F1: Nico Rosberg, champion de l’humilité
Ce dimanche, lors du Grand Prix de Belgique de F1 à Francorchamps, Nico Rosberg veut effectuer un pas supplémentaire vers le titre de champion du monde. Son unique rival, Lewis Hamilton, fait partie de la même écurie. Ce qui risque de compliquer les relations : « Rosberg et Hamilton sont deux jeunes hommes qui se disputent la même femme. »
L’an passé, au départ d’une nouvelle saison de Formule 1, Nico Rosberg et Lewis Hamilton se sont présentés comme deux bons amis. Suite au transfert du Britannique, les deux pilotes étaient chargés de replacer Mercedes sur la carte après quelques années de vaches maigres. Tous les deux avaient, déjà sous les couleurs de Mercedes, participé à des compétitions de karting dans leur jeunesse.
Une photo les montre même ensemble sur le podium d’un championnat du monde. Hamilton, 15 ans à l’époque, était monté sur la deuxième marche, et Rosberg – qui avait le même âge – sur la troisième. Le vainqueur était le Polonais Robert Kubica, qui allait également devenir un pilote de Formule 1 mais fut victime d’un grave accident lors d’un rallye à Andorre en 2011, suite auquel il échappa de peu à l’amputation d’une main.
Hamilton et Rosberg réunis dans une seule et même équipe : c’était donc supposé être un bon mariage. Ils résident tous les deux à Monaco, et Hamilton frappait souvent à la porte de Rosberg lorsqu’il voulait s’offrir un bon restaurant ou que son frigo était vide. Il appréciait aussi les bons hamburgers que préparait la copine de Nico Rosberg, Vivian.
Aujourd’hui, que reste-t-il de cette amitié ? En 2013, on n’a constaté aucune tension au sein du team. Hamilton était légèrement plus performant que Rosberg, mais ils ne concouraient pas pour les trophées. L’hégémonie de Sebastian Vettel et de Red Bull était trop grande. Mercedes a remporté trois victoires, et avec respectivement une quatrième et une sixième places, Hamilton et Rosberg ont échoué au pied du podium.
Poids plume Pourtant, le constructeur n’était pas mécontent. L’équipe était clairement engagée dans une spirale ascendante et Nico Rosberg en bénéficiait. Il faisait souvent l’éloge de l’excellent esprit qui régnait chez Mercedes et louait le très bon travail qui y était accompli. Ce n’était pas le cas de Lewis Hamilton : celui-ci ambitionnait bien davantage qu’une quatrième place.
Au début de cette année, on a senti venir la passation de pouvoir en Formule 1. Mercedes s’était très bien préparée à la saison. La marque a investi plus d’argent dans le team, a tiré profit des améliorations techniques, a travaillé très dur à la mise au point d’un moteur très performant. Lequel des deux pilotes fallait-il propulser au premier plan ?
Lewis Hamilton, le plus rapide mais aussi le plus étourdi ? Ou Nico Rosberg, moins talentueux mais plus réfléchi ? Bernie Ecclestone, le gourou de la F1, aujourd’hui en proie à des ennuis judiciaires, avait déjà sa petite idée avant même le premier Grand Prix de la saison en Australie : « Rosberg sera champion du monde », avait-il prédit.
L’Allemand, qui a perdu quatre kilos durant l’hiver et n’en pèse plus que 60, dispute sa cinquième saison chez Mercedes après quatre années passées chez Williams. Les éloges ne lui sont pas montés à la tête. Rosberg est un analyste qui sait utiliser ses qualités de façon efficace et productive, qui discute avec les ingénieurs, qui étudie les données techniques et qui réfléchit à propos des stratégies d’équipe. Beaucoup plus que Hamilton, qui pilote davantage à l’instinct et fonce parfois tête baissée.
Intelligence vs feeling Hamilton-Rosberg : il n’existe pas de plus grands contrastes en Formule 1. Le feeling de Hamilton et l’intelligence de Rosberg : c’est la combinaison gagnante de Mercedes, qui domine la saison de façon tellement magistrale que les tensions entre les deux pilotes ne peuvent que s’accentuer. Rosberg et Hamilton ont toujours aimé la concurrence. Jadis, lorsqu’ils allaient passer ensemble une soirée au cinéma, ils se lançaient des défis. Par exemple : qui serait le premier à oser aborder une jeune fille attrayante.
Mais la situation a évolué. Notamment parce que, au sein du team, chacun suit sa propre voie : les deux pilotes disposent chacun de leur propre ingénieur et de leurs propres monteurs. Ils vivent dans leur monde à eux. Seule la stratégie est définie par un seul homme. En fait, ce sont surtout les circonstances de la course qui décident. Pas question d’une répartition des rôles au sein de l’écurie.
Nico Rosberg a remporté quatre Grands Prix, et Lewis Hamilton cinq. Onze points les séparent au classement du championnat du monde. Ils s’affrontent à visière découverte. Comme l’a déclaré le patron de Mercedes, Toto Wolf : « Ce sont deux jeunes hommes qui se disputent la même femme. »
Neuvième saison en F1 Nico Rosberg dispute sa neuvième saison de Formule 1. Il vient à peine d’arriver au sommet. Rosberg avait 17 ans, en 2002, lorsqu’il put s’asseoir pour la première fois derrière le volant d’un bolide de F1, en tant que pilote d’essai chez Williams-BMW. C’était sa récompense pour avoir remporté une course chez les Juniors de BMW. Il connut encore une période de succès dans d’autres championnats, comme la Formule 3 Europseries ou les GP2-Series.
Le 12 mars 2006, Nico Rosberg effectua ses débuts en Formule 1. Il prit le départ de son premier Grand Prix, à Bahreïn, en douzième position sur la grille. Suite à un léger accrochage au départ, il fut contraint à une course-poursuite mais termina finalement septième. En outre, il fut l’auteur du tour de piste le plus rapide : à 20 ans et 259 jours, il était le plus jeune pilote à réaliser cette performance.
Le talent de Nico Rosberg était incontestable. Malgré tout, il a fallu attendre jusqu’en 2012 pour le voir conquérir une première pole-position, au Grand Prix de Chine. Son équipier chez Mercedes n’était autre que Michael Schumacher. Dans la foulée, Rosberg a remporté le GP de Chine.
Au terme de cette saison-là, Schumacher a arrêté la compétition et Hamilton est devenu l’équipier de Rosberg. S’ensuivirent deux victoires en 2013 (Monaco et Grande-Bretagne) et une sixième place au championnat du monde.
Supporter du Bayern Son processus de maturation fut donc très lent. Ce n’est qu’aujourd’hui que Rosberg démontre qu’il n’est pas aussi mou que beaucoup le pensent et qu’il garde la maîtrise alors qu’il possède en Lewis Hamilton un équipier aussi imprévisible qu’encombrant. Le Britannique a laissé entendre, sans le dire ouvertement, qu’il considérait Rosberg comme un fils de riche et qu’il ne le trouvait pas « allemand ».
Hamilton est passé maître dans les attaques verbales. Même s’il parle d’une voix douce, la teneur de ses propos est souvent dure et blessante. Face aux riches, il passe souvent pour un bagarreur de rue, lui qui a grandi dans une famille décomposée. Rosberg est touché par ce genre de déclaration, mais n’en laisse rien paraître vis-à-vis du monde extérieur. Il ne veut pas gaspiller d’énergie dans des affaires sur lesquelles il n’a aucune prise, mais préfère la consacrer à résoudre des problèmes qui peuvent trouver une solution.
Fils du Finlandais Keke Rosberg, qui fut champion du monde de Formule 1 en 1982, Nico – né à Wiesbaden, en Allemagne – a grandi dans l’univers du sport automobile depuis le berceau. Pourtant, au départ, il rêvait surtout de faire carrière comme footballeur. Il se serait bien vu en buteur émérite. Aujourd’hui encore, il reste un passionné de football et un supporter invétéré du Bayern Munich.
Nico a hérité de la nationalité allemande de sa maman, et comme enfant unique, il a eu une jeunesse heureuse. Il a fréquenté des écoles réputées, était bon élève et était protégé à la maison. Aujourd’hui, il parle couramment quatre langues : l’anglais, le français et l’italien, en plus de l’allemand. En revanche, il maîtrise peu la langue de son père.
Pas un flambeur Nico Rosberg a été élevé dans le luxe, mais n’a jamais été un flambeur et ne s’est jamais senti supérieur aux autres. En fait, Rosberg est un vrai team-player, mais dans l’univers impitoyable de la Formule 1, il s’oblige souvent à penser de manière égoïste. Néanmoins, il aime la stabilité. Au contraire du capricieux Hamilton, il est toujours prêt à aider et à collaborer à la recherche d’améliorations sur son bolide.
Chez Mercedes, on le considère comme une pièce importante du processus de développement du team, quelqu’un d’essentiel à l’indispensable continuité. L’hiver dernier, il s’est souvent rendu à l’usine de Stuttgart et a pris place un nombre incalculable de fois dans le simulateur. Il préfère discuter avec les ingénieurs en tête-à-tête plutôt que par e-mail. Il considère les bons contacts avec le personnel comme le fondement des résultats.
En privé également, Nico Rosberg n’est pas l’homme des escapades. Il connaît sa petite amie Vivian, une architecte d’intérieur, depuis 2003. Ils se sont mariés le mois passé, deux jours avant que la Mannschaft ne devienne championne du monde au Brésil. On dit de Nico qu’il a demandé Vivian en mariage sur le yacht de ses parents.
Il y a quelques semaines, il a posté sur internet une photo de lui où on le voit en train de jouer avec son chat. C’est un peu futile, mais cela démontre que l’homme est très différent dans la vie privée que sur les circuits automobiles : ici, ce n’est pas la tête qui gouverne mais le coeur.
Rosberg aime beaucoup les animaux. En plus de sa maison à Monaco, il possède aussi une habitation à Ibiza. Lorsqu’il découvrit que son voisin possédait un âne, il trouva que l’animal était un peu seul et il lui acheta un deuxième âne. C’est le genre d’histoire qui n’intéresse pas la presse people. Nico Rosberg ne fait pas assez d’éclats pour faire les gros titres. Le leader du championnat du monde est beaucoup moins connu du grand public que ses illustres compatriotes Michael Schumacher ou Sebastian Vettel.
Avec le Dalaï Lama Cela n’a pas empêché Mercedes de prolonger son contrat de trois ans. Nico Rosberg devrait gagner 20 millions d’euros par an. Il vante la voiture qu’il a aujourd’hui en mains et maîtrise les gadgets techniques du cockpit comme personne d’autre. Pour lui, plus c’est technique, mieux c’est. Il a assimilé les changements techniques du moteur turbo bien plus rapidement que Hamilton. Il parle d’une « technologie digne d’une fusée » dans le cockpit. Il adore utiliser au maximum les capacités de la voiture, pousser le bolide jusqu’à sa limite. Cela le motive.
Et tant pis si sa relation avec Lewis Hamilton s’est compliquée ces derniers mois. Il sait que leur concurrence mutuelle risque encore de s’accentuer à l’avenir. On en a eu la preuve lors du récent Grand Prix de Hongrie, lorsque Hamilton n’a pas tenu compte des ordres du team Mercedes et n’a pas laissé passer Rosberg.
Il y a un domaine dans lequel Nico Rosberg a, selon ses propres dires, beaucoup progressé : son pouvoir de concentration est désormais illimité. Peut-être est-ce dû à une rencontre fortuite avec le Dalaï Lama à l’aéroport de Francfort, juste avant le début de la saison. Une rencontre qui a marqué Nico Rosberg. Le pilote a posté une photo du leader spirituel du bouddhisme tibétain sur Twitter et a commenté : « Si des journalistes me demandaient aujourd’hui avec quel personnage j’aimerais déjeuner, je sais ce que je leur répondrais. »
Jacques Sys
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