OBJECTIF 50 PTS
Emilio Ferrera et le Standard sont des constantes dans la carrière de ce médian gauche qui possède un tir canon du droit.
Il y a quasiment un an, jour pour jour, Werry Sels quittait le Lierse, où il jouait les utilités, pour rallier les rangs du FC Brussels, qui n’en menait pourtant pas large, à cette époque, dans les tréfonds du classement. Avec le concours d’un autre renfort, Igor De Camargo, transféré au même moment lui aussi, les Coalisés allaient, au deuxième tour de la compétition, quitter petit à petit la zone rouge pour terminer la saison à la 15e place. Cette année, sous l’impulsion du même duo, les Molenbeekois ont poursuivi leur progression, au point de se situer aujourd’hui en 8e position au classement, avec un total de 28 points.
Si leur président, Johan Vermeersch, nourrit l’espoir de les voir passer la surmultipliée dans les mois à venir, histoire de titiller les clubs européens, le médian gauche se veut plus pragmatique.
Werry Sels : En engrangeant le joli total qui est le nôtre à présent, nous avons réussi au-delà des espérances. Personnellement, j’escomptais aborder les matches retour nanti d’une bonne vingtaine d’unités. Le surplus est dû, tout simplement, à des performances de choix face aux ténors, puisque nous avons fait 8 sur 12 contre les quatre grands chez nous. Dans la mesure où, au cours des semaines à venir, nous donnerons la réplique à ces diverses formations dans leur propre fief, et qu’elles auront manifestement à c£ur de remettre les pendules à l’heure contre nous, à commencer par le Club Bruges, le week-end prochain, je m’attends quand même à nous voir perdre plus de plumes. Si nous terminons avec 48 points, j’estime que nous aurons bien travaillé. Mais en mon for intérieur, je n’en espère pas moins 50. Une chose est sûre : nous pulvériserons le score réalisé en fin de campagne, en mai passé, quand l’équipe avait terminé avec 33 points.
A votre arrivée dans la capitale, à la mi-janvier 2005, le Brussels accusait 14 points à peine, devançant les seuls Ostende et Mons. Qu’est-ce qui vous avait poussé à délaisser le Lierse, qui avait encore des vues sur l’Europe à ce moment, pour rallier le stade Edmond Machtens ?
Trois facteurs ont été déterminants. Tout d’abord, je ne faisais pas partie des plans de bataille de l’entraîneur, Paul Put, qui m’avait utilisé à neuf reprises seulement, la plupart du temps pour des bribes de match. Il était clair également que la direction lierroise n’allait pas m’offrir de nouveau contrat en juin. Or, j’étais en fin de bail et je ne voulais pas courir le risque de me retrouver les mains vides, surtout si je ne bénéficiais pas de temps de jeu. Aussi, l’intérêt du club de la capitale tombait à point nommé. D’autant plus que j’avais la perspective d’y jouer à nouveau sous la coupe d’Emilio Ferrera, mon entraîneur fétiche. Je ne savais pas, toutefois, que les retrouvailles allaient être de courte durée puisque trois semaines à peine après mon arrivée, il fut remplacé par Robert Waseige.
» C’est Emilio qui m’a placé devant le ballon »
Emilio Ferrera a effectivement été le fil rouge dans votre carrière puisque vous l’avez côtoyé à ses débuts à Beveren, au Lierse et enfin au Brussels. Que retenez-vous de lui ?
Rien que du positif, parce que son influence sur moi fut tout bonnement déterminante. Il faut savoir que je ne faisais pas figure d’incontournable, au Freethiel, lors de ses débuts dans la corporation des entraîneurs. Son devancier, Stany Gzil, qui avait pourtant été à l’origine de mon passage de Kapellen à Beveren, en 1998, ne s’était jamais soucié de moi. S’il finit par m’accorder ses faveurs, ce ne fut pas dans un rôle offensif mais purement défensif. Avec lui, j’ai £uvré le plus souvent au back droit en définitive. A peine débarqué, au bout de trois entraînements tout au plus, Ferrera m’avisa que je n’avais strictement rien à faire à l’arrière. – Toi, avec tes qualités, tu dois toujours te situer devant le ballon, me répétait-il sans cesse. Je n’en revenais pas : je m’étais toujours signalé dans un seul registre jusque-là, sous les ordres du coach polonais et voilà que ce jeune Bruxellois, que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, au même titre que la plupart de mes partenaires d’ailleurs, avait une tout autre idée en tête à mon égard. Et avec l’équipe aussi puisque, sous sa gouverne, nous sommes passés du 4-4-2 au 3-4-3. Au lieu d’être back, je me retrouvais subitement tout devant, comme extérieur droit. Vous parlez d’une transition !
D’un coach à l’autre, le contraste était-il saisissant aussi ?
Le jour et la nuit. Gzil avait été éduqué footballistiquement à la dure, en Pologne, et il avait à c£ur de reproduire le même schéma chez nous. Il fallait toujours pisser du sang à l’entraînement et quand quelqu’un se plaignait, il revenait sans cesse avec les mêmes histoires. – On voit bien que vous n’avez jamais dû courir par moins trente degrés en montagne. Je ne voyais pas très bien le rapport avec le ballon rond et mes coéquipiers non plus, mais soit, c’était Gzil tout craché. Alors, c’est vrai qu’un coach parlant de diagonales, de lignes de course et tutti quanti, cela changeait. Moi, je n’hésite pas à dire, en tout cas, que je me suis senti pour la première fois professionnel avec Ferrera. C’est grâce à lui que j’ai vraiment pu affirmer mon potentiel et que je suis devenu une certitude. Auparavant, malgré des qualités évidentes, j’étais toujours la cinquième roue de la charrette. Avec le recul, je me dis que ce n’était sans doute pas anormal, vu que mes aptitudes n’étaient pas exploitées à bon escient. Dès l’instant où j’ai pu m’exprimer dans mon rôle de prédilection, j’ai fait un énorme bond en avant. Et j’en sais toujours gré, aujourd’hui, au cadet des Ferrera.
» Le Standard a toujours eu une place dans mon c£ur »
En 2001, vous aviez profité d’une erreur administrative pour troquer Beveren contre le Lierse. Mais vous étiez à deux doigts du Standard également, non ?
Le secrétaire beverenois Marc Pinson avait omis de lever l’option pour moi, avant la date fatidique du 1er avril. Du coup, au lieu de devoir jurer fidélité durant deux années supplémentaires aux Jaune et Bleu, j’étais un joueur libre. Westerlo et le Lierse m’ont fait un appel du pied, à l’instar du Standard. J’avoue que j’étais très sensible à la proposition du club liégeois, car les Rouches ont toujours eu une place un peu particulière dans mon c£ur et ce, pour deux raisons. 1° à Vorselaar, le patelin dont je suis originaire et où j’ai usé mes premiers crampons, les trois quarts des joueurs étaient supporters des Principautaires, sans que je sache trop pourquoi. 2° l’un de mes cousins n’est autre que l’ancien international Patrick Vervoort qui, comme bien l’on pense, fut ma première idole. Je l’ai suivi aussi bien au Beerschot que, par la suite, à Anderlecht et, surtout, au Standard. Chaque fois que j’en avais l’occasion, j’allais encourager Patje à Sclessin avec des copains de mon coin. On est restés très liés, même si, dans le domaine du football, j’ai confié mes intérêts à Walter Mortelmans plutôt qu’à lui. Car les affaires et la famille, cela ne fait pas toujours bon ménage (il rit).
Pour quelle raison n’aviez-vous pas abouti en bord de Meuse ?
Le Standard courait toujours désespérément après son passé à ce moment-là, tandis que le Lierse avait le vent en poupe. A présent, cinq ans plus tard, la situation est tout à fait différente, preuve que tout peut basculer très vite d’un côté comme de l’autre. J’aurais peut-être été mieux inspiré en optant pour les Rouches. Mais qui dit que j’y aurais tenu la distance ? A la chaussée du Lisp, j’ai quand même vécu des chouettes moments, avec Régi Van Acker d’abord, puis avec Emilio avant que tout ne se dégrade avec Put. Finalement, je suis parti de là au bon moment, quand on voit ce que ce club est devenu. Au départ, c’est vrai, il y avait peut-être de quoi se poser des questions sur la pertinence de mon choix. Mais un an plus tard, il va sans dire que je ne regrette absolument rien.
» Habile des deux pieds »
Quel regard portez-vous sur les déboires de vos anciennes couleurs ? Car hormis le Lierse, Beveren ne se porte pas comme un charme non plus ?
Récemment, le vice-président Georges De Colfmaeker a dit dans vos colonnes que la place de Kristof Imschoot et la mienne étaient au Freethiel et nulle part ailleurs. Cette réflexion, je l’avoue, m’a fait quelque chose. Au même titre que Kris, j’ai eu droit à un formidable écolage là-bas chez les jeunes. Une tradition qui s’est malheureusement perdue dès l’instant où Jean-Marc Guillou a fait son entrée sur place. Il n’y en avait plus que pour sa colonie ivoirienne et il est regrettable qu’un garçon de la trempe de Kristof Lardenoit, pourtant talentueux, ait dû partir à destination de Saint-Trond à présent parce qu’il était barré par les protégés du technicien français. Ce n’est pas que je lui jette la pierre ou que je désire pointer un doigt accusateur envers le président Frans Van Hoof. Son club filait du très mauvais coton au début du nouveau millénaire et Guillou lui a donné l’occasion de ne pas péricliter. Il est simplement dommage qu’il n’ait pas songé à un mix entre les éléments de son Académie et les espoirs beverenois. Dans ces conditions, je pense que chacun y aurait vraiment trouvé son compte. J’ai cru comprendre que le nouvel accord de collaboration entre Beveren et JMG comporterait une clause de ce genre. A mes yeux, elle s’impose si ce club veut garder un attrait auprès des jeunes footballeurs belges de l’endroit.
La plongée du Lierse n’est-elle pas plus étonnante ?
Le président Léo Theyskens y a prôné la révolution. Il aurait été plus inspiré en se limitant à une simple évolution. Il a voulu faire table rase du passé, en snobant les jeunes, tout en recrutant en masse à l’étranger. Après un demi championnat, il semble vouloir rectifier le tir, mais je crains qu’il ne soit trop tard. A moins d’un retournement de situation incroyable, j’ai bien peur que le Lierse fera la culbute en fin de saison.
La direction lierroise table sur un coup de rein salutaire, notamment grâce à l’apport d’un ancien de la maison comme Karel Snoeckx. Jurgen Cavens a été sollicité lui aussi mais a décliné l’offre. Vous-même, que feriez-vous si le Lierse vous appelait en renfort ?
Je n’accepterais pas. Je suis bien au Brussels et je veux mettre tout en £uvre pour réaliser un chouette parcours ici. Sportivement, je ne me suis jamais senti mieux. J’ai trouvé ma place sur le flanc gauche et je ne cache pas que c’est un régal de bosser avec Albert Cartier. Il me rappelle Ferrera, à cette nuance près qu’il est plus proche des joueurs. A trois stades de ma carrière, j’ai eu la chance de travailler avec Emilio. J’en conclus qu’il devait m’avoir à la bonne. Jamais, pourtant, il ne m’a fait la moindre remarque ou le moindre compliment durant tout ce temps. Avec Cartier, par contre, les bons mots fusent toujours. Tout footballeur y est sensible. Moi aussi. Sous cet angle-là, je crois qu’il faut rendre grâce à Robert Waseige aussi. Car tout au long de son séjour ici, il a chaque fois trouvé les paroles qui nous ont poussés à nous sublimer. Le sauvetage, nous l’avons réalisé grâce à lui. Même si je maintiens que nous y serions parvenus également avec son prédécesseur. Mais la direction ne lui a pas laissé le temps.
A l’image de Julien Gorius et de Christ Bruno, vous êtes le polyvalent par excellence du Brussels, puisque vous jouez avec un égal bonheur à gauche comme à droite. Pour vous, c’est vraiment kif-kif ?
Absolument. Je suis droitier à l’origine mais depuis mon plus jeune âge, j’ai travaillé tant et plus mon gauche, au point que les deux sont pour ainsi dire équivalents. Le fait d’évoluer à gauche me permet cependant d’entrer dans le jeu et de frapper du droit, qui est plus puissant que l’autre. Cela me permet d’inscrire un but de temps en temps. Comme contre Anderlecht cette saison. Mais deux goals, c’est trop peu. Je dois à tout prix améliorer ma production. C’est l’objectif personnel que je me suis fixé pour le deuxième tour.
BRUNO GOVERS
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