez-vous d’expérience ? McEwen dit que vous accélérez trop tôt.
Oui, on peut parler de manque d’expérience, même si j’ai beaucoup appris au Tour. Avant, je ne prêtais pas attention aux détails que Robbie trouve importants comme la direction du vent. Pour moi, il souffle de la même façon pour tout le monde mais c’est vrai que, quand le vent est contraire, on doit attendre avant d’accélérer. Quand on sait tout cela, on se concentre mieux, on roule plus calmement.
On dit qu’un coureur est beaucoup plus fort après son premier Tour.
Mentalement, j’étais épuisé mais physiquement, je me sentais bien… juste après le retour. Mais dans les critériums, j’ai eu du mal ! On dit que c’est de la rigolade mais avec un Tour dans les jambes, ce n’est pas le cas.
Qu’en est-il de votre passage chez Quick Step-Innergetic ?
Je sais à 80 % pour qui je roulerai l’an prochain mais tant que rien n’est signé, je ne dis rien car je ne veux pas que cela me poursuive. Tout le monde a pu constater qu’il y a eu de drôles de mouvements dans les discussions que j’ai eues avec les deux équipes belges. Dommage ! J’aurais préféré que rien ne filtre.
Au plus offrant
Irez-vous au plus offrant ?
Il faut le demander à mon manager (il rit).
Le patron de Davitamon a dit qu’il était disposé à faire un effort pour vous garder. Est-ce la raison pour laquelle vous n’avez pas encore signé avec Lefevere ?
Vous m’en demandez trop, cher ami. Je suis le seul à avoir respecté la consigne qui consistait à ne rien dire à la presse. J’espérais rendre les débats plus sereins. Ce qui m’énerve, c’est qu’on a l’air de dire que je ne vois que l’argent. Certains vont trop loin et en disent trop ou pas assez. Si Marc Coucke, le dirigeant de Davitamon, prétend qu’il veut faire un effort, je serais fou de ne pas l’écouter.
Robbie McEwen prétend que vous auriez tort d’allez chez Quick Step car sa carrière ne durera plus des années et vous pourriez reprendre son rôle.
(Il hausse les épaules). Robbie en a encore pour deux ans, c’est la durée du contrat que me propose Quick Step. Après, je pourrais toujours venir le remplacer. Mais je comprends sa réaction : il voit partir celui qui pourrait l’emmener. Henk Vogels et Leon Van Bon s’en vont, moi peut-être aussi… Et on ne pourra pas engager des gars qu’il voulait absolument, comme Brett Lancaster. Par contre, on investit dans les grimpeurs, pour aider Cadel Evans. Robbie se demande si on le soutient encore vraiment et il se sent trahi par la politique de transferts.
En début de saison, on vous classait déjà parmi les éternels espoirs. Avez-vous paniqué ?
Absolument pas. La seule chose qui me tracassait, c’est que je tombais ou me blessais souvent. Puis je forçais pour revenir et je rechutais. Cela résume les trois premières années de ma carrière. Cette année, j’ai enfin pu m’entraîner comme je le voulais et j’ai vaincu ma peur dans les sprints.
Pardon ?
Vous aimez tomber, vous ? Le sprint, ce n’est pas une partie de plaisir. Chez les jeunes, j’étais bon mais une fois chez les pros, j’étais souvent fatigué avant même l’arrivée et je n’allais pas risquer ma vie pour une septième place. Les choses ont changé au Tour d’Algarve, en début de saison. J’ai terminé cinquième alors que j’étais mal placé. On m’a dit que j’aurais dû gagner. Marc Sergeant et Hendrik Redant m’ont fait une grosse tête pendant deux heures. Le lendemain, je gagnais. Et le surlendemain aussi.
Qu’ont-ils dit, alors ?
Que je devais croire en mes chances et que l’équipe croyait en moi. Après, tout le monde a roulé pour moi. Quand j’ai vu Peter Van Petegem se sacrifier pour moi, j’ai retrouvé la mentalité de gagneur qui était la mienne chez les jeunes.
JEF VAN BAELEN
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