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Le milieu de terrain limbourgeois portait le 27 à Bruges. Un numéro porte-malheur, jusqu’à ce que le Standard lui offre un contrat.
« Je veux saisir cette chance « . Ce sont les premiers et les derniers mots de Karel Geraerts (22 ans) lors de notre entretien. Il a tellement attendu ces moments au Club Brugeois… Pour retrouver la joie de jouer et l’expérience de la D1, il dut être prêté six mois à Lokeren la saison dernière et défend à présent les couleurs du Standard, où on lui donne une chance ultime de percer au plus haut niveau.
» En quatre jours, tout était réglé. Un contrat amélioré portant sur trois ans. Lokeren spéculait sur le fait que Bruges allait baisser le prix pour mon transfert définitif, fixé à 125.000 euros, mais ce ne fut pas le cas. Les Waeslandiens ont tout fait pour essayer de me convaincre de ne pas signer, mais il était déjà trop tard. Monsieur Preud’homme voulait absolument m’avoir dans ses rangs. Il me connaît encore de l’équipe nationale Espoirs et m’a vu remporter la Supercoupe avec Bruges contre Genk voici deux ans, avec une équipe alors très jeune. Il me voulait déjà à l’époque, mais je ne pouvais pas quitter Bruges. Monsieur Preud’homme croit en moi. Il m’a transféré en vue des positions au milieu de terrain mais je peux aussi le dépanner à d’autres places. Du moment que je joue ! C’est vraiment le plus important pour moi « .
Lorsque Bruges vous prêta à Lokeren en janvier, votre discours était : -Il n’y a pas d’option dans le contrat, apparemment Bruges croit encore en moi. Quelle conclusion tirez-vous à présent que le Club vous laisse filer chez un concurrent direct pour un montant ridicule alors que vous étiez sous contrat jusqu’en 2005 ?
Karel Geraerts : En janvier, la direction attendait que je revienne six mois plus tard de Lokeren avec un bagage suffisant au poste de demi défensif. Soit je suis trop court à leurs yeux, soit certaines personnes ne croient pas en moi. Pourtant, dans tous les entretiens que j’ai eus avec Trond Sollied, durant les stages d’été et d’hiver, j’entendais sans cesse les mêmes encouragements, le fait que je livrais du bon boulot, qu’il croyait en moi et en ma chance. Il n’a pas converti ces paroles en actes, puisque jamais je n’ai pu entamer une rencontre de compétition. Le fait qu’ils me laissent filer pour 125.000 euros reflète simplement que le noyau brugeois est pléthorique. Quoique la masse salariale ne risque pas de chuter drastiquement suite à mon départ ! Vu mon contrat minimum, je gagnais 1.000 euros par mois plus les primes. L’avantage évidemment c’est qu’à Bruges tout le groupe touche les primes.
Grâce aux primes, vous touchiez dès lors beaucoup d’argent ? Vous, Tim Smolders et Sebastian Hermans n’avez pas suivi par hasard une formation de conseiller en placements…
Non, ce sont des notions importantes à savoir, je trouve. Mais cela ne m’occupe pas autant que beaucoup d’autres joueurs. J’investis avec mon père. Après le 11 septembre, les placements ont connu un sérieux coup dur mais à présent cela commence à remonter. Il est vrai que ne pas être repris dans le noyau des 18 joueurs et de quand même toucher les primes, c’est une consolation. Le Club fait ainsi taire ceux qui sont sportivement moins heureux.
Lorsque vous êtes arrivé au Club Brugeois, vous avez insisté sur la chance que le Club allait accorder aux jeunes. Willy Wellens, votre entraîneur en Espoirs, ne tarissait pas d’éloges sur vous. Et maintenant ?
Après avoir tenu ces propos, le Club a commencé à réaliser davantage de transferts. Des joueurs d’expérience furent acquis et les jeunes servaient à faire nombre à l’entraînement. L’entraîneur appréciait que nous continuions à nous donner à 100 %, attisant ainsi la concurrence. Mais ce n’était pas assez. Quant aux éloges de Willy concernant ma force, mes qualités, ma résistance, c’est la mentalité chez nous à la maison : toujours motivés. Mon père voit du travail partout. Avant, il élevait 20.000 poulets et ensuite il s’est lancé dans la transformation en brochettes, saucisses, pignons, schnitzels, etc. Il a construit ce commerce lui-même, à présent il a arrêté mais il ne reste pas sans rien faire. Il a acheté un tracteur avec lequel il rase des arbres, bouge des branches… Il a joué au foot à Opgrimbie et raconte qu’il était le meilleur buteur, ce que nous nous efforçons de croire. J’ai en effet une forte musculature mais elle n’est pas apparue sans efforts. Cela date du temps où mon frère aîné avait soudé une machine à soulever des poids. La compétition entre frangins aidant, je suis devenu plus fort. Et le temps est révolu où mon père gagnait toujours au bras de fer. Mais il me reste encore du chemin à accomplir, j’essaie par exemple chaque semaine de travailler ma vitesse de démarrage et ma communication envers mes partenaires. De nature je suis un homme d’actes plus que de paroles. Je cause déjà plus sur le terrain qu’avant, mais j’estime qu’il ne faut pas exagérer et crier comme en Hollande. Il y a aussi une part de timidité : je venais du Limbourg et à Bruges l’accent est vraiment différent. Souvent, je me disais : je leur parle mais ils ne me comprennent pas ! Par contre, en français, je me débrouille bien. J’ai toujours suivi l’option langues modernes à l’école mais je suis content quand je peux parler flamand avec Eric Deflandre.
Votre position dans le noyau A de Bruges a été reprise par Vincent Provoost, de deux ans votre cadet et qui serait plus fort sur les plans technique et de la vitesse.
Il est possible qu’ils m’aient laissé partir en se disant qu’ils avaient une solution valable à ma place. A leurs yeux, Provoost est sans doute meilleur et a plus de chances de réussir que moi. Je l’espère sincèrement pour lui car c’est un bon footballeur, un travailleur et un chouette copain. Dommage qu’il se soit blessé au genou entre-temps, mais je lui souhaite beaucoup de succès.
Vos frères jouaient tous deux au Fortuna Sittard. Que sont-ils devenus ?
Mon frère aîné était un grand talent, un attaquant rapide qui intéressa jadis Anderlecht, mais il joue à présent en 4e Provinciale, à Rekem. Cela a mal tourné pour lui : une bière, une cigarette, une opération au genou, au revoir la belle carrière promise… Moi, j’ai été dégoûté du houblon à 14 ans : tellement soûl que j’ai dû vomir et depuis lors je ne peux plus voir ni sentir une bière (il rit). Quant à mon frère cadet, il est défenseur central ou arrière droit. Il y a deux ans, il a joué 20 matches avec la Première du Fortuna Sittard et la saison dernière huit, mais lui aussi a connu des problèmes au genou. A présent, il essaie de soigner son membre en Promotion, à Spouwen. J’espère ne pas avoir à souffrir du genou comme eux. J’espère que ma fracture du péroné et la déchirure des ligaments de la cheville encourue contre Genk lors de sa première montée au jeu avec Bruges, il y a trois ans, seront les deux seules blessures avant longtemps.
Est-ce exact que Ruud Van Nistelrooy vous a écrit une carte à l’époque ?
Oui. C’était à l’époque où Eric Gerets entraînait le PSV. Ruud Van Nistelrooy avait alors lui-même de solides problèmes au genou, ce qui l’avait empêché d’aller à Manchester United. Gerets lui avait dit ce qui m’était arrivé et il m’avait écrit une carte : – Je sais que tu es un bon joueur. Tu es encore jeune, tu reviendras dans le parcours. Tu as un bel avenir, travaille pour récupérer de ta blessure… Une très belle carte, avec à l’avant une illustration d’un joueur de foot dans un lit d’hôpital. J’ai trouvé ça chouette et j’ai gardé la carte. Johan Gerets û NDLA- le fils d’Eric et son meilleur ami par ailleurs- et moi allions alors régulièrement voir le PSV et les joueurs commençaient à nous connaître. Quand Johan et moi sommes ensemble, il y a toujours de l’ambiance. Johan a mis sur papier toutes nos frasques et il en avait pour 70 ou 80 pages.
Des frasques…
Ouille… Lorsque nous habitions le même appartement, il nous arrivait de jeter de l’eau sur les cyclistes qui passaient. Cela commençait par un verre mais se terminait souvent par des… seaux ! Nous étions comme larrons en foire, surtout lorsque Eric n’était pas là, dois-je ajouter. Je me remémore une splendide engueulade de la part d’Eric Gerets : nous avions joué au foot sous une pluie battante et avions labouré la pelouse de son jardin. J’étais à l’étage lorsqu’il rentra à la maison, mais je l’entendis enguirlander son fils, je m’en rappelle comme si c’était hier.
Vous avez connu pas mal de familles d’accueil différentes, à Bruges. Alors, êtes-vous un garçon difficile ?
Non, pas du tout. Je suis un garçon très facile à vivre. Demandez un peu à Rita Gerets et à la mère de Hans Cornelis, chez qui j’ai également vécu. Aux deux endroits cela s’est très bien passé. C’est seulement avec la famille d’adoption d’Eric Addo que j’eus des problèmes. Si le matin il restait des miettes sur la table, c’était un drame. Je suis parti de là parce que je ne pouvais décemment y être heureux. La famille suivante était beaucoup mieux. Jusqu’à ce que la dame fut mordue par un chien et doive aller à l’hôpital. Son mari étant infirme, elle estimait qu’il ne pouvait pas suffisamment s’occuper de moi. J’ai une fois de plus dû déménager. Je suis en fait très content de pouvoir revenir dans ma région, où je peux m’exprimer comme je l’entends. Pour ma copine, c’est plus difficile : elle donne cours à mi-temps à Menin et ne pourra pas toujours être à mes côtés à Maasmechelen. Nous essayerons de trouver une solution qui lui convienne, car je sais tout ce qu’elle représente pour moi.
Pourquoi le Standard est-il un club taillé sur mesure pour vous ?
Je pense que c’est une équipe qui me convient, par sa mentalité et la chaleur qui y règne. Beaucoup de Limbourgeois de Maasmechelen et de la région sont supporters des Rouches. Et les Liégeois croient en moi, j’ai leur confiance et c’est ce dont j’avais besoin. Les objectifs de M. Preud’homme sont de revenir aux origines du Standard. Un savant mélange de travailleurs acharnés et de joueurs raffinés. Comme au temps des Limbourgeois Jos Daerden et Eric Gerets…
A-t-on travaillé dur pendant la préparation ? Comment jugez-vous le jeu du Standard et qu’attendez-vous de la saison à venir ?
Au camp d’entraînement à Spa, les sessions étaient très corsées. A Bruges, on travaillait la condition physique balle au pied. Ici, nous avons eu droit à pas mal de joggings dans les bois et de course à pied. Et le paysage est plutôt vallonné ici, hein ! La différence quand on s’entraîne sans ballon, c’est qu’on réfléchit davantage et on souffre plus. Au niveau du jeu, la différence essentielle réside dans la construction. A Bruges, la balle doit arriver le plus rapidement possible à l’avant. Ici, on peut remiser, garder le ballon dans les rangs, on ne recherche pas aussi rapidement la profondeur. Au Standard, on ne donne pas de balles à l’aveuglette si l’on n’est pas certain de la récupérer. Concernant la saison à venir, nous allons encore nous renforcer avec au moins trois joueurs, vous savez. Ainsi, nous serons compétitifs dans le cadre de la course au titre. Mon ambition personnelle est de jouer un bon match chaque semaine. Un beau défi, lorsqu’on sait que j’aurai ma chance dès la première minute de jeu. Cela me motive et pour moi la saison peut commencer la semaine prochaine !
Quel regard portez-vous sur vos années brugeoises ? Etes-vous fâché sur Sollied ?
C’est un club où j’ai toujours eu de bons contacts avec les supporters. C’est dommage pour ceux qui ont cru en moi mais il n’y a rien à faire. Je me devais d’envisager ma carrière et de ne plus trop faire attention aux autres. Quant à Trond Sollied, c’est clair que je ne le porte pas dans mon c£ur. Les jeunes, nous trouvions que nous avions notre place dans l’équipe et lui pas, c’est tout. Sa préférence va aux joueurs expérimentés et forts de la tête. Il a sa personnalité et sa vision, à laquelle il déroge rarement. Il faut presque être un footballeur de classe mondiale pour avoir sa chance avec lui. Je n’ai pas de sentiments revanchards mais peut-être cela jouera-t-il un rôle plus tard.
Selon certaines rumeurs, le Standard serait le prochain club de Trond Sollied…
(Il fronce les sourcils) C’est la première fois que j’entends cette histoire. Selon moi, cela en restera à la rumeur, car je pense que son ambition se situe au-delà de nos frontières (il sourit).
Christian Vandenabeele
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