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Il y a 30 ans, Magic Johnson bouleversait le monde du sport

Le 7 novembre 1991, il y a tout juste trente ans, l’icône de la NBA Earvin Magic Johnson annonçait qu’il était porteur du virus VIH. C’était un dimanche et l’onde de choc s’était révélée terrible. Pour la NBA, et plus encore pour le joueur américain.

Il existe des jours dont on se souvient où on était et avec qui. Ce dimanche 7 novembre, trente ans après qu’ EarvinMagicJohnson eut bouleversé le monde du sport lors de l’une des conférences de presse les plus mémorables de tous les temps, les souvenirs ressurgissent. Une semaine et demie plus tôt, la star des LA Lakers est testée positive au VIH à deux reprises lors d’examens médicaux de routine. Seules sept personnes de son entourage et de celui des Lakers sont informées, mais pas (encore) ses coéquipiers. Ceux-ci disputent les trois premiers matches de la saison sans leur meneur de jeu, « grippé ».

Ce n’est que le 8 novembre que Johnson compte annoncer sa retraite sportive, conseillé par un pionnier du traitement du VIH. Toutefois, lorsque le matin du 7 novembre, une station de radio locale de Los Angeles rapporte (à tort) que Magic démissionne parce qu’il est atteint du sida, la conférence de presse est avancée d’un jour. Le patron de la NBA, DavidStern, est informé, tout comme les coéquipiers de Johnson aux Lakers lors d’une réunion d’équipe émouvante juste avant la conférence de presse. Dans une salle de presse du Forum de Los Angeles, remplie de journalistes accourus à la hâte des quatre coins des États-Unis, Magic prononce la phrase historique: « En raison du virus VIH que j’ai contracté, je vais devoir me retirer des Lakers dès aujourd’hui. » Pas abattu mais combatif, armé de son sourire « colgate » si caractéristique. Il souligne également qu’il n’a pas le sida, mais qu’il est seulement infecté par le virus VIH.

La stupéfaction du public n’en est pas moins grande, et certains journalistes versent même quelques larmes. Après tout, Johnson est l’incarnation du rêve américain. Fils d’un éboueur et d’une femme de ménage, il est le symbole des Lakers en mode Showtime dans les années 1980. Avec l’équipe de Los Angeles, il remporte cinq titres de champion et est élu trois fois MVP. Magic est devenu une marque, un super-héros aimé de tous et qui semble être immortel. Jusqu’à ce 7 novembre 1991. Beaucoup pensent alors que Johnson a reçu le baiser de la mort, qu’il va mourir dans les prochains mois. Le lendemain de la conférence de presse, son ancien coach PatRiley demande même une minute de silence avant un match des New York Knicks…

Au moment de cette conférence de presse historique, le tabou entourant le sida et le manque de connaissances à son sujet sont énormes.
Au moment de cette conférence de presse historique, le tabou entourant le sida et le manque de connaissances à son sujet sont énormes.© GETTY

Il faut rappeler qu’à l’époque, le tabou entourant le sida et le manque de connaissances à son sujet sont énormes. Cette maladie est diagnostiquée pour la première fois aux États-Unis dix ans plus tôt, et 125.000 Américains en sont déjà morts. Toutefois, selon la perception qui prévaut à l’époque, il s’agit principalement d’homosexuels et de toxicomanes, et non de personnalités hétérosexuelles et populaires comme Johnson. Soudain, ce mythe vole en éclat. Et donc Johnson endosse un nouveau rôle de super-héros. Il n’est plus un showman, mais un briseur de tabous qui souhaite sensibiliser et informer les jeunes Américains sur le sida et sa prévention. « Si quelqu’un peut le faire, c’est bien Magic« , déclare-t-il.

Le patron de la NBA, David Stern, souhaite également qu’il joue ce rôle. Ainsi, en février 1992, Johnson est autorisé à participer au AllStarGame à Orlando. Bien qu’il n’a pas joué avec les Lakers pendant la saison, il reçoit le deuxième plus grand nombre de votes des fans parmi tous les guards de la Conférence Ouest. Ce All-Star Game sert de prélude aux Jeux Olympiques de Barcelone, pour lesquels Magic est déjà sélectionné comme l’une des stars de la DreamTeam. Le test du All-Star est réussi: Johnson marque 25 points et est élu MVP, grâce – ou pas – à un scénario écrit à l’avance. Ainsi, le scepticisme du grand public à l’égard du danger que représente un joueur infecté par le VIH s’évapore. Ce n’est pas un hasard si David Stern et MichaelJordan le serrent dans leurs bras après le All-Star Game, sous l’oeil des caméras.

Come-back de courte durée

Ce scénario connaît une suite encore plus retentissante à l’été 1992, lorsque Johnson réalise quelques coups d’éclat d’extraterrestre à Barcelone en tant que leader de la DreamTeam. La star condamnée du basket-ball « reprend vie » et affiche une forme… olympique. Mais pas pour longtemps. Le retour de Magic avec les Lakers ne dépasse pas la pré-saison suivante. Après un match, une petite blessure qui saigne, soignée le préparateur physique des Lakers GaryVitti sans gants, suscite l’émoi. Les joueurs, avec à leur tête la vedette des Utah Jazz KarlMalone, protestent avec véhémence. Ils ne veulent plus jouer contre Johnson, le risque de contamination étant trop grand. Des sponsors comme Pepsi stoppent également leur collaboration avec Magic.

Il y a 30 ans, Magic Johnson bouleversait le monde du sport
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En outre, l’opinion publique elle aussi fait volte-face, notamment parmi les Américains blancs, lorsque Johnson explique dans sa biographie MyLife qu’il a contracté le VIH lors de rapports sexuels non protégés. Même s’il a épousé sa petite amie de l’université, EarleathaCookieKelly en septembre 1991, il s’avère être accro au sexe, et explique avoir couché avec des centaines de groupies, y compris dans des « plans à trois, quatre et six ». À un moment donné, les Lakers sont tellement préoccupés par ses escapades sexuelles qu’ils demandent à la NBA d’intervenir. Une femme a même intenté un procès à Magic parce qu’elle disait avoir contracté le VIH pendant leurs ébats amoureux sans préservatif. C’était en juin 1990, 17 mois avant la fameuse conférence de presse de Johnson.

La pression devient si intenable que Johnson annonce sa retraite pour la deuxième fois le 2 novembre 1992. Parce qu’il ne veut pas « faire du mal à la NBA ». Quatre ans plus tard, lors de la saison 1995-96, Johnson tente un court come-back avec les Lakers. Sans succès. Après quoi, il débranche lui-même la prise. Définitivement. « Mais cette fois, c’est ma décision, pas comme en 1992 ».

Pourtant, Magic continue à exercer sa magie dans les années qui suivent, avec son éternel sourire. En tant qu’homme d’affaires, il construit un empire qui vaut des centaines de millions de dollars dans le monde des médias et du sport, où il reste une figure très en vue. En tant que président des Lakers (de 2017 à 2019), il attire la superstar LeBronJames à LA. Et en tant que modèle, il se consacre avec sa fondation à la sensibilisation au VIH/sida et à son traitement, contribuant à changer la perception du virus et de la maladie aux États-Unis.

Mais surtout, il représente l’espoir, lui qui est aujourd’hui âgé de 62 ans et est encore en pleine forme, grâce aux médicaments et à un mode de vie sain. Deux facteurs qui ont réduit la présence du VIH dans son organisme. Personne, y compris Johnson lui-même, n’aurait rêvé de cela il y a trente ans.

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