Lewis Hamilton : la rock star de la F1
La Formule 1 traverse une crise profonde, mais possède une rockstar en ses rangs : Lewis Hamilton, un Anglais qui prouve qu’un champion du monde peut aussi mener une vie déréglée et glamour.
Lewis Hamilton, un homme sans secrets, qui partage son univers luxueux sur les réseaux sociaux. Ses meilleurs amis sont Roscoe et Coco, deux bouledogues anglais. Il parcourt le monde à bord d’un jet privé rouge, annonce lui-même lorsqu’il participera à un talkshow et qui seront les autres invités, et fait savoir de quels journaux il fera la couverture le week-end suivant.
Des photos et des textos envoyés depuis l’aéroport de Montréal, la plage de Monaco, le ring de boxe de Las Vegas, une première du Festival du Film de Londres ou Central Park à New York, ou encore depuis un studio de prises de vues à Los Angeles ou le paddock de Silverstone.
L’image qu’Hamilton a de lui-même est celle est d’un jeune qui part à la conquête du monde avec la curiosité d’un enfant. Il s’intéresse à la mode, à la musique, au cinéma, aux gens et à leurs émotions. Il prend soin de ses photos, qui illustrent sa vie trépidante. Ses messages sur Instagram ou Twitter sont… différents. « Etre créatif, cela implique de briser les schémas traditionnels et de regarder la vie différemment. »
Il y a sept ans, lorsqu’il avait été invité à Londres pour fêter le 90e anniversaire de Nelson Mandela et qu’il avait croisé les pas de Bill Clinton et Denzel Washington entre autres, il n’avait pas pris la moindre photo. Il a juré que cela ne lui arriverait plus. « J’ai des millions de suiveurs sur les réseaux sociaux. Ces gens veulent savoir de quoi est faite ma vie. » Une vie éclectique, qu’il partage via des selfies et des hashtags.
Bande à part
Personne ne se profile plus que ce trentenaire, qui fait figure d’exception dans le milieu. Le pilote Ferrari et quadruple champion Sebastian Vettel (28 ans) est un vrai professionnel, qui garde son jardin secret et ne laisse rien filtrer de sa vie privée. Il apprécie par-dessus tout le calme et la paix. Nico Rosberg (30 ans), l’équipier de Hamilton chez Mercedes est un peu plus accessible, mais n’apparaît pas très authentique.
Hamilton, lui, ne se fixe quasiment aucune limite et a redéfini la profession de pilote de F1 : un mélange de professionnalisme dans le cockpit et de détente en dehors, ce qui fait de lui la première rockstar de l’époque digitale. Le sport moteur a longtemps été dominé par des pilotes hyper-professionnels, à l’image de Michael Schumacher : sérieux, affûté, respectant une stricte hygiène de vie et choisissant soigneusement son langage.
Hamilton fait bande à part. En mai, juste avant le Grand Prix de Monaco, il a posé en smoking noir lors d’un dîner de gala, accompagné d’une jolie blonde vêtue jusqu’au nombril d’une robe de gala. Pendant ce temps, Rosberg était au lit et rêvait du circuit urbain…Rosberg prépare les courses de façon aussi méticuleuse que ses ingénieurs. Pour le GP de Malaisie, qui s’est disputé dans une chaleur accablante, l’Allemand avait pris la précaution d’insérer un bandeau entre le front et le casque, afin que la sueur ne dégouline pas dans ses yeux.
Il n’est pas insensé de supposer qu’il a essayé plusieurs bandeaux, afin de savoir lequel était le plus efficace. Si Hamilton, redevenu célibataire entre-temps, avait procédé de la même manière, on se serait demandé : de quelle femme l’a-t-il reçu ? »Je mène une vie surréaliste », a-t-il déclaré l’an passé dans une interview. « Je vole de Barcelone à Londres, puis le lendemain à Tahiti via Miami. A Miami, j’ai dîné le soir avec Will Smith, qui fut la vedette de The Fresh Prince of Bel-Air, dont j’ai toujours été un grand fan. J’ai dû me retenir toute la soirée pour ne pas crier trop fort mon admiration. C’était fou ! »
Jeunesse mouvementée
Au début juillet, lorsque Hamilton remporta le GP de Grande-Bretagne dans son jardin de Silverstone, il y avait plus de 140.000 spectateurs dans la tribune. Alors que les tribunes d’autres circuits restent à moitié vides et que des courses disparaissent du calendrier, comme en Allemagne, Silverstone est en plein boom.
La F1 traverse une crise profonde : le nombre de spectateurs diminue de façon draconienne, les chiffres des budgets des teams deviennent rouge foncé, des sponsors renoncent, la répartition des bénéfices devient de moins en moins équitable. Mais à Silverstone, on a l’impression que la crise fait une pause.
Le fier Union Jack flotte dans le vent violent du Northamptonshire, les mots Lewis ou Hamilton sont écrits au milieu des drapeaux. Le public britannique adore les courses et les pilotes, qui ne portent plus la casquette de cuir et les lunettes protectrices d’autrefois, mais qui respectent malgré tout les principes de leurs ancêtres : les courses se remportent à l’audace, à la résistance et au pied lourd sur la pédale d’accélérateur.
Et cela correspond parfaitement à Hamilton. Malgré son comportement hiphop, ses diamants dans les oreilles et ses vestes à la dernière mode, il reste un adepte de la vieille école. Et il a ceci en commun avec bon nombre de spectateurs qui garnissent les tribunes de Silverstone : il aime les tatouages et a derrière lui une existence mouvementée.
Ses parents ont divorcé très tôt. Il a grandi à Stevenage, où son papa Anthony, un fils d’immigré des Caraïbes, dormait dans un sofa de la salle de séjour et allait courir à huit ans avec un kart dont plus personne ne voulait. Son frère, Nicolas, était paralysé depuis l’enfance et avait des difficultés à se mouvoir.
Tous ces problèmes ont soudé les liens entre les trois Hamilton, qui sont toujours visibles aujourd’hui : le mot Family a été tatoué sur l’épaule droite. Lorsqu’il décrit sa carrière, le mot iceberg revient souvent. Seule une petite partie de ce qui était nécessaire pour réussir, est visible. Pas les problèmes, les privations, les doutes, la résistance et le travail acharné.
Don artistique
A 13 ans, il a reçu de Ron Dennis, le patron de McLaren, un contrat pour le driver development program, puis l’homme d’affaires anglais a financé son ascension vers la F1. En 2007, Dennis a bafoué sa propre règle : ne placez jamais un débutant dans un bolide de F1. Hamilton a débuté par une deuxième place. L’année suivante, il est devenu le plus jeune champion du monde de l’histoire.
Durant les six années qui ont précédé son titre suivant, il a non seulement changé de team – de McLaren vers Mercedes -, mais il s’est surtout émancipé. Pour Dennis, Hamilton était encore un petit garçon qui devait d’abord l’écouter. Sa relation avec son père, qui était aussi son manager, a explosé.Hamilton appréciait sa liberté, s’est lancé dans une relation compliquée avec la chanteuse américaine Nicole Scherzinger et a adopté le style de vie californien. Récemment, il a signé un contrat faramineux qui le lie à Mercedes jusqu’en 2018 et qu’il a lui-même négocié. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. « Si je ne prends pas soin de moi, qui va le faire ? »
Une scène qui se répète presque quotidiennement. Lewis Hamilton à table, avec une chemise noire, une casquette arborant le logo de ses sponsors et un jeans de marque. Autour du cou, une lourde chaîne qui descend jusqu’au ventre : près d’un kilo d’or pur. Il regarde les messages sur son smartphone avec son frère, ils se marrent comme deux petits enfants.Hamilton a plusieurs facettes. Parfois fou, parfois cool et prudent, parfois sévère et tyrannique. Il tweete sur l’amour, la famille et la foi, il croque la vie à pleines dents. Un éternel optimiste qui connaît par coeur les centaines de pages de son nouveau contrat. Car il veut en tirer le maximum.Hamilton, un champion de F1 sans précédent : doté d’un sens artistique très développé, il aime la musique et la mode. « J’essaie de faire moi-même de la musique, et la mode est bien plus qu’un simple vêtement : c’est surtout l’expression de ma personnalité. Le graffiti est un nouvel hobby, mais la création et le design m’intéressent énormément. Lorsque ma carrière sera terminée, c’est dans cette direction que je veux m’orienter. »
Foi en Dieu
Beaucoup de ses tatouages représentent des motifs spirituels ou religieux. Dans son dos, on trouve une énorme croix avec des ailes. « Je crois en Dieu et au destin, au fait qu’il y a toujours une raison aux événements qui se produisent. Ce n’est pas un hasard si je suis le seul pilote de couleur en F1, tout comme ce n’est pas un hasard si je suis au sommet. »
Depuis 2013, il travaille avec Toto Wolff (43 ans), ex-executive director de Williams qui a encore couru lui-même et qui est marié avec Susie, un pilote d’essai de F1. Un Viennois de naissance qui a fait fortune comme investisseur et qui comprend comme personne ce qu’il se passe dans la tête de Hamilton.
« Si ses prestations restent exceptionnelles, peu importe comment un pilote organise sa vie. Il peut se comporter en brave père de famille, mais aussi en rockstar. Il doit simplement comprendre qu’il ne peut pas devenir plus important que le team. » Et cela, Hamilton l’a compris.
Par Detlef Hacke
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