PLEURER à Tottenham

L’ex-Hurlu revient sur sa triste expérience londonienne.

J onathan Blondel (19 ans) :  » Je savais qu’il serait difficile de jouer à Tottenham mais je devais-je faire ? Mouscron n’a rien fait pour me conserver. Seul l’argent de Tottenham l’intéressait. Une fois les deux clubs d’accord, je n’avais pratiquement rien à dire. Je le comprends. Mouscron n’est pas riche et pourquoi ne réaliserait-il pas un gros transfert ? C’est un peu comparable à ce que vit maintenant Mbo Mpenza. L’Excel a besoin d’argent.

Je me plaisais à Mouscron, où je venais de prolonger mon contrat. J’ai joué presque tout le premier tour de la saison 2001-2002. Après la trêve, mes entrées se sont limitées à dix ou quinze minutes. Si j’étais resté, peut-être aurais-je fait banquette toute la saison. Alors, mieux valait opter pour Tottenham, pour acquérir de l’expérience et, aussi, gagner plus. Il n’y a pas de système de primes comme en Belgique, là. On touche des primes de match mais le salaire est différent. J’ai tout mis de côté pour plus tard car je n’ai pas besoin de grand-chose maintenant, même si je soutiens parfois ma famille.

De toute ma première saison à Tottenham, je n’ai joué qu’un quart d’heure, contre Southampton. J’ai délivré l’assist du deuxième but mais ensuite, à ma grande surprise, je n’ai plus été repris dans les 18. Nul ne m’a expliqué pourquoi. En un an et demi, j’ai connu deux entraîneurs mais je n’ai eu de contact avec aucun d’entre eux. C’est un autre monde. Ici, les entraîneurs parlent aux joueurs, pas là. Or, le contact est primordial pour un jeune joueur. Evidemment, ils avaient leur équipe en tête. Ce n’est pas l’entraîneur principal qui dispense les séances. Il passe le vendredi et fait l’équipe en concertation avec son adjoint. Je trouve qu’un entraîneur doit voir ses joueurs tous les jours.

Je n’ai pas eu de contact avec la presse non plus et je n’en avais pas envie. Une fois m’a suffi pour comprendre que c’est encore pire qu’en Belgique. Vous dites deux ou trois mots et le lendemain, il y a toute une page dans le journal.

Personne ne me parlait, à Tottenham. C’était dur, presque insoutenable. Chacun pour soi. Jamais nous ne sommes allés boire un verre, manger ensemble, ce qui arrivait encore bien deux fois par semaine à Mouscron. Pourtant, nous pratiquons un sport d’équipe et nous devons un peu vivre ensemble, non ?

J’ai vécu deux semaines complètement seul à l’hôtel. Ce fut la période la plus dure de ma vie. Le matin à l’entraînement, dîner avec le club et retour à ma chambre, jusqu’au lendemain. Je regardais la TV ou je dormais. Je voulais rentrer mais je devais honorer mon contrat. Ma peine était insupportable. J’ai beaucoup pleuré chaque fois que j’avais le blues.

Ensuite, on m’a octroyé un appartement à cinq minutes du stade. J’ai demandé à mon amie de me rejoindre. Cominoise, elle travaillait dans un restaurant. Nous ne nous connaissions que depuis deux mois avant mon départ mais elle a accepté de déménager. Je me suis senti mieux, sans beaucoup sortir pour autant. Une fois par semaine, nous allions au centre de Londres, faire du shopping et dîner au restaurant. C’est une belle ville mais je préfère mon village, près de ma famille. Je n’aime pas le bruit ni la foule. Entre-temps, mon amie a repris ses études. Elle veut être infirmière. Quant à ma maison, elle est presque achevée, grâce à l’aide de ma famille. (Il jette un coup d’£il sur ses mains, maculées de peinture).

On raconte qu’on s’entraîne beaucoup en Angleterre. Je n’en ai rien remarqué à Tottenham. Une heure et demie par jour, simplement, congé le dimanche et le mercredi. Bien sûr, il y a beaucoup de matches. Mais les entraînements ne me suffisaient pas et je faisais des heures supplémentaires pour ne pas perdre ma condition.

Le lundi, je jouais avec les Réserves. Ces matches étaient d’un bon niveau. Contre Arsenal, ainsi, Bergkamp et Kanu ont joué. Je me suis toujours livré à fond, dans l’axe ou sur le flanc gauche, mais nul ne m’a dit quoi que ce soit. On court plus qu’en Belgique. En 4-4-2, les deux médians centraux ne cessent de courir entre les deux rectangles. J’avais plutôt l’impression d’être médian défensif qu’offensif et en fin de match, j’étais mort « .

Facile de piger le jeu anglais

 » Au fil du temps, je me demandais ce que je faisais là. De retour de l’entraînement, je n’avais qu’une envie : faire mes valises. Mais le lendemain, au lever, ce sentiment était dissipé. Je téléphonais tous les jours à ma famille et à mes amis. Ils m’ont permis de tenir, de me battre, de rester sur le bon chemin. Mon père a joué un rôle particulièrement important. Je suis reconnaissant à l’égard de tous ceux qui m’ont rendu visite, aussi.

Mentalement, j’ai beaucoup appris. En ce sens, ce ne fut pas une mauvaise expérience. Elle m’a trempé le caractère, j’ai mûri. Je me suis endurci. Toutes les difficultés rencontrées vont s’avérer positives pour la suite de ma carrière. Je suis prêt à affronter les coups durs qui viendront encore. Mon jeu de tête s’est amélioré aussi ! Jouer de la tête, tacler, relancer, le tout très vite : j’ai assimilé le jeu anglais.

Comme rien ne changeait cette saison, je voulais retourner en Belgique. La D2 anglaise ne me disait rien. J’avais signé pour Tottenham. Si j’y échouais, je voulais jouer pour un autre club de D1. Pour le moment, il ne faut pas me parler de l’étranger et j’ai signé un contrat de quatre ans et demi à Bruges. Je pense bien que j’irai jusqu’au bout. Plus tard, je n’exclus pas un retour en Premier League, car je n’ai que 19 ans, mais alors, il faudra qu’on me garantisse une place de titulaire.

J’ai eu un premier contact avec le Club un dimanche. Le mercredi, tout était réglé, y compris les tests physiques et médicaux. Je n’ai pas posé beaucoup de questions, tant j’étais heureux de revenir au pays. Je n’ai pas eu le temps de faire mes adieux à Tottenham. Je n’ai plus eu le moindre contact là-bas.

Je veux réussir à Bruges. A quelle place ? Je n’en sais rien. Dans l’entrejeu ou sur l’aile gauche, sans doute. En fin de compte, je suis un attaquant. Le 4-3-3 de Bruges me convient mieux que le système de Tottenham où je passais mon temps à courir d’un côté à l’autre du terrain. C’est à moi de me distinguer à l’entraînement. Je me trouve dans un bon environnement. Tout va mieux. J’ai été bien accueilli par tout le monde, y compris les étrangers. Le groupe est soudé. On parle et on rigole tous ensemble.

J’ai joué en Espoirs avec Hans Cornelis et Birger Maertens, ainsi qu’avec Timmy Simons et Peter Van der Heyden en équipe A, en Pologne. Je venais de signer pour Tottenham. J’ai joué un quart d’heure. Ensuite, je n’ai plus été sélectionné mais c’était normal. Si je parviens à être titulaire à Bruges, je viserai à nouveau l’équipe nationale. C’est aussi pour ça que je suis revenu en Belgique.

Evidemment, je rêve d’affronter Mouscron en demi-finales de la Coupe de Belgique. Je conserve d’excellents souvenirs de l’Excel. J’y suis allé à l’école, j’y ai joué plusieurs années et c’est là que j’ai bu ma première bière (il rit) « .

Christian Vandenabeele

 » Si je deviens TITULAIRE AU CLUB, je viserai L’ÉQUIPE NATIONALE « 

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