La Panenka : pour les fadas ou les gagas ?

Bernard Jeunejean

A l’issue du dernier Euro, Michel Platini s’est réjoui du fait que les buts de la tête aient été en augmentation : par rapport au Mondial 2010, ils étaient en effet passés de 18 % à 29 % du total de buts inscrits. Et Platoche jubilait, prétendant que la peur des arbitres additionnels avait angélisé les surfaces de réparation : un flic de plus à proximité, donc des jeux de bras en moins pour empêcher les attaquants de sauter, donc des headings plus fréquemment victorieux ! Mouais. Voire. Ça me semble un peu hâtif de décréter que les grands rectangles sont désormais clean, et que le spectacle y a remplacé la vicelardise.

En outre, et quoique je sois supporter de la propreté, la médaille a ici un revers : si les buts aériens sont en augmentation, le total des buts ne l’est pas,…et cela signifie que les buts non-aériens sont en diminution ! De même que les buts sur phases en mouvement, vu qu’une bonne part de ces coups de tête résultent de phases arrêtées ! Alors, si ces 29 % deviennent peu à peu 40 % ou 50 %, ça voudra dire trois choses moches. Un, que le jeu au sol se raréfie. Deux, que le foot victorieux est de moins en moins cette intelligence en mouvement que nous sommes si fiers de citer : faudra-t-il parler d’ intelligence à l’arrêt ? ! Et trois, que le foot du top se transforme en chasse gardée pour géants, à l’instar du basket ou du volley : pas bon pour sa popularité, ça !

Sans doute est-ce cela, le foot qui évolue : des gestes qui ont la cote aujourd’hui, d’autres qui ne l’ont plus. Tenez, la Panenka sur péno par exemple : elle était rarissime hier, rarissimement ratée lorsqu’elle survenait, et celui qui l’osait devenait héros téméraire en la réussissant. Mais il me semble que, depuis peu, il y a inflation : on la tente autant qu’un autre type de botté, on a l’air bête en la ratant (n’est-ce pas Alessandro Cordaro ?) et les gardiens s’attendent désormais à la subir. Plus elle va rentrer dans les m£urs, moins elle éblouira. L’Art est rare…

Exemple inverse : la longue transversale de l’extérieur du pied. Quand j’étais petit, y’avait des pieds champions du genre. Par exemple le droit de Franz Beckenbauer, car même les stars droitières n’étaient guère fortiches du pied gauche. Et surtout, crois-je me souvenir, les pieds de gauchers, car les stars gauchères étaient nulles du pied droit : mais Gerson ou Rivelino, les Brésiliens, Wolfgang Overath l’Allemand, parvenaient à te millimétrer des balles à 40 mètres en donnant l’impression d’avoir caressé le cuir avec leur seul petit orteil gauche ! Ces temps sont révolus, ces gauchers dont le pied droit ne servait qu’à monter dans le tram vieillissent à l’hospice du top niveau : depuis que les caïds savent changer d’aile du gauche ou du droit indifféremment, le petit orteil a perdu de sa grandeur.

Tant qu’on en est aux pertes et profits du foot, je termine par une question qui me hante depuis peu. Il arrive que l’on joue avec un soleil rasant en pleine tronche, et que le feu du ciel emmerde souverainement les acteurs : a fortiori dans les petites divisions provinciales, où aucune tribune haute ne ceint l’aire de jeu. Alors donc, les gardiens mettent une casquette. Le règlement l’interdit aux joueurs de champ vu que la visière (qui n’arrangerait pas les choses en cas de heading) pourrait blesser lors des contacts. Mais nombre de coaches l’arborent, moi notamment, car je souhaite disposer de mes pognes pour en faire autre chose que me les coller contre le front. Alors, pourquoi, MAIS POURQUOI n’ai-je jamais salué aucun arbitre affublé d’une casquette quand, hello, le soleil brille, brille, brille ? ? ? Pourquoi nos directeurs de jeu ne mettent-ils pas alors tous les atouts dans le leur, pour mieux voir les franchissements de ligne, les coups bas ou les drapeaux levés ? Eux et leur sifflet, croient-ils rayonner au point d’éblouir l’astre du jour lui-même ? La question me taraude.

Bernard Jeunejean

 » Le petit orteil a perdu de sa grandeur. « 

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