LES HOMMES de l’ombre

Ce ne sont pas des dirigeants de clubs mais ils ont un impact extraordinaire sur le football belge. Explications….

Il y a d’abord les dirigeants des grands clubs, ceux qui ont une fonction officielle. Les Roger Vanden Stock, Roland Duchâtelet ou Bart Verhaeghe. Les Ivan De Witte, Michel Louwagie, Dirk Degraen ou Herman Van Holsbeeck. Ceux qui prennent les décisions les plus importantes et mènent la politique de la Pro League. Et puis, il y a ces hommes de l’ombre, souvent des agents, qui font la pluie et le beau temps auprès des joueurs. Eux aussi détiennent une partie du pouvoir et orientent le football belge. Nous avons dressé la liste des 10 personnes qui, parfois dans l’anonymat, ont une importance considérable pour notre foot.

Mogi Bayat, agent

Dire qu’il est devenu l’agent numéro un sur le marché belge est un doux euphémisme. Mogi, c’est un style, qu’on aime ou qu’on n’aime pas. Direct, parfois un peu trop franc et d’une arrogance et d’une morve rare. Tellement sûr de lui, il décontenance ses principaux détracteurs qui n’attendent qu’une chose : qu’il se prenne les pieds dans le tapis. Ils peuvent encore attendre longtemps.

Celui que l’on disait  » footballistiquement mort  » lorsque son oncle le renvoya de Charleroi, a pris une revanche éclatante en devenant un personnage incontournable sur le marché belge. Plus aucun deal ne se fait sans son accord. Et il le sait. Il ne manqua d’ailleurs pas d’insulter un journaliste qui avait prédit que le football belge allait vite l’oublier, alors que celui-ci venait de se faire licencier.

Il a ses entrées partout. Principalement à Anderlecht (où un simple coup de fil lui permet d’envoyer trois joueurs à Charleroi à quelques heures de la fin du mercato) et à Genk où il est très proche de Dirk Degraen. Il a fait énormément d’affaires à Gand, Courtrai, Mons et OHL. Dans une interview récente au journal Le Soir, il a déclaré traiter avec 11 clubs belges ! Certains sous-entendent même qu’il est derrière la reprise de Charleroi par son frère Mehdi Bayat.

Grâce au départ de son oncle, c’est en tout cas un autre club qui s’ajoute à son tableau de chasse. Comme au temps où il était directeur général, il est désormais chez lui au Mambourg ! Bruges et le Standard en sont cependant vaccinés. Le Standard, où il était très proche pourtant du président Roland Duchâtelet, l’a déclaré persona non grata après le départ de Gohi Bi Cyriac.

Ses clients les plus célèbres ? Dieumerci Mbokani, Massimo Bruno, Christian Benteke (qu’il partage avec Kismet Eris) ou Benjamin Nicaise. C’est également lui qui négocie avec les clubs italiens pour sortir Jérémy Perbet de Mons.

Laurent Denis, avocat

Bien que les dirigeants d’Anderlecht aient toujours défendu l’image fair-play et vertueuse de leur club, ils n’ont jamais lâché l’avocat Laurent Denis, pourtant cité dans l’affaire des paris truqués. Cette affaire a porté un coup à celui qui était fort présent dans les médias mais elle ne l’a pas éloigné de son terrain de jeu favori : le football.

Pour rebondir, Denis a joué la carte de la discrétion, préférant désormais l’ombre à la lumière, et a soigné ses réseaux. Profitant de son expertise et également du petit nombre d’avocats spécialisés dans le droit du sport, il a regagné de l’importance, au point de devenir encore plus incontournable qu’il ne l’était avant l’affaire des paris truqués (dans laquelle il a été inculpé).

Aujourd’hui, il n’y a pas un contrat de transfert à Anderlecht qui ne passe pas par ses mains. Auprès des champions de Belgique, son influence est conséquente et sa proximité avec Herman Van Holsbeeckn’est plus à démontrer.

Il est également très présent dans d’autres dossiers. C’est lui qui a défendu Elimane Coulibaly lors de son renvoi du Beerschot. Lui qui également conseille Jonathan Legear lors de son mea culpa médiatique et de son action auprès de l’association RED, suite à son accident dans une station-essence. Encore lui qui assiste le Sporting de Charleroi (et son nouveau président Fabien Debecq) dans le dossier de la reprise. Lui qui se tient auprès de Mogi Bayatpour conseiller à Logan Bailly de revenir en Belgique, à Genk, puis à OHL, pour relancer une carrière enlisée. Il apparaît également dans le transfert de Nabil Dirar à Monaco. A cela s’ajoute sa présence de longue date auprès de la famille Mpenza (il conseille toujours Emile) et de Georges Leekens.

Mais son activité s’étend bien au-delà de nos frontières. C’est lui qui a validé le passage de Didier Drogba en Chine.

Dejan Veljkovic, agent

Lui aussi, à l’instar des deux autres, fait partie de la galaxie anderlechtoise. Comment cet ancien joueur d’Alost, proche de la direction de Lokeren, est entré dans le giron mauve ? Par l’entremise de son amitié avec Van Holsbeeck et un transfert : celui de Zvonko Milojevic (qu’il a soutenu durant toute sa revalidation suite à son grave accident de voiture)suivi quelques années plus tard par celui de Dalibor Veselinovic.

Certes, ce dernier ne fut pas un succès mais cela lui avait suffi pour caler son pied dans la porte. Son statut, il l’affina en débloquant le transfert de Milan Jovanovic, embourbé à Liverpool. Il en a fait un véritable ami (Jovanovic, par amitié pour son agent, n’a pas hésité à donner le coup d’envoi d’Alost-Eupen). Depuis lors, lorsqu’un deal se conclut avec Anderlecht, il n’en est généralement pas loin.

Mais ses antennes ne s’arrêtent pas à Bruxelles. Il a toujours ses réseaux à Lokeren, où il a conclu l’arrivée d’Hamdi Harbaoui et où il est proche de Peter Maes. C’est grâce à ses connexions avec le club waeslandien qu’il est également devenu l’agent de Laurens De Bock.

Pour placer le jeune back gauche, Veljkovic était placé entre le marteau (Anderlecht) et l’enclume (Bruges). Car depuis le transfert de Bojan Jorgacevic de Gand à Bruges et celui de Vladan Kujovic de Willem II à Bruges, Veljkovic avait également ses entrées au Club qui finalement arracha le morceau en réussissant à convaincre De Bock de rejoindre la Venise du Nord. Veljkovic n’avait d’ailleurs pas hésité à proposer Maes au Club suite au limogeage de Georges Leekens.

Veljkovic est également actif à Courtrai (où il est l’agent de Nebosja Pavlovic) et sert d’agent pour d’autres joueurs d’ex-Yougoslavie (comme les Serbes Uros Delic, Jugoslav Lazic, les Croates Ivan Leko, Tomislav Mikulic et Mijat Maric ou le Macédonien Tome Pacovski).

Très présent sur le marché russe, Veljkovic a également été impliqué dans les transferts de Joao Carlos et de Mbark Boussoufa à Anzhi ainsi que celui de Jonathan Legearà Terek Grozny.

La famille Henrotay, agents

A deux, ils se partagent le pays. D’un côté, le père, Roger Henrotay, ancien directeur général du Standard, devenu par la suite agent de joueurs. Par son passé liégeois, il a longtemps gardé de l’influence du côté de Sclessin. Il fut cependant mis à l’index lorsqu’il invoqua la loi de 1978 pour pousser le Standard à revaloriser le contrat de Marouane Fellaini. Luciano D’Onofrio lui fit payer en se passant de lui lors du transfert du même joueur à Everton. Depuis lors, Roger Henrotay est en procès avec Lucien D’Onofrio. Cependant, depuis le départ de LDO, les portes de Sclessin ne lui sont plus hermétiquement fermées.

Son grand retour a été officialisé lors de l’engagement de Mircea Rednic, dont il est l’agent (c’est déjà lui, comme directeur général, qui l’avait fait venir au début des années 90). Depuis le fiasco hollandais (Rob Delahaye et Ron Jans), Roland Duchâtelet prête une oreille plus qu’attentive aux conseils et offres de Roger Henrotay, qui avait déjà fait venir Frédéric Bulot cet été.

De l’autre, il y a le fils, Christophe Henrotay, davantage spécialisé dans les internationaux belges. Il s’est d’abord ouvert les portes du marché international grâce au transfert de Daniel Van Buyten au Bayern de Munich. Mais c’est en conseillant Romelu Lukaku et en négociant son lucratif transfert à Chelsea qu’il est devenu un incontournable. Depuis ce deal, il est dans les bons papiers de Chelsea (où il a placé les frères Musonda) et d’Anderlecht où il se partage le gâteau en compagnie de Mogi Bayat, Dejan Veljkovic et Laurent Denis. A chacun sa zone d’influence. Et parfois, ils se retrouvent à plusieurs pour un deal, comme pour le transfert de Legear, sur lequel Veljkovic, Henrotay et Denis ont travaillé ensemble.

Christophe Henrotay est également l’agent de Vadis Odjidja (Club Bruges), du prometteur talent monégasque Yannick Ferreira-Carrasco, de Ziguy Badibanga (Charleroi) ou de Kevin Mirallas (Everton).

Lieven Maesschalck, kiné

Sa réputation, il la doit à Marc Wilmots, qu’il avait remis sur pied à deux reprises bien plus vite que prévu et alors que certains annonçaient sa fin de carrière. Puis à Johan Museeuw, qu’il a ressuscité également à deux reprises.Depuis lors, le kiné d’Anvers, Lieven Maesschalck est devenu incontournable. Bosseur impénitent (il dort peu et travaille 14 h par jour), il soumet les sportifs blessés à un régime intensif.

C’est bien simple : tout sportif belge de haut niveau qui connaît soit une blessure, soit un retard physique passe par son cabinet. Sa méthode : montrer l’exemple. Il rame avec Luc Van Lierde, pédale avec Museeuw, court avec Wilmots.

Certes, sa clientèle est loin de se concentrer sur le monde du foot mais depuis Wilmots et Emile Mpenza, encore fidèle au kiné, tout international belge qui se respecte passe par le cabinet Maesschalck. C’est là que Marouane Fellainis’est retapé à chaque blessure. En octobre, lorsqu’il fut écarté des terrains trois semaines, c’est encore chez Maesschalck qu’il alla se soigner.

Même chose pour Jonathan Legear, Nacer Chadli, Mats Rits, Bernd Thijs, Ronald Vargas, Glenn Verbauwhede, Daniel Cruz ou Marvin Ogunjimi. Maesschalck n’a pas qu’une clientèle belge puisqu’en leurs temps, Fernando Redondo et Filippo Inzaghi s’étaient fait soigner à Anvers.

Conscient de ce qu’il peut apporter aux sportifs de haut niveau, Wilmots a plaidé sa cause auprès de Georges Leekens et l’Union Belge pour qu’il en devienne le kiné officiel. Maesschalck travaille donc pour les Diables Rouges. Dans ce cadre-là, il n’a pas hésité à se déplacer à Londres pour offrir à Moussa Dembélé un programme individuel, lui qui était sorti blessé du match de qualification face à l’Ecosse. Cette présence assidue fait de lui un des hommes de confiance des internationaux.

La force de Maesschalck réside également dans le fait qu’il ne s’intéresse pas qu’aux stars. Le sportif du dimanche peut se faire soigner par son cabinet, ainsi que des footballeurs de D1 moins connus comme Roel Van Hemert ou Frédéric Frans.

Luciano D’Onofrio, ancien agent

Il y a deux ans, on n’aurait pas pu le placer dans ce classement puisqu’il occupait une fonction officielle. Pourtant, depuis qu’il a quitté le Standard, et comme ses démêlés judiciaires l’empêchent de reprendre son activité d’agent officiel, Luciano D’Onofrio est devenu l’exemple même de l’homme de l’ombre. Discret mais omniprésent. Partout et nulle part à la fois, il génère beaucoup de fantasmes mais il tire bel et bien toujours les ficelles du football belge. A se demander même s’il n’est pas l’homme le plus puissant.

C’est lui qui a démantelé le Standard en s’occupant des transferts de Steven Defour, Axel Witsel, Mehdi Carcela et Eliaquim Mangala, et du même coup saboté les premiers pas de Roland Duchâtelet. Mais c’est également lui qui a orienté Milan Jovanovic et Dieumerci Mbokani vers Anderlecht, se rapprochant fortement de la direction mauve au point d’être sur le point d’intégrer le conseil d’administration.

En coulisses, il sert également d’intermédiaire dans les reprises de club. Il a été en contact avec Abbas Bayat pour la reprise de Charleroi ; il a injecté de l’argent dans Eupen avant de se faire rembourser par les Qataris auxquels il a servi d’éclaireur. Il a également négocié avec Tubize et le White Star. A tel point qu’on peut se demander si un projet peut aboutir sans la présence de l’ancien homme fort du Standard.

Philippe Collin, président de la commission technique

D’un côté, il y a ceux qui estiment que les agents dirigent le foot. De l’autre, il y a ceux qui pensent que les présidents ou dirigeants ont le dernier mot. Et puis il y a les conseillers des présidents. Longtemps, il a joué ce rôle à Anderlecht. Cousin de Roger Vanden Stock, il a longtemps représenté le pendant du président anderlechtois. D’un côté, il y avait la mouvance Vanden Stock, qui confiait les clés de maison (et différents secteurs administratifs) à ses filles, et de l’autre, il y avait la mouvance Collin, davantage orientée sur la politique sportive, et dont l’influence se manifestait notamment sur les transferts grâce à son gendre, Jacques Lichstenstein.

Il a perdu un peu de pouvoir décisionnel (mais pas spécialement d’influence) lors de l’émergence d’Herman Van Holsbeeck qui coïncida avec la perte de contrôle de Lichtenstein sur le noyau anderlechtois. Mais ce qu’il a perdu à Anderlecht, il l’a compensé à l’Union Belge, où tel un Richelieu, il reste discret mais décide tout, en sa qualité de président de la Commission technique. C’est lui qui a confié successivement les rênes de la sélection à Dick Advocaat, Georges Leekens et Marc Wilmots.

Si Collin est l’archétype de l’homme de l’ombre lorsqu’il siège comme administrateur à Anderlecht (il est également secrétaire-général des Mauves), il a quitté ce rôle en acceptant une fonction officielle à la Fédération. Lui qui acceptait rarement une interview, le voilà obligé de répondre de ses choix et de défendre ses sélectionneurs lorsque le vent souffle.

Pierre Arcens, directeur général Europe de Burrda

Ce nom ne vous dit rien et pourtant, il symbolise en quelque sorte le renouveau économique des Diables Rouges. Pierre Arcens, un ancien d’Adidas, est le directeur général Europe de la marque qatarie (mais qui a son siège principal en Suisse), Burrda, devenue l’équipementier des Diables Rouges en 2010, en remplacement du tout puissant américain, Nike. En signant ce contrat, l’Union Belge paraphait le meilleur deal jamais signé, portant sur 800.000 euros par saison (et du matériel d’une valeur de 400.000 euros pour toutes les équipes nationales).

Avant d’arriver en Belgique, la marque était peu connue, présente quasiment uniquement sur les maillots du club anglais de Wolverhampton Wanderers. Grâce aux derniers résultats des Diables Rouges, le maillot connaît un réel engouement. Et si les Belges servaient de tremplin à cette firme qui ne compte pour le moment que trois équipes anglaises de divisions inférieures, l’OGC Nice, des clubs de rugby français comme Toulon et Biarritz, ainsi que la plupart des équipes du championnat qatari dans son giron, et qui veut concurrencer Nike et Adidas en Europe ?

Walter Mortelmans, agent

En Flandre, cet agent a ses entrées partout. Grâce à sa société ISM, qu’il a fondée en 1994 et qu’il dirige avec René Vijt. Depuis près de 20 ans, à eux deux, ils ont réalisé des gros coups : Anthony Vanden Borre à la Fiorentina, Branko Strupar à Derby County ou Bryan Ruiz à Fulham.

ISM peut également compter sur Els Van de Wiele qui a ses réseaux et ses bureaux au Costa Rica. Ce filon a notamment permis de rapatrier Ruiz ou Randall Azofeifa à Gand. En Belgique, ISM compte une cinquantaine de joueurs dans la plupart des clubs flamands. Par contre, ISM a moins de contacts en Wallonie (il a quand même placé Yoni Buyens au Standard). Historiquement, Mortelmans a toujours été très proche du Club Bruges où il a amené Mario Stanic, Nzelo Lembi, Bosko Balaban ou Sandy Martens. C’est également lui qui a conclu le passage de Björn Vleminckx du NEC à Bruges et ensuite de Bruges à Genclerbirligi (où il avait déjà transféré Azofeifa). Il a également eu une influence dans le transfert de Laurens De Bock à Bruges.

Manu Leroy, responsable de Sporting Telenet

Dans ce classement des hommes de l’ombre, il était impossible de passer sous silence l’implication grandissante des télévisions et l’impact important des droits télévisés sur le budget des clubs. L’ancien gardien de l’équipe nationale de hockey a fait partie des négociations qui ont permis à Telenet de décrocher les derniers droits télévisuels, Voo s’accrochant ensuite à la charrette. En mettant 166 millions d’euros pour trois ans, en juin 2011, le diffuseur flamand avait offert une rallonge de 33 millions d’euros par rapport à l’offre précédente de Belgacom, et du même coup une bonne bouffée d’oxygène au football belge.

Aujourd’hui, Manu Leroy sert de point de contact avec l’Union Belge et la Pro League, pour notamment définir le calendrier et choisir les directs télévisés. Il est également responsable de la chaîne Sporting Telenet, mise sur pied pour diffuser les rencontres du championnat belge.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

Tellement sûr de lui, Mogi décontenance ses principaux détracteurs qui n’attendent qu’une chose : qu’il se prenne les pieds dans le tapis.

Lucien D’Onofrio tire bel et bien toujours les ficelles du football belge. A se demander même s’il n’est pas l’homme le plus puissant.

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