Les dures leçons argentées de Loena Hendrickx et des Red Lions
Ils voulaient aller chercher un titre européen et un titre mondial, mais ont dû se contenter de l’argent. Les ambitions dorées exprimées ouvertement par Loena Hendrickx et les Red Lions doivent-elles continuer à l’être si ouvertement ? Ne doivent-ils pas également tirer les bonnes leçons après leurs « échecs » du week-end écoulé.
« Loena est la première patineuse actuellement en Europe. L’or est l’objectif. Seule Loena peut se battre contre elle-même. Nous devons oser le dire », déclarait l’entraîneur Jorik Hendrickx avant les Championnats européens de patinage artistique. Sa sœur lui emboîtait le pas en affirmant de son côté que « la route était tracée pour remporter l’or. »
Une ambition loin d’être démesurée, puisque, du plateau présent en Finlande, Loena Hendrickx détenait de loin le meilleur record personnel et le meilleur score de la saison. Elle bénéficiait aussi de l’absence des Russes qui ont dominé le patinage artistique ces dernières années.
« Notre unique objectif lors qu’on est champion en titre et champion olympique, c’est la médaille d’or. Je déteste quand les athlètes disent qu’ils n’ont pas la médaille d’or en tête, qu’ils « espèrent que tout ira bien ». Ces équipes ne gagneront jamais. Notre force est de dire que nous jouons pour remporter le titre. Et que nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que cela se produise. Si ça ne marche pas, qu’il en soit ainsi ». Ainsi s’exprimait John-John Dohmen après la victoire des Red Lions en demi-finale contre les Pays-Bas. Il ne faisait que répéter ce que tous ses coéquipiers avaient déclaré avant et pendant le championnat du monde de hockey sur gazon. Seul un deuxième titre mondial pourrait suffire à leur bonheur.
Ces ambitions dorées, surtout exprimées si ouvertement, ne sont pas courantes dans les habitudes belges. Du moins, c’était le cas dans le passé. Car dans notre paysage sportif national, un changement de mentalité assez frappant a été constaté ces dernières années. Fini de ne revendiquer que le rôle de l’outsider souvent (trop) humble.
À la place, nos représentants assument désormais le statut de favori. Les Red Lions, en particulier, ont joué un rôle important dans ce changement de cap. Ils sont devenus plus Néerlandais ou Français dans les ambitions, sans tomber dans l’arrogance pour autant.. à la hollandaise, mais sans devenir arrogant.
Des occasions manquées
Cette mentalité plus conquérente est aussi l’une des raisons du renouveau du sport belge. Et il n’y a rien de mal en soi. Mais du coup, que se passe-t-il si cet objectif doré n’est PAS atteint comme cela a été le cas le week-end dernier. Loena Hendrickx et les Red Lions ont dû se contenter d’argent autour de leurs cous. A leur grande déception.
Surtout pour la patineuse dont les joues étaient recouvertes de larmes. Elle n’estimait cependant pas que c’était une erreur d’avoir annoncé ouvertement son ambition sur ces championnats d’Europe. Et les Red Lions ne comptent pas se montrer moins conquérants lorsqu’ils s’attaqueront à la conquête du titre européen l’été prochain et à la reconduction de leur médaille d’or lors des Jeux olympiques de 2024.
La vérité ne doit pour autant pas être déguisée. Oui, des médailles d’argent aux championnats d’Europe et aux championnats du monde, c’est bien. Mais c’est surtout une occasion manquée de décrocher l’or, même s’il faut rappeler qu’il y a encore dix ans, jamais notre pays n’aurait pu rêver de cela aussi bien en hockey sur gazon qu’en patinage artistique.
Tant Loena Hendrickx que les Red Lions ont d’abord perdu contre eux-mêmes en n’atteignant pas leur meilleur niveau. Malgré sa médaille d’argent, la native d’Arendonk est restée loin du compte à Espoo, en Finlande. Elle n’a réussi qu’un score total de 193,48 points, qui reste bien en deça de son total obtenu douze mois plus tôt dans la même compétition. A l’époque, elle avait réalisé 207.97 points et pris la quatrième place derrière trois trois Russes. Lors du championnat du monde, quelques semaines plus tard, elle avait obtenu 217.70 points et pris la seconde place, alors que les Russes étaient absentes. Enfin, elle a établu un record personnel à 219.05 points.
Twisties
Ce mauvais total réalisé au championnat d’Europe était le résultat de plusieurs sauts ratés, tant dans le programe libre court que dans le long. Et ceux-ci étaient la conséquence d’une préparation perturbée, avec des semaines de mauvais entraînement. La patineuse a aussi connu des « twisties » (pertes de repère chez un sportif, un phénomène dont avait souffert la gymnaste Simone Biles lors des JO). Ceux-ci peuvent peut-être aussi s’expliquer en partie par la séparation avec son compagnon. Même s’il est toujours difficile d’établir un lien de cause à effet.
Loena Hendrickx a semblé porter comme un trop gros poids sur ses épaules ce statut de favori. Tout comme elle n’avait pas donné le meilleur d’elle-même aux Jeux olympiques d’hiver de Pékin, après toute l’agitation suscitée par le cas de dopage de la Russe Kamila Valieva.
Dans un sport aussi technique, l’aspect mental est déterminant et représenterait, selon les dires de la patineuse belge, 70 % de la performance. Ce sera clairement un point de travail en vue des championnats du monde en mars et dans les prochaines années. Elle devra aussi décider si Brigitte Derks, la « coach de vie et d’état d’esprit » qui la suit actuellement est toujours la bonne personne pour l’aider à faire face à ces problèmes. Il faudrait qu’Hendrickx les reconnaisse pour qu’elle n’ait plus qu’à les solutionner.
Trop peu de dynamisme
Les Red Lions étaient moins réalistes quelques secondes après leur défaite en finale de la Coupe du monde contre l’Allemagne. « Nous avons manqué de chance, le match s’est joué sur des détails, les shoot-out sont toujours une loterie, et nous devons être fiers de ce que cette génération a accompli », pouvait-on entendre dans certaines bouches.
Ce dernier point est tout à fait vrai. Lors de la dernière décennie, nos hockeyeurs ont disputé sept finales lors des dix derniers championnats disputés (Europe, monde et JO). On peut affirmer que les Red Lions sont la seule véritable génération dorée des sports collectifs belges.
Cela dit, malgré toutes leurs qualités, ils n’ont jamais vraiment été brillants tout au long de cette Coupe du monde. Pas une seule rencontre « de référence », seulement quelques brillantes périodes. Et cela n’avait rien à voir avec la chance.
En quart de finale, les Lions se sont imposés sans en faire de trop face à la Nouvelle-Zélande. En demi-finale, les Pays-Bas les ont dominé pendant près de trois quarts d’heure et Vincent Vanasch s’est à nouveau érigé en héros lors de la séance des shoot-out. Et en finale, l’Allemagne était clairement la meilleure équipe sur l’ensemble du match. Et ce, malgré le départ tambour battant d’Arthur Van Doren et de ses partenaires lors du premier quart d’heure.
Cependant, avant ce Mondial et après la demi-finale contre les Pays-Bas, la capacité des Belges, que l’on disait « vieillissants » (à l’image de leurs homologues du football), à répondre présent dans les moments décisifs grâce à leur expérience et leur talent a souvent été louée. Le problème, c’est que les Red Lions ont sans doute pensé qu’ils allaient reconduire leur titre mondial uniquement grâce à ces deux atouts.
Bien sûr, la blessure d’Alexander Hendrickx, spécialiste des pénalty corners, a été un vrai coup dur. On se souvient qu’il fut l’un des joueurs clés du sacre olympique de Tokyo. Mais le principal problème de la Belgique a été son manque de dynamisme et d’agressivité. C’est ce qui explique principalement pourquoi les Néerlandais ont dominé une grande partie de la demi-finale et que les Allemands ont pu remonter au score. Ces adversaires étaient plus vifs et plus rapides que les nôtres.
Changement de génération ?
Il faudra voir dans les prochains mois si le phénomène se répète ou s’il commence tout doucement à être temps de rajeunir l’effectif. L’Allemagne et les Pays-Bas arrivent déjà à s’installer dans les meilleures équipes après avoir considérablement rajeuni leurs effectifs.
Le championnat d’Europe, qui se déroulera en août à Mönchengladbach, pourrait marquer un tournant. Si les Red Lions retrouvaient de leur superbe lors de ce tournoi et l’emportaient de nouveau, ils pourraient se lancer sur la route de Paris 2024 en toute confiance.
S’ils ne parvenaient pas à devenir champions d’Europe, il serait sans doute temps pour le sélectionneur national Michel van den Heuvel de rajeunir partiellement ses troupes en incluant deux ou trois nouveaux joueurs. Il pourrait aussi aborder cette échéance olympique avec une approche différente.
Les leçons qui seront tirées de cette médaille d’argent aux championnats du monde détermineront sans doute si la génération dorée du hockey peut préparer sa sortie sur une dernière note positive. Si tel devait être le cas, alors cet « échec » se sera révélé bénéfique.
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