LES TROIS C

Bruno Govers

Calme, concentration, caractère : le gardien des Mauves vu par Jan Van Steenberghe, son concurrent à la RAAL et au RSCA.

Comme il s’en doutait déjà avant la rencontre, Silvio Proto est d’emblée la cible, au stade Jan Breydel, des railleries et autres sarcasmes du public brugeois.  » Proto-mafia « ,  » Proto- Allatta  » : ce sont là, parmi d’autres, quelques remarques acerbes qui fusent des gradins dès son entrée sur le terrain. Le gardien du RSCA est d’autant plus exposé aux quolibets que Gert Verheyen, vainqueur du toss, a choisi de placer le numéro 13 des Mauves devant le kop brugeois. Celui-ci ne semble toutefois pas le moins du monde décontenancé par les agressions verbales des sympathisants des Bleu et Noir et se montre irréprochable tout au long de la première mi-temps. Après le thé, devant ses propres sympathisants, Proto poursuit sur la même voie et remporte son match dans le match face au public.

 » Une seule fois seulement, jusqu’ici, il a réagi aux provocations de la foule « , dit Jan Van Steenberghe, le troisième gardien des Mauves.  » C’était à l’occasion de notre ultime partie à domicile, contre Beveren. Ce soir-là, il faut bien l’avouer, il n’avait pas été inquiété le moins du monde, sur le terrain, par l’adversaire. Dans ces conditions, il était sans doute normal d’être plus réceptif aux échos qui lui parvenaient depuis les places debout, derrière son but. Un pouce levé et des applaudissements ironiques, en fin de rencontre, avaient été ses seules répliques. Dans tous les autres contextes, par contre, il est toujours resté extrêmement concentré sur son sujet et imperméable aux réactions de la foule. Parfois, je l’ai même surpris à se sublimer au départ d’un tel comportement. Comme à l’Excelsior Mouscron, par exemple, où il a probablement livré l’un de ses meilleurs matches pour le compte de l’équipe durant cette compétition. Sans lui et sans Nicolas Frutos, nous aurions tout simplement rebroussé chemin les mains vides « .

Van Steenberghe, est parfaitement apte à juger de manière pertinente Silvio Proto, celui qui s’est imposé, au fil des semaines, comme le titulaire incontestable entre les perches. Concurrents à La Louvière, autrefois, ils se sont retrouvés de concert au Parc Astrid cette saison. Mais dans une nouvelle distribution des rôles. Car si JVS, fort d’une expérience accumulée tour à tour à Alost, l’Antwerp, ainsi qu’au Tivoli, a pu contester à un moment donné l’hégémonie du coming man, il doit – à 33 ans – se contenter logiquement d’un statut de remplaçant derrière son ancien complice dans le Centre et… Daniel Zitka.

JVS :  » Ce qui me sidère particulièrement chez lui, c’est sa sérénité face aux événements ainsi qu’aux rumeurs, ragots et autres racontars. Son attitude, en match ou à l’entraînement, est celle de quelqu’un qui n’a strictement rien à se reprocher et qui s’affiche donc en tant que tel. A travers ses actes, on sent qu’il a la conscience en paix. Son calme intérieur se répercute également, chez lui, au niveau de la concentration. Comme nul autre, Silvio parvient à se focaliser sur le match du week-end. Et même si l’environnement lui est hostile ou défavorable, il parvient à en faire fi. Un autre trait qui frappe chez lui, c’est le caractère. Il a le feu dans les yeux lorsqu’il aborde un match et conserve cette détermination jusqu’au bout. Calme, concentration, caractère : ces trois C le typent en réalité parfaitement « .

Hésitant au départ, souverain aujourd’hui

Après cinq minutes de jeu à peine, à Bruges, Proto se distingue sur une reprise en ciseaux de Manaseh Ishiaku. Peu après (9′), c’est au tour de Verheyen de tenter un tir à la retourne qui aboutit une nouvelle fois dans les mains du gardien anderlechtois. Par la suite, il s’interpose encore dans les airs sur un centre de Michael Klukowski (13′) ainsi qu’une tête de Javier Portillo (25′). Après une intervention sur un tir à ras de terre d’ Ivan Leko (27′), Proto intervient encore avec à-propos sur une déviation de Gaëtan Englebert (43′). En deuxième mi-temps, il se signale encore par une claquette sur un envoi de loin de Sven Vermant (47′), un nouveau tir de Verheyen (62′) et une sortie audacieuse, en dehors de sa surface de réparation devant Ishiaku d’abord (71′), puis Bosko Balaban (76′).

 » Je remarque une grande différence entre le Silvio du deuxième tour de la compétition et celui du premier « , avoue Van Steenberghe.  » Autant il affiche une souveraineté de tous les instants aujourd’hui, autant il était hésitant au départ. A l’entraînement, il laissait parfois filer des ballons anodins ou calculait mal certaines trajectoires. Par moments, je me suis dit à cette époque : – C’est pas possible, il n’a quand même pas tout perdu ? Même le coach des gardiens Jacky Munaron s’interrogeait à son sujet. – Où est le Silvio Proto que j’ai connu chez les Diables Rouges lui répétait-il fréquemment. Petit à petit, les manquements se sont dissipés et Silvio a fini par retrouver toute sa superbe. Pour avoir à plusieurs reprises parlé avec lui, il était conscient de ses hésitations mais réclamait tout simplement un temps d’adaptation. Avec le recul, je me demande dans quelle mesure il n’a pas dû trop assimiler en très peu de temps suite à son passage de La Louvière à Anderlecht. Car sur plusieurs plans, tout était nouveau pour lui. Tout d’abord, il y avait la transition d’un entourage modeste vers un club du top. Avec, en corollaire, une autre forme de keeping. Chez les Loups, il devait veiller essentiellement au grain derrière, en sa qualité de dernier rempart. Au RSCA, en revanche, il faisait subitement office de premier relanceur de l’équipe. La différence est, bien sûr, très importante. Indépendamment du nouveau contexte, il lui a fallu composer aussi avec la concurrence. Au Tivoli, il s’était imposé au fil des ans comme l’indiscutable numéro 1. Ici, par contre, il devait se mesurer à un certain Zitka, qui ne manquait pas de références. C’est d’ailleurs le gardien tchèque qui avait entamé la saison, pour rappel, avant que Silvio ne profite du système de l’alternance pour bénéficier à son tour de temps de jeu. Il a, certes, repris du poil de la bête à ce moment au point de s’inscrire dans la durée dès l’automne. Mais à ce moment-là, il ne me semblait pas encore aussi sûr de son fait qu’aujourd’hui.

A mes yeux, il n’a donné le meilleur de lui-même qu’à partir du moment où le système de rotation s’est assoupli. Il tombe sous le sens que la situation est tout à fait différente selon que l’on joue avec le quintette Zitka- Vanden BorreTihinenKompanyDeschacht ou Proto- Zewlakow-Tihinen- De Man-Deschacht. Chaque fois qu’il y a une nouvelle composante, le degré de difficulté augmente et de nouveaux automatismes s’imposent. Nous avons beau être tous des footballeurs professionnels, une certaine adaptation s’impose. Et elle entraîne une gymnastique de l’esprit. Daniel est gaucher, par exemple, alors que Silvio est droitier. Dans ces conditions, chacun comprendra que tous deux aient pesté, quelquefois, quand l’un ou l’autre des défenseurs leur adressaient une balle en retrait sur leur mauvais pied. Aujourd’hui, tout cela est de l’histoire ancienne. La stabilité de la défense est devenue synonyme également de stabilité pour le gardien titulaire « .

Critique et exigeant envers lui-même

Retour sur le match de Bruges : indépendamment d’une balle en profondeur mal négociée par Ivan Leko avant la pause, le Club Bruges se crée, à l’heure juste, sa meilleure occasion de la rencontre. Sur un centre aérien, Verheyen surprend tout son monde à même le petit rectangle, Proto compris. Mais son heading passe à côté de l’objectif. Le gardien anderlechtois aurait sans doute été plus inspiré en faisant, sur cette phase, le ménage dans sa zone. C’est sa seule approximation même si, en fin de rencontre, il doit s’y reprendre à deux fois pour capter une transversale de Klukowski, empêchant in extremis le cuir d’aller en coup de coin.

 » On prétend parfois qu’Anderlecht est vulnérable sur les phases arrêtées ou que Silvio n’affiche pas toujours la maîtrise escomptée dans le petit rectangle, mais je ne suis pas de cet avis  » ; rétorque son copain Jan.  » Avec un total de 25 buts encaissés, nous nous situons à deux longueurs à peine du Standard, qui présente la défense la plus solide, actuellement. Des statistiques, de toute façon, qui veulent tout et rien dire, car avec 60 goals marqués, soit 14 de plus que les Liégeois, on pourrait rétorquer aussi que le Sporting joue de manière plus ouverte et qu’il s’expose donc plus facilement à un contre. Personnellement, j’estime qu’il faut relativiser le nombre de buts qui découlent de coups francs ou de corners. Pour la bonne et simple raison qu’il s’agit le plus souvent du seul moyen pour l’opposant de porter le danger devant notre but. Rarement, une réalisation adverse est la conséquence d’une offensive rondement menée. Plusieurs équipes ont fait des phases arrêtées leur spécialité. Il est donc normal qu’elles excellent dans ce registre précis. Chez nous, c’est différent. Chaque semaine, tous les aspects du jeu sont passés en revue. Aussi bien offensivement que défensivement. Nous répétons nos gammes, sans accorder une importance spécifique à l’un ou l’autre aspects, à l’image de ce que d’autres font. C’est pourquoi, nous maîtrisons peut-être un tout petit peu moins ce compartimentage-là. En revanche, notre panoplie est sans doute plus riche. Pour ce qui est des buts encaissés, de près ou de loin, il n’y a probablement pas censeur plus sévère que Silvio. Il sait fort bien quand il a fauté ou non et est extrêmement ouvert en la matière.

A Saint-Trond, il était d’avis que sa responsabilité était engagée sur le goal d’ouverture. Après coup, il nous a demandé, à Daniel et à moi, ce que nous en pensions, ainsi que la façon dont nous aurions réagi dans ce même cas de figure. A cet égard, nous avons toujours été très francs avec lui. Quand il y a quelque chose à redire, nous ne nous privons jamais de le lui signaler. De fait, Silvio profite du très bon climat qui règne de nos jours au sein du groupe au Sporting. Il y a eu tellement de problèmes la saison passée, avec Daniel et Tristan Peersman qui se sont trouvés tour à tour dans l’£il du cyclone, que nous avons tiré les leçons de cette mauvaise passe afin qu’elle ne se reproduise plus. La saison passée, il y avait eu, par moments, quelques paroles malheureuses. A présent, la solidarité n’est pas un vain mot chez nous. Même si Daniel n’est pas heureux de son sort, il ne lui viendra jamais à l’idée de tirer dans les pattes du titulaire. Et ce qui vaut pour lui est évidemment d’application pour moi aussi. Nous sommes tous solidaires. Et c’est ce qui fait notre force « .

BRUNO GOVERS

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